Mise en place contestée de la CENI : L’opposition desservie par sa longue hibernation

Après avoir créé une " organisation " politique, suffit-il d'attendre, sans aucune activité véritable, le moment opportun pour s'agiter? Opposition ou majorité comme un tirage au sort : pile ou face ! L'extraordinaire mutisme se paie alors cash. Peut-être, à travers une répartition jugée inéquitable des sièges à la CENI. Seule SADI d’Oumar Mariko est dédouanée de ce reproche.

La loi électorale dispose que les 15 sièges de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) doivent être  répartis à raison de 5 pour la société civile et 10 pour les partis politiques. Les 10 sièges des partis politiques doivent être répartis de façon équitable entre la majorité et l'opposition. C'est l'interprétation de ce vocable " équitable " qui pose actuellement problème. La majorité présidentielle, estimant qu'elle est devenue… surabondante (une centaine de formations politiques) alors que l'opposition est réduite à une " petite" proportion, crie, urbi et orbi que 9 des 10 sièges doivent lui revenir et un seul à l'opposition.

     Pour les représentants de la majorité, l'opposition malienne est quasi inexistante et se réduit à la portion congrue du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l'indépendance (SADI), c'est-à-dire l'opposition parlementaire. En effet, l'opposition dans les démocraties modernes est constituée par les forces politiques qui se font régulièrement entendre. Elle s'exprime sur quasiment tous les sujets majeurs de la nation en faisant "retentir son droit de critique et ses propositions constructives dans l'intérêt de la nation ", pour paraphraser le doyen George Vedel.

    Une telle opposition est bien visible au Sénégal voisin. Elle occupe souvent les colonnes des journaux, intervient souvent sur les radios, tient souvent des meetings, organise régulièrement des assises statutaires pour, comme dirait l'autre, marquer les consciences des citoyens. C'est ce que Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse et les autres ne cessent de faire au Sénégal

Or, au Mali, c'est le parti SADI seul qui joue, vaille que vaille, le rôle de l'opposition. Il en ressort un mépris de fait pour cette tendance a fortiori représentée à l'Assemblée nationale par seulement trois députés.

C'est lors de la conférence de presse que l'opposition a animée, le mercredi 10 août dans les locaux de la Radio Kayira, que les représentants des médias ont appris l'existence de plusieurs formations politiques qui s'opposent à l'action gouvernementale. Il s'agit, en dehors du parti SADI, de l'UNPR, le BARA, le RDR, le MPLO, l'ADCAM, du RJP, de la CD, du CNU-Faso Jo Ton.

Nul n'a souvenance d'un congrès, d'une quelconque manifestation ou même d'un petit communiqué émanant de ces partis d'opposition.. Ne sont-ce pas là des partis qui n'ont d'opposition que le nom ? Comme d'ailleurs certains partis politiques tout court qui n'ont de partis que le nom?

Même si on peut dénoncer la gloutonnerie d'une majorité présidentielle où des " prébendiers " se bousculent et se marchent sur les pieds, on doit reconnaître que l'opposition a, pendant longtemps, brillé par son absence (du moins par son silence) sur la scène politique nationale. Il faut que, pour des besoins de paix sociale et de processus électoral paisible minimisant des risques de contestations concéder une représentativité plus accrue à l'opposition. Avec par exemple 4 ou 3 sièges à cette opposition à la CENI contre 6 ou 7 à la majorité, on mettrait fin à bien de polémiques. Le Gouvernement gagnerait en crédibilité et en volonté de transparence du processus électoral. 

En définitive, la démocratie malienne doit aussi veiller, par ces temps de réformes institutionnelles, à rectifier le tir dans le cadre de la Charte des partis politiques. La loi doit dépoussiérer la classe politique. Il urge de mettre fin à la … vie (si vie il y a) de ces partis (sans siège, sans aucune assise statutaire…) qui s'apparentent plus à ce que les Bamakois appellent les " grins " !

Bruno D SEGBEDJI