Mali: quand les troupes franco-tchadiennes font face aux enfants soldats

Avr 16, 2013 - 03:36
Avr 16, 2013 - 03:43
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soldat françaisDepuis le début de l'intervention au Mali, c'est un phénomène dont on parle peu : la présence d'enfants soldats enrôlés de force par les groupes armés sur les champs de bataille. Certains d’entre eux ont été fait prisonniers par les armées française et tchadienne, qui combattent les islamistes dans le nord. Ils ont été confiés à l'Unicef.
Les photos sont confidentielles. Prises par les Tchadiens et les Français dans la vallée d'Ametetai, le fief d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), elles montrent une partie des cadavres des jihadistes. Sur une vingtaine de combattants, plus de la moitié sont soit de jeunes adultes, soit des adolescents. La présence d’enfants soldats a choqué les militaires français. Le général français Bernard Barrera, chef de l’opération Serval, le concède : « Ce qui nous a choqués, c’est vrai, c’est de se retrouver face à des enfants soldats. Quand vous voyez des gamins de 10 ou 12 ans qui s’approchent à 200 mètres des troupes en armes, et qui montrent qu’ils n’ont rien sous le tee-shirt, comme pour montrer qu’ils n’ont pas d’explosifs, ça veut bien dire qu’ils sont formés pour s’approcher sans crainte. » Des enfants soldats « formés », et même embrigadés, d’après le capitaine Lionel, du deuxième raid. « C’est quand même plus facile d’envoyer un jeune, de manipuler ces gens-là, pour porter de l’eau ou des munitions », décrypte-t-il. Sale guerre Guide pour l’armée française, le caporal Ag Dossane fait partie du bataillon du El Hadj Ag Gamou. Il accuse les groupes touaregs, notamment le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), d’avoir recruté des enfants soldats pour Aqmi : « Ce sont les petits enfants du nord du Mali, du Niger et de Gao. Les Aqmi ne rentrent pas dans les familles. Ils vont commissionner les MNLA pour amener les enfants pour eux. » Pour le général Barrera, la présence d’enfants soldats est l’un des premiers éléments qui permet de connaître le fonctionnement d’Aqmi : « Ca décrédibilise Aqmi, estime-t-il, parce que les enfants soldats, ça on n’a pas l’habitude. Ce n’est pas une belle guerre quoi. Ce n’est pas un truc de soldats. » Sept enfants soldats ont été confiés à l’Unicef depuis le 9 mars dernier. D’autres pourraient bientôt les rejoindre. Laura Perez, du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), est spécialiste de la protection des enfants pendant les conflits armés. Elle évoque le sujet avec beaucoup de précaution : « Ce sont des enfants qui ont entre 12 et 18 ans. Ils viennent du nord mais je ne suis pas libre de vous donner des informations spécifiques sur eux. Il y a un risque très grand de représailles contre ces enfants, parce qu’en général, ils sont vus comme des terroristes et les gens ne comprennent pas qu’ils sont en fait des victimes, qui ont besoin d’être protégées, d’être assistées. » Besoin d'aide Inutile donc de chercher à connaître leur nationalité, les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis, ni même l’endroit où l’Unicef les prend aujourd’hui en charge, leur prodiguant notamment des soins médicaux - certains sont arrivés blessés -, une aide psychologique, mais aussi l'alphabétisation ou l'apprentissage d’un métier. Selon Laura Perez, « aujourd’hui ils semblent être à l’aise. Ils regardent beaucoup la télévision. On se rend vraiment compte que ce sont des enfants. Ils demandent à parler avec leur maman. Ils ont vécu des expériences assez difficiles dans le nord, parce qu’ils étaient détenus pendant les combats. Aujourd’hui, ils sont tranquilles. Ils comprennent qu’ils sont en train de recevoir de l’aide et ils l’acceptent. Ils jouent ensemble, ils veulent voir la famille. » Et Mme Perez d’insister encore : « Ce sont vraiment des enfants ». Des recherches sont menées pour retrouver les familles de ces enfants. Mais ces derniers ne quitteront pas le centre Unicef avant que les esprits ne s’apaisent et que la situation dans le nord leur soit plus favorable. Cela pourrait prendre, d’après l’Unicef, jusqu’à une année.  
Docteur Patrick Clervoy
Psychiatre, service de santé des armées. Auteur de l'ouvrage «Dix semaines à Kaboul» (éd. Steinkis)
Dans notre culture, un soldat est préparé à combattre quelqu'un qui lui ressemble. Ce qui peut être traumatisant au plan psychique pour les personnels, c'est d'avoir devant eux des gens qui ne sont pas les combattants sur lequel ils ont anticipé
  Par RFI

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