[caption id="attachment_69393" align="aligncenter" width="500" caption="Le président par intérim, Pr. Dionkounda TRAORE et le Premier Ministre, Dr Cheick M. Diasr"]
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« La parole d’officier, ailleurs qu’au camp de Kati, est sacrée, irrévocable et irréversible. La parole d’officier, ailleurs qu’au camp de Kati, a toujours eu valeur d’engagement. Je vous invite, mon capitaine, à révisionner l’enregistrement de votre prestation de ce matin du 22 mars 2012 avec vos hommes dont certains avaient les yeux hagards, on comprend pourquoi. As-tu oublié, mon capitaine, que ce matin-là, les événements en cours au Nord du Mali avaient été le prétexte mis en avant pour justifier votre forfaiture ? » Voilà comment s’insurgeait en substance notre confrère Mamadou Sakhir Ndiaye, dans une lettre ouverte, au capitaine Amadou Sanogo. La CEDEAO serait plus conciliante envers l’ex-junte malienne qu’elle ne l’est envers les putschistes bissau-guinéens.
[caption id="attachment_69396" align="alignleft" width="350" caption="Le Capitaine Sanogo"]
![capitaine-Amadou](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/05/capitaine-Amadou.jpg)
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C’est vraisemblablement le constat qui prévaut. Pour certains observateurs, cette situation se justifie du fait que le capitaine Sanogo et ses compagnons seraient plus « faciles » à gérer, alors qu’en Guinée-Bissau, le Général Antonio Injai et ses hommes seraient plus « récalcitrants », plus durs à cuire. Les faits sont têtus : bien qu’intervenue après le coup du capitaine Sanogo, la situation en Guinée-Bissau connaît à ce jour déjà un déploiement de militaires de la CEDEAO, alors que rien n’est encore effectif pour le Mali. Qui soutient Sanogo ? Et pour combien de temps ? De toute évidence, le capitaine Haya Sanogo bénéficie du soutien de nombreux partisans ayant cautionné son coup de force du 22 mars 2012. Avant bien sûr que ceux-ci estiment avoir été trahis par le tombeur de Amadou Toumani Touré, ce 21 mai. Pourquoi ? Jusqu’ici, le « sauveur » autoproclamé du Mali n’aura réussi qu’à précipiter l’occupation du Nord-Mali par des groupes armés dont le mouvement Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Il a réussi à capter l’attention de la CEDEAO sur sa personne, compromettant de plus en plus la situation des populations du Nord. Au lieu d’un plan de négociation ou de guerre pour libérer la partie nord de son pays, Sanogo a passé son temps à contester l’accord-cadre qu’il a signé avec la CEDEAO le 6 avril 2012, a affûté ses armes pour satisfaire ses intérêts personnels.
Ce qui a d’ailleurs fini par porter fruit par le vote en sa faveur et celle de ses hommes d’une loi d’amnistie, et par le statut d’ancien Chef d’Etat du Mali dont il jouit désormais, avec pour avantages une indemnité de 4 à 5 millions F CFA par mois, une résidence présidentielle, deux véhicules, un peloton de sécurité pour sa garde personnelle et celle de sa famille ; fournitures d’eau, d’électricité et de téléphone, ainsi qu’au personnel affecté à sa résidence, à la charge de l’Etat, passeports diplomatiques pour lui et sa famille, privilèges de préséance protocolaires dans les cérémonies officielles, honneurs dus aux anciens dirigeants… Le prix de la trahison ! Au-delà des fidèles inconditionnels qui le supportent, le capitaine Sanogo bénéficierait de soutien occulte de la part de puissants tout aussi occultes. Le temps finira par dévoiler ses secrets et on verra bien si Sanogo aura eu tort ou raison de jouer leur jeu.
Normalisation à Bamako, élection, libération du Nord : quelle est la priorité du moment ?
L’accord politique signé entre la CEDEAO et les autorités maliennes, le dimanche 20 mai 2012, devrait conduire normalement à la tenue d’élections régulières au bout de douze (12) mois de transition. Au regard des incertitudes et des desseins inavoués de certaines parties tels les ex-putschistes, l’on se demande bien ce qu’il adviendra pour le Mali dans un an. Les défis sont divers et énormes à la fois. La CEDEAO, l’Union africaine et la Communauté internationale, de concert avec les organes de la transition au Mali devront batailler dur pour normaliser les questions de la transition, préparer le prochain scrutin présidentiel, tout en œuvrant pour l’unification du territoire malien. L’horizon se présente assez sombre, vu le contexte et la tournure des événements, ce qui fait dire que la situation du Mali exige bel et bien des mesures fermes et immédiates. Il n’y a donc pas lieu de cataloguer les challenges par ordre d’importance, mais de les relever tous à la fois. Si l’occupation du Nord par des groupes rebelles paraît préoccupante, l’attitude louche de l’homme du 22 mars et de son proche entourage se révèle être la vraie inconnue et mérite ainsi une attention toute particulière. Le capitaine Sanogo reste au final le plus imprévisible. Il en a donné les preuves, et qui sait, peut-être concocte-t-il encore d’autres surprises, désagréables.
Hermann GOUMBRI
Le Progrès (Burkina Faso) - lundi 28 mai 2012