Maliens et Maliennes, Qu’est ce que nous allons dire à nos enfants ?

Peut 2, 2012 - 18:32
Peut 2, 2012 - 17:42
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Mes pauvres compatriotes, Il y avait juste 15 ans, 15 mois, 15 jours, 15 heures, 15 minutes, 15 secondes,  je voyais un Mali si beau, si rayonnant, si prospère, fleurissant à perte de vue de Kayes à Kidal, en passant par Koulikoro, Ségou, Mopti, Sikasso, Tombouctou et Gao. Gao, là-bas où il y a Ansongo, cette si belle cité des Sonni et des Askia, où sont nés mon arrière grand-père, mon grand-père, mon père et moi. Et c’est ici-même que je croyais que naîtront et grandiront mes enfants. Donc, il y a juste un instant, je fêtais « Tamasonghoye à Bourem », « le Mystère sur le fleuve Niger à Ansongo », « Festival du Désert » ; un instant pendant lequel j’ai cru me sentir appartenir à un ensemble, à une communauté, à une histoire, à une culture, à un pays si riche par ses différences, un pays si splendide par ses diversités, et si enviable par l’harmonie occasionnée par le brassage ethnique et intercommunautaire. Je l’ai cru car je l’ai vu, et je l’ai senti, car je l’ai compris…je l’avais en ce moment lu sur les visages de tous ces peuples épars et soudés formant la nation malienne. Ils étaient tous là à mes cotés, Bambaras, Bobos, Senoufos, Peulhs, Sonrhaïs, Touaregs, Arabes, Dogons, Soninkés, etc., pour me dire et me montrer que je suis un des leurs, que nous sommes tous des frères, car nos pères les ont été, après nos ancêtres, et leurs ancêtres. O tous ces ancêtres qui ont tant donné de leur courage, de leur bravoure, de leur sang pour ce Mali, à travers ces batailles, ces pactes et ces paix, qui nous ont conduits jusqu’ici. Mon aïeul et le tien ont bravé ensemble la domination coloniale, pour que nous ne soyons jamais des serfs, pour que nous soyons aujourd’hui libres, épanouis et fiers d’eux, finalement fiers de nous-mêmes. Fiers bien sûr quand nous saurons indubitablement sauvegarder et entretenir leur héritage. Héritage que nous devrons à notre tour léguer à nos enfants, mais qui ne nous appartient plus malheureusement…plus depuis qu’un de nos frères a décidé de se démarquer de nous, de se séparer de nous en prenant sur son passage, tout ce que l’on avait bâti ensemble pendant des siècles, et cela en un clin d’œil. Plus, depuis que nous avons cessé de nous connaître, de nous parler, de nous comprendre….O  depuis ces jours, où nous avons ignoré notre passé, notre grandeur, notre richesse qu’on croyait inépuisable, et qui s’est tarie si brutalement… Il y avait donc juste quelques mois de cela, j’étais si heureux, si fier du progrès économique et socioculturel qu’avait connu notre pays ces derniers temps, ces réalisations si incommensurables à travers tout le Mali. Je croyais sentir le développement quelque part, partout à travers notre Mali. Nous nous sommes du coup tellement sentis en paix, en cohésion, que nous avions, un moment, oublié le prix de la paix… et avec lui, celui de toute notre sécurité. Nous avions donc oublié les conséquences, les misères de l’instabilité ; pas parce que nous ne les avons pas connues dans le passé, mais parce que nous étions si unis, si proches, si semblables, si attachés au bonheur, que l’on a oublié qu’on peut avoir des ennemis, surtout parmi nous-mêmes. Un oubli et une ignorance qui nous ont malheureusement conduits à ouvrir nos frontières à tous nos pays frères et amis, du moment où l’on avait tellement d’amis, que l’on ne pouvait aucunement imaginer qu’il pourrait encore y avoir parmi eux, des alliés de nos ennemis.   Le Mali, ce pays d’hospitalité, ne pouvait guère prophétiser qu’il va devoir un jour payer pour son « Dyatiguiya ». Oui, le bon, le généreux est toujours naïf et vulnérable…Nous accueillions tout le monde, tous les peuples sont chaleureusement reçus sur notre terre, même ceux qui venaient avec des armes, pourvu qu’ils soient un des nôtres…et nous avions cru qu’ils en étaient vraiment un…- si ! Mais un quiproquo,  pour lequel nous allons devoir payer cher ; cher, mes frères et mes sœurs, quand nous ne saurons plus que dire à nos enfants, quand ils nous demanderont ce que nous avons fait de leur pays. -Et justement qu’est-ce que nous avons fait de notre Mali ! -Mes chers compatriotes, qu’est-ce que nous sommes en train de faire avec notre patrie ! Imaginez-vous l’ampleur de notre silence, de notre inaction, de notre négligence, ô de notre indifférence face aux défis, -disons plutôt face aux mépris ? -He vous, de Sikasso, de Kayes, de Gao, de Koulikoro, de Mopti, de Tombouctou, de Ségou et de Kidal ; je vous redemande, est-ce que vous savez ce que vous êtes en train d’encourager en ces heures, où votre Nation n’a jamais eu si besoin de vous, si besoin de votre présence, de votre aide qui n’est jamais insignifiante, ni petite pour la réunification des héritages voués bientôt aux oubliettes. -Vous rappelez-vous, nous avons construit ce pays pendant des siècles, royaume après royaume, empire après empire ; mais il n’a suffi que moins de deux mois pour nous arracher sous l’œil hagard, plus que sa moitié (2/3 du territoire). C’est une humiliation pour tout le Mali entier, une honte indélébilement estampillée sur nos cartes d’identité. N’observez-vous pas que notre nationalité est remise en cause ? Qu’avons-nous fait jusque-là pour le mériter, maliens et maliennes? -C’est maintenant, plus que jamais, que nous devons nous mobiliser, nous unir, nous donner la main pour combattre ; il ne reste que cette fois-ci, pour notre Mali qu’on a toujours chanté et vanté…chaque mot de son hymne nous interpelle à agir maintenant ! Mais hélas, nous sommes encore là, vivants, sains et si braves dans les discours, multipliant des meetings, des manifestations, d’interminables processions… pour ne rien entreprendre que parler et divaguer sur des illusions… pendant que le reste du pays sombre dans le chao et le déshonneur inégalable… nos mots ont servi à quoi pour le Mali ? -Mes pauvres concitoyens, il faut reconnaitre que: « Nous avons eu peur ! » et voici, nous sommes en train de préférer pour toujours, la honte,  l’humiliation, l’esclavage (dont nos aïeux nous avaient épargnés), la division d’un si grand pays, qui était naguère une référence en Afrique ; toutes ces ignominies, nous les préférons devant l’histoire et les hommes, à la mort, au sacrifice, disons tout court, à notre devoir, car ça en est un, même le premier si l’on s’admet être malien. Nous avons tous et toutes démissionné de nos obligations patriotiques, et nous espérons encore vivre avec cette honte sur nos consciences. -Pourquoi ? - pour quels plaisirs, quelles opulences, quel bonheur, et pour quel paradis nous devrons alors exister, si nous n’aurons plus cette partie de nous, si nous perdons pour toujours Kidal, Gao et Tombouctou. Ces capitales de nos empires et de nos royaumes, d’où commença récemment notre histoire, et qui ne vont plus nous appartenir... si l’on ne fait rien. -A quoi donc servira la vie, mes chers confrères et consœurs, à quoi serviront nos vies, si nous faillirons à notre première responsabilité de citoyenneté malienne qu’est la défense et la protection de la patrie ! -A quoi serviront alors nos tendres âmes à la fois mornes, si nous refusons de nous battre aujourd’hui, pour une vie routinière qui terminera par la même mort dont nous avons actuellement si peur… Et qu’allons- nous répondre à nos descendants, demain ? - Qu’est ce que nous allons dire au juste à nos enfants ? -Toi, malien de Kayes, de Sikasso, de la France, des USA et de toutes ces contrées voisines et lointaines ; vite !vite !, sache que ta patrie a besoin de toi. Agissons avant qu’il ne soit trop tard, quand nous pouvons encore faire quelque chose…avant d’aller le regretter cent ans après sur le lit des confessions et des remords… Nous sommes pourtant plus de 14 millions, que quelques 3 mille rebelles ont sus vaincre et effrayer. Ainsi, comme si cela ne suffisait pas, et au lieu de dissimuler cet affront, -non ! Nous nous plaisons à jubiler les victoires lointaines des équipes de football étrangères. Les matchs de la League des Champions ont fait oublier aux milliers de maliens l’occupation du pays, et la souffrance des centaines de milliers de leurs compatriotes. -Dites-moi, depuis quand nous sommes devenus si indifférents, si méchants envers nous-mêmes ! -Depuis quand nous sommes devenus si apatrides et désolidarisés les uns envers les autres ! -Comment se fait-il qu’au moment, où nous devions être plus unis, nous sommes devenus plus divisés, intolérants et insensibles les uns envers les autres ? – Jamais le Mali n’a été aussi bas, aussi humilié dans sa plus profonde histoire, non moins que dans ses racines. On n’est jamais malien à moitié, soit on l’est ou on ne l’est pas… rappelons notre devise « Un Peuple-Un But- Une foi ». –Regardez maintenant à côté de vous, est-ce que c’est ce que vous constatez à l’heure ? Un peuple pleure au nord, un autre festoie au sud, au centre, à l’ouest et à l’est… Peut-être ces rebelles auront vu cette division depuis… et en ont juste profité pour nous le faire comprendre : le fait que nous sommes faibles, désorganisés et désunis. D’autre part, nos nouvelles autorités nous ont fait aussi savoir que nous sommes tous des opportunistes affamés de nos désirs personnels. Elles nous ont prouvé que le nord et le Mali ne les ont jamais intéressées. Tout le peuple malien est témoin du partage honteusement flagrant du petit pouvoir restant du Pays, par les nombreux dirigeants de l’Etat fantôme du Mali. On n’a même plus un pays, pour que l’on se guerroie pour son trône. Oublions nos intérêts individuels pour nous consacrer à la patrie moribonde !  Le Mali, pays de toutes les humiliations ! -Honte à nous, pour avoir été hypocrites pendant tout le règne de Amadou Toumani Touré ! Aucun président malien n’a été autant honoré et applaudi comme ATT. Rares sont ceux qui n’ont invité le président ATT à l’inauguration de leurs édifices, centres commerciaux, mosquées, hôpitaux, ponts, routes entre autres. Pourtant, il ne leur a suffi que des secondes après le putsch, pour qu’ils s’aperçoivent qu’il n’était pas sur le bon chemin. ATT autant applaudi, autant honni par le même peuple! Paradoxalement, aucun de ses meilleurs conseillers ne l’a pourtant pas accompagné au Sénégal, où il a pris désormais refuge… Et où étions-nous en ce moment quand il commettait ces erreurs dont nous nous plaignons présentement ; avant de venir lire ces séries de déclarations de soutien ou de condamnation du coup d’Etat sur l’ORTM, (mêmes des associations fictives ont intervenu à la Télé). -Je vais donc vous le dire, nous étions encore là, comme ça comme aujourd’hui, croisant les bras, en train d’assister impuissamment à la détérioration de la situation du Pays. Les mêmes gens qui ovationnaient ATT, ont chaleureusement accueilli le CNRDRE comme des sauveurs. Quelle farce, quelle hypocrisie ! L’on se demande finalement à quel seigneur se vouer, ou à quel Mali croire, celui d’ATT ou du CNRDRE, pendant que un autre Etat « Azawad » s’instaure impitoyablement en son sein. -Quel peuple pour le Mali, quel but, et quelle foi… ? Face à ces crises multidimensionnelles qui nous frappent sur tous les fronts, au lieu de nous unir pour les surmonter ; -non ! Nous nous affaiblissons encore en créant des regroupements politiques de tout genre (Front contre…, Front pour…, Mouvement pour…Mouvement contre). A côté, les rumeurs ayant alors pris le dessus sur la vraie information, les arrestations arbitraires se multiplient de jour en jour. Du coup, le malien s’est senti plus en insécurité au sud, où il croyait bénéficier normalement de la protection de ses forces de sécurité, qu’au nord…Terrifiés, avec mes frères et sœurs, nous sommes en train maintenant de perdre le sud sans combat, sans affrontement avec l’ennemi…un scénario de guerre civil plane déjà sur certaines lèvres…Que le ciel nous en préserve ! Une sortie de crise, pourquoi pas nous ?  -Mes pauvres compatriotes, je vous en prie, quel diable, quelle malédiction s’est jetée sur nous, pour qu’on puisse être autant anéanti, en un si peu de temps ! Les hommes sont-ils finis au Mali, pour que nos problèmes soient résolus sur un autre sol, par d’autres chefs d’Etats. Et où sont partis nos vaillants politiciens et intellectuels… ! -Réveillons-nous donc très rapidement pour braver l’inévitable.... Nous avons longtemps chanté et scandé : « La patrie ou la Mort ! » pendant plusieurs événements précédents, hé bien, voilà l’occasion pour réaliser cet ultime devoir qui nous incombe tous et toutes ; au lieu de passer le reste de nos jours à polémiquer sur des rumeurs intangibles. Dans nos discours d’antan, nous avions permanemment mis l’accent sur la grandeur de notre nation et la solidité de nos liens. Hé bien, nous y sommes ; c’est aujourd’hui, que nous devons prouver tout cela, par un patriotisme inégalé. S’il le faut, nous devrons livrer une guerre implacable et cruelle à l’ennemi, afin de récupérer sans délai, nos terres occupées, avec nos compatriotes désespérément égarés et abandonnés malgré nous… Il est inadmissible qu’il y a des réfugiés maliens ici-même, et dans nos pays limitrophes (plus de 200 mille). -Agissons les maliens, sinon il vaut mieux commencer à préparer dès maintenant les prétextes que nous allons avancer à nos enfants demain…   Aboubacar MAIGA, malien   Mali, Bamako, le 30 avril 2012.

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