Moussa Koné, Président de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'habitat du Mali (FENASCOH) : - \"Les coopératives sont une alternative crédible pour vaincre la pauvreté\" - \"Elles ont acquis près de 600 hectares et réalisé 500 logements\"

La Fédération nationale des sociétés coopératives d'habitat du Mali   (FENASCOH-Mali) est, aujourd'hui, un mouvement dynamique qui se bat pour le bien-être de ses membres. Très dévoué pour cela, son président Moussa Koné, a accepté d'échanger avec nous sur le mouvement coopératif d'habitat au Mali qui vient de fêter par la première fois la Journée internationale des coopératives. D'après Moussa Koné, les coopératives d'habitat se portent bien au Mali et elles sont aujourd'hui une alternative crédible pour vaincre la pauvreté. Un secteur que le gouvernement doit davantage soutenir.

L'Indépendant : M. le président, le Mali, à travers la FENASCOH Mali, vient de célébrer, pour la première fois, la Journée mondiale des coopératives, quelle signification donnez-vous à cet évènement ?

Moussa Koné : Merci de m'avoir donné l'opportunité de m'adresser à vos lecteurs. En 1995, l'ONU a proclamé la Journée internationale des coopératives qui est célébrée chaque année le 1er  samedi de Juillet, et ce depuis 1923, par l'Alliance Internationale Coopérative (ACI). Qui est une association indépendante et non-gouvernementale qui regroupe, représente et assiste les coopératives du monde entier. Fondée à Londres en 1895, l'ACI compte 250 membres dans 94 pays et dans tous les secteurs de l’économie. Toutes ces coopératives représentent quelque un milliard de personnes dans le monde entier.

Les coopératives offrent, depuis longtemps déjà, des services aux pauvres et aux personnes à faibles revenus. Elles ont été créées pour atténuer la pauvreté et réduire les inégalités sociales élevées dans les villes et les campagnes. Les coopératives poursuivent sur cette voie, aujourd'hui, en particulier en offrant des services abordables et équitables à ses adhérents. Elles appartiennent en propre à leurs membres, qui sont aussi les bénéficiaires de ces  services et qui les gèrent démocratiquement. Dans le même temps, elles favorisent l'instauration de conditions sociales favorables à la satisfaction des besoins de ses membres. Voilà pourquoi, dans le cadre des initiatives mondiales, l'ONU a invité les gouvernements à s'engager au soutien des coopératives pour réduire la pauvreté et parvenir au développement durable, d'où la célébration d'une journée internationale des coopératives. La Journée de cette année 2011 avait pour thème ''Les jeunes, l'avenir de l'entreprise coopérative''. Pour célébrer cette manifestation des coopératives au Mali pour la première fois, la FENASCOH a choisi d'aller au-delà d'une simple déclaration de presse en menant une campagne de plaidoyer, rapprochant les différents types de coopératives et promouvant auprès du public le thème de cette année. 

C'est pourquoi, la conférence-débat que nous avions organisée a été l'occasion pour mettre en avant les initiatives montrant les avantages pour les jeunes du modèle coopératif et des exemples de dialogue entre générations. Partant du constat que le public jeune n'a pas souvent connaissance du modèle d'entreprise coopérative - peu enseigné dans les programmes éducatifs. Auparavant, les participants ont longuement débattu sur le parcours du mouvement au Mali et les nouveaux textes uniformisés à l'espace OHADA régissant désormais les coopératives dans notre pays.

Cette première célébration a été saluée à sa juste valeur par les participants, est-ce à dire que le mouvement coopératif d'habitat au Mali prend une nouvelle dimension ?

Cette célébration de la Journée mondiale des coopératives par la FENASCOH Mali qui a voulu associer d'autres types de coopératives avait valeur de test. Pour célébrer cette manifestation l'objectif premier pour nous  était de mener une campagne de plaidoyer, rapprochant les différents types de coopératives et promouvant auprès du public le thème de cette année. Il s'agissait, alors, pour les acteurs du mouvement coopératif malien de se faire connaissance et de partager les expériences des divers types de coopératives  d'une part et d'autre part avec les décideurs clés notamment l'Etat, les collectivités et les partenaires techniques afin de dégager ensemble des stratégies de promotion du mouvement dans ce nouveau contexte de l'acte uniforme OHADA relatif aux coopératives.

Cet objectif, en mon sens, a été fort bien atteint puisque les différents acteurs, notamment les coopératives, l'Etat, les collectivités locales et les partenaires d'appui ont à cœur ouvert donné leurs points de vue sur la nécessité de structurer le mouvement coopératif au Mali, d'encourager également le dialogue entre les divers types de coopératives et de travailler davantage sur les voies de la promotion du mouvement auprès de la jeunesse d'une part et d'autre part de favoriser la promotion, sinon le développement des entreprises sociales et solidaires comme étant une alternative à l'emploi des jeunes.

Après plusieurs années d'actions quels sont les grands acquis des coopératives d'habitat?

De façon spécifique, les acquis des coopératives d'habitat peuvent se résumer autour de trois points : Primo, dans le domaine de la structuration de notre mouvement, nous sommes arrivés à nous organiser en une Fédération nationale (FENASCOH-MALI) composée de neuf unions membres, représentant 135 sociétés coopératives d'habitat à la base, pour près de 30.000 adhérents. Je précise que chaque niveau de la structuration à un rôle précis ;

Secundo, dans le domaine du renforcement des capacités, la FENASCOH Mali est arrivé à organiser une cinquantaine de formations, ces trois dernières années aux responsables des différents niveaux de structuration sur les thèmes comme l'administration, la gestion, le plaidoyer, la maitrise d'ouvrage, le foncier, … Tertio, dans le domaine de la réalisation de projets d'habitat concrets les adhérents des coopératives ont bénéficié des acquis tant en foncier, en construction, en l'amélioration du cadre de vie que dans l'accompagnement pour les services financiers fournis aux membres.   

Est-ce dire que certains de vos adhérents ont pu avoir  une parcelle ou une maison conformément à vos ambitions ?

Donner des parcelles et des maisons à nos adhérents est fondamentalement notre première raison d'être. Au cours de ces dernières années, c'est-à-dire depuis la création des premières coopératives d'habitat dans la seconde moitié de la décennie 90 suite à la stratégie nationale du logement, les coopératives d'habitat ont acquis près de 600 hectares de terrains à bâtir, réalisé seulement 500 logements et faire une trentaine d'activités d'amélioration du cadre de vie (reboisements comme les aménagements et les plantations d'arbres autour de l'ANICT, …). Donc, vous remarquerez que notre grand problème est le financement de nos constructions et voyez-vous que les coopératives d'habitat sont arrivées à construire seulement 3% des parcelles à notre disposition.    

Vous avez soumis aux autorités maliennes une doléance relative à la mise à disposition des coopératives d'un quota dans les programmes de logements sociaux, quelle a été la suite?

Cette doléance n'a pas été prise en compte par les autorités en charge des logements sociaux à l'époque. Nous restons optimisms et confiants, tout en espérant que le nouveau Ministre saura répondre favorablement à notre sollicitation.  

Est-ce que vous bénéficiez de l'appui conséquent des services techniques de l'Etat ?

L'appui des services techniques de l'Etat est satisfaisant, notamment avec la Direction des routes pour la réalisation d'un pont à Missala (Ndlr, zone où il y a les parcelles des Coopératives d'habitat) les domaines et les cadastres pour la finalisation de nos projets fonciers de Gouana et Missala et l'Office malien de l'habitat pour des conseils et leur présence dans nos activités.

Outre la Direction des routes et l'Ageroute, nous comptons renforcer notre partenariat avec l'INFET grâce à la volonté affichée du ministre de l'Equipement et des transports qui ne ménage aucun effort pour soutenir les activités concrètes de notre mouvement. 

Avez-vous d'autres partenaires qui soutiennent vos initiatives ?

Nous sommes soutenus par les ONG AND DEFAR et ADER avec l'appui financier de l'Union européenne qui nous a permis notamment d'avoir un siège équipé. Egalement, la SOCODEVI, une ONG canadienne qui nous a aidé à avoir une base de données sur notre mouvement, un plan de communication et d'effectuer un voyage d'échanges avec les coopératives d'habitat du Sénégal.   Nous sommes également en partenariat avec un consortium d'entreprises italiennes " COST-Mali " pour la réalisation d'un programme coopératif de 4.000 logements dont deux logements tests sont réalisés à plus de 80% à Missala.

Enfin, nous sommes en phase de contractualiser un partenariat avec le PNUD suite à un appel à projet PAOSC (Programme d'Appui aux Organisations de la Société Civile) pour le renforcement des coopératives et la mise en place d'une plateforme de l'ensemble des coopératives sur tout le territoire national.

Quels sont aujourd'hui les contraintes auxquelles les coopératives d'habitat sont confrontées?

Notre contrainte majeure reste l'accès des coopératives d'habitat à un financement adapté. Et pour lever ce goulot d'étranglement, notre mouvement est en passe de mettre en place une Caisse/Coopérative en vue de la mobilisation de l'épargne pour la recherche du refinancement auprès de nos partenaires.  Le siège de cette Caisse/Coopérative est en construction, le capital social est mobilisé et le dossier pour l'obtention de l'agrément est bien avancé. 

Et par rapport au financement des projets de construction, avez-vous un  projet particulier pour y faire face ?

Outre la Caisse, la FENASCOH a bien réfléchi pour un standard de tarifs de logements de types F3 et F4. Le coût de la construction a un impact certain sur le dossier de financement d'un coopérateur qui chercherait à emprunter un crédit. C'est pour cela que des logements tests en bloc de terre stabilisé (BTS) sont en cours à Mopti. Je rappelle que notre mouvement dispose d’une unité de fabrique de BTS et nous espérons qu'à la suite des échanges que nous avions eus avec des partenaires comme l'AFD ; nous saurons leur soumettre un projet de refinancement d'un programme immobilier à la suite des résultats de nos expériences capitalisées dans la construction.  

Votre vision de la politique Nationale de Développement Social, en rapport avec les Coopératives de façon  générale.

En prélude à l'année 2012, déclarée par la résolution A/RES/64/136 du 11 février 2010 de l'ONU, Année internationale des coopératives, j'en appelle à l'unité des différents types de coopératives pour qu'ensemble nous puissions pleinement faire connaître aux décideurs le potentiel et l'apport des coopératives en vue d'atteindre les objectifs de développement social, et en particulier l'élimination de la pauvreté, le plein-emploi productif et une meilleure insertion sociale. Voyez-vous que, malgré leurs apports dans les zones rurales et urbaines, les  coopératives ne sont  nullement citées dans aucune génération du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et dans ce contexte, il sera bien évident que nous ne soyons pas bien pris en compte dans la politique nationale du développement social.

Avez-vous aujourd'hui un appel à lancer aux autorités, aux adhérents et à tous ceux qui sont encore pessimistes par rapport aux coopératives d'habitat ?

Le mouvement coopératif malien est à la croisée des chemins. En effet, il y a peu de temps encore, le mot "coopérative" heurtait les esprits dans certains milieux pour des raisons diverses. Aujourd'hui, les populations maliennes expriment un regain d'intérêt pour cette forme d'organisation à travers la nécessité de s'unir pour prendre en charge leur avenir et leur devenir par la mise en commun de leurs avoirs et de leur savoir-faire. Je lance un vibrant appel à nos autorités pour soutenir les activités des coopératives. Les coopératives sont une alternative crédible pour vaincre la pauvreté.  

                                          Réalisé par Youssouf CAMARA