Mali : «On ne sait pas ce que ces militaires ont en tête»

Mar 22, 2012 - 18:39
Mar 23, 2012 - 04:05
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Reportage ◊ A Bamako, les habitants sont partagés après le coup d'Etat qui a déposé dans la nuit le président Amadou Toumani Touré. [caption id="attachment_56337" align="alignleft" width="476" caption="Dans une rue de Bamako, ce jeudi. (Photo AFP)"][/caption] La capitale malienne a vécu ce jeudi son premier jour sous l'autorité du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (appelé CNRDR, sans le «E», par la junte). Au lendemain du coup d'Etat qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, des militaires armés en uniformes ont sillonné Bamako toute la journée en tirant en l'air, debouts à l'arrière de pick-up ou sur des scooters. Pendant ce temps, la télévision publique rediffuse les communiqués de la junte entrecoupés de programmes musicaux. Le couvre-feu décrété par les putschistes s'avère assez peu respecté. Toutes les administrations, les écoles et la plupart des commerces sont fermés, mais des taxis et des véhicules collectifs circulent. Dans les rues, les vendeurs de cartes téléphoniques croisent des conducteurs de moto en panne, surpris par la fermeture des stations d'essence où se ravitaillent tout de même les militaires. Des habitants manifestent par moments leur sympathie à l'égard des militaires. «Vive l'armée s'exclame à un feu rouge un conducteur de deux-roues qui se réjouit du coup d'Etat. Sur la rive sud du fleuve Niger, à la sortie de l'un des trois ponts, des enfants et des adolescents acclament les militaire qui passent en trombe. Quelques mètres plus loin, des adultes applaudissent avec moins de vigueur les hommes armés.

«Risques de débordements»

«On s'attendait à ça. C'était la seule solution. On ne pouvait pas attendre les élections», estime Mamadou Traoré, chauffeur de taxi, qui ne voit «aucun homme de la situation» parmi les candidats à l'élection présidentielle prévue le 29 avril. Les sentiments sont cependant partagés. «Je n'ai jamais aimé Amadou Toumani Touré ni sa façon de gérer le pays, mais un coup d'Etat ne va pas améliorer les choses», estime Ousmane. «On ne sait pas ce que ces militaires ont en tête.» Les Français ont reçu dans la matinée par SMS et courriel un «rappel impératif» à rester chez eux. Un second courriel plus alarmiste envoyé à 14h46 évoquait la «nécessité absolue de rester chez soi» en raison de «la montée des exactions». Les établissements scolaires français seront fermés ce vendredi. Aucune évacuation n'est à l'ordre du jour. «On n'en est pas là, commente-t-on à l'ambassade. On conseille aux gens de ne pas sortir car il y a toujours des risques de débordements. La junte a invité les Maliens à reprendre le travail mardi, le temps sera long.» Source: liberation.fr - 22 mars 2012 (Par FABIEN OFFNER, Bamako)

Putsch au Mali: «C'est une évolution qu'on craignait»

INTERVIEW - Les militaires maliens ont pris le pouvoir à Bamako, la capitale du pays. Des événements prévisibles selon Hugo Sada, spécialiste du Mali... La situation pourrait évoluer dans les prochaines heures. Contacté par 20 minutes, le spécialiste du Mali Hugo Sada, par ailleurs délégué à la paix, aux droits de l’homme et à la démocratie, fait le point sur le putsch actuellement en cours dans le pays. [caption id="attachment_56342" align="aligncenter" width="554" caption="Les militaires maliens ont investi Bamako, mercredi 21 mars — AP/SIPA"][/caption] Comment expliquer ce qui vient de se passer au Mali? C'est une évolution qu’un craignait ces dernières semaines. Les combats dans la région nord du pays, contre les mouvements Touareg, ont beaucoup déstabilisé le Mali et l'armée malienne. On a senti monter un ras le bol et une frustration. L'armée se plaignait notamment d'un manque d'équipement et espérait obtenir des réponses de la part du gouvernement. Elle ne les a visiblement pas obtenues. C'est donc un certain ras-le-bol qui s'exprime à travers ce putsch, qui n'a pas l'air vraiment structuré. Comment la situation peut-elle évoluer? Il y a deux hypothèses très simples: la première serait que les éléments de l'armée restés loyaux au pouvoir ne rejoignent pas ce mouvement. Pour le moment, il est conduit par des militaires assez jeunes. La question est maintenant de savoir ce que les haut-gradés vont faire, mais il est encore trop tôt pour le dire. Et nous ignorons, pour le moment, si des contacts ont été noués entre le pouvoir et les militaires. Et puis, il faudrait un cessez-le-feu avec les Touaregs, ce qui permettrait d’apaiser la situation. La deuxième hypothèse serait que le coup d’Etat soit consolidé. Quels seraient alors les risques pour le Mali? Le premier risque, c'est une rupture brutale de l'ordre démocratique. Ce putsch n'est donc pas une bonne chose pour le Mali, cité en exemple depuis 20 ans. L'autre risque, c'est qu’un coup d'Etat exclut le Mali des programmes d'aides internationaux. Tout cela ne serait pas bon pour un pays qui a besoin de stabilité. La population malienne est déjà très inquiète et très marquée par les conflits contre des mouvements Touareg, dans le nord. Et depuis le début de ce putsch, c'est même la grosse angoisse à Bamako. J'espère que la situation ne va pas basculer trop vite du mauvais côté.
Par Mathieu Gruel (20minutes.fr - Créé le 22/03/2012 à 17h42)

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