Mopti : Les bourgoutières de la mort
Cas de conflits du bourgou
Par conflits du bourgou, il faut entendre tous les conflits qui naissent dans le bourgou, c’est-à-dire où pousse cette plante tant convoitée par les agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Ces conflits naissent assez souvent entre le bailleur d’une portion de terre et son locataire. Il s’agit essentiellement du paiement de redevances et de la transformation du droit du locataire en droit de propriété. En effet, certains locataires refusent souvent de s’acquitter de la redevance coutumière qu’ils doivent au bailleur, ou payent moins que ce qu’ils doivent. Parfois, c’est le bailleur lui-même qui, soit dans une ambition mercantile, soit pour faire déguerpir son locataire, monte les enchères en augmentant le montant des redevances, les mêmes qui, de par les coutumes, ne sont en réalité que symboliques. Il y a aussi, le cas de certains locataires qui, profitant d’une exploitation durable d’une parcelle de terre qui leur a été donnée en location, tentent de s’en approprier. Parfois, ce sont des parcelles de terres qui ont été données en location par un chef de famille à un ami ou par le chef de village à un étranger ou à un homme de caste. Au décès de ces bailleurs (chef de famille, chef de village) leurs descendants essayent le plus souvent de reprendre les parcelles louées. Or, dans ce cas, du fait que ces parcelles sont passées entre les mains de plusieurs générations, les locataires ou leurs descendants pensent être les propriétaires, alors qu’ils ne sont que les détenteurs précaires, malgré le temps qu’à duré le prêt. Les contestations peuvent porter aussi sur la propriété même de la terre. Les cas de figure se présentent comme ceci : un propriétaire abandonne son champ de culture durant des années, une autre personne vient l’occuper sans s’en référer à quiconque et s’érige en propriétaire. Le vrai propriétaire, introduit une action en justice pour reprendre son champ. Ainsi, deux propriétaires contestent mutuellement aussi souvent, les limites de leurs champs. Ces conflits entre agriculteurs sont de loin les plus nombreux, à côté de ceux entre agriculteurs et éleveurs. Conflits entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs L’éleveur qui avait le droit coutumier de faire abreuver ses bêtes à une mare ou à un point d’eau situé en plein milieu de terres cultivées par des agriculteurs, avec la sécheresse qui a entraîné l’assèchement de ces points d’eau et la mort de son bétail, a changé de métier et est devenu agriculteur. Pour ce faire, il réclamera la propriété de la portion de terre demeurée après l’assèchement ; or, l’agriculteur la lui contestera dans ce cas. L’agriculteur qui transforme un harima (pâturage réservé aux vaches laitières pour la consommation domestique, après le départ des animaux pour la transhumance) en champ de culture, ce que ne lui tolérera pas l’éleveur. L’éleveur à la quête d’un point d’eau au milieu du champ de culture, ou à la quête de pâturage, se heurte souvent au courroux de l’agriculteur qui lui refuse le droit de passage, en prétextant les dégâts que subirait son champ. Un Djowro affecte une partie de son domaine pastoral à un agriculteur contre redevance, celui-ci refuse par la suite d’exécuter les termes de ce contrat. Le Djowro sollicitera alors son déguerpissement. Très souvent aussi, des conflits naissent quand les troupeaux des éleveurs sont trop peu nombreux. Devant les tribunaux de Mopti, les conflits qui opposent seulement éleveurs sont très peu nombreux. Le plus souvent, ils naissent à l’occasion des revendications de titre de Djowro ou des tentatives de destination des Djowro. Il s’agit parfois aussi de l’empiétement d’un Djowro sur l’espace pastoral d’un autre Djowro. Moins souvent, il s’agira de la violation de l’ordre de préséance lors des traversées ou pendant le mouvement des troupeaux : de la violation des emplacements assignés aux troupeaux dans les gîtes d’étapes assignés aux troupeaux pendant leur mouvement vers la transhumance ou encore de l’accès d’un troupeau dans une bourgoutière sans autorisation préalable du Djowro. A côté de ces trois gammes de conflits, il y a les conflits qui opposent (très rarement, en tout cas devant le tribunal civil de Mopti), les pêcheurs entre eux. Ces différents conflits que nous venons d’énumérer sont hélas, d’année en année, de plus en plus meurtriers. L’on se souvient encore de la bataille qui a opposé en 1993 les villages peuls de Sossobé et Salsalbé et qui s’est soldée par la mort d’une cinquantaine d’éleveurs et de plusieurs blessés. Des bourgoutières étaient à l’origine du massacre. En 1995 encore, 8 paysans et éleveurs ont été tués et 23 autres gravement blessés suite à un conflit qui avait opposé à Konio (cercle de Djenné), des agriculteurs marka et des éleveurs peuls. Face à ces litiges fonciers avec leurs bilans macabres, la question est de savoir quel droit appliquer ? Comment appliquer ce droit ?Malick Camara
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