Ni amalgame ni stigmatisation : Mais ni impunité ni compromission

Jan 28, 2013 - 02:54
Jan 27, 2013 - 17:59
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Treize personnes tuées, des déclarations haineuses, une incitation au massacre, une communauté inquiète, des associations de défense des droits de l’homme alarmées, la communauté internationale menaçante, la libération du nord amorcée, la situation est loin d’être claire. Des organisations de défense des droits de l’homme sont en train de tirer sur la sonnette d’alarme en raison d’exactions qui seraient commises par des éléments des forces armées et de sécurité maliennes sur les ressortissants des communautés touarègues et arabes. Ainsi, treize personnes auraient été tuées dans la seule région de Mopti. Si le fait était avéré, c’est effectivement grave mais, surtout, dangereux car pouvant aboutir à un conflit intercommunautaire, interethnique. Ce dont ce pays, qui est sur le point de sortir de la plus grave crise sécuritaire et institutionnelle de son histoire, n’a pas besoin, car inutile et injustifiée. Injustifiée car les communautés arabes et touarègues ne sont ni responsables encore moins coupables de ce qui est arrivé. Il faut donc faire preuve de discernement et veiller à ne pas tomber dans l’amalgame. Mais s’il est vrai qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs, il est tout autant vrai que tous les œufs ne sont pas destinés à la poêle. Surtout, il faut se rappeler que depuis les temps immémoriaux, les différentes communautés du nord, nomades et sédentaires, blanches et noires, ont toujours cohabité et vécu en parfaite harmonie, les unes vivant de l’élevage, les autres, de l’agriculture, commerçant pacifiquement et paisiblement entre elles. De 1960 à aujourd’hui, cette quiétude a certes été troublée quelques fois, notamment dans la première partie de la décennie de 1990. Lorsque des individus, en juin 1990, ont déclenché une rébellion armée contre le pouvoir central. Au début, ce mouvement insurrectionnel a enregistré l’adhésion de la très grande majorité de tous les ressortissants du nord, toutes origines confondues. Car tous étaient d’accord avec les revendications des rebelles, exigences d’une meilleure politique d’administration et de développement des régions déshéritées du nord. Si les populations ont, par la suite, pris leurs distances, c’est parce que les rebelles ont fini par dévier de leur ligne politique, par s’adonner à des exactions sur les populations noires. Exactions d’ordre criminel comme des actes de banditisme, de vols, de pillages et d’exécutions sommaires. Cela a continué malgré la signature du Pacte national, en 1992, et ne s’est achevé que par «la flamme de la paix» à Tombouctou en 1995. Les populations noires n’ont pas été les seules victimes de ce qui a bien failli tourner à la guerre civile, les Touareg et les Arabes ont dû prendre le chemin de l’exil lorsque la milice d’autodéfense sédentaire, Mpgk (Mouvement populaire Ganda koy), a été constituée et s’est livrée, elle aussi, aux pires exactions. Déjà au cours de cette décennie, les droits de l’homme ont été constamment et gravement violés de part et d’autre, avec la mort de nombreux innocents. Pourtant, il n’y a jamais eu aucune enquête pour situer les responsabilités et enclencher la justice. Au contraire, sous la médiation algérienne et la pression de l’Occident, les autorités ont fait dans la compromission par des programmes d’intégration et des projets de réinsertion socioéconomique des ex-combattants des mouvements et fronts unis de l’Azawad et de Ganda Koy. Les Arabes et Touareg qui avaient fui le nord sont revenus sans être inquiétés et ont recommencé à vivre en parfaite harmonie avec leurs frères et sœurs noirs. Comme cela se doit. Les responsables politiques et militaires ont bénéficié de promotion au sein de l’administration et de l’armée. Un de ces responsables, Iyad Ag Ghali, sans doute illuminé par quelques années dans le Moyen orient, va créer sa secte islamiste, s’acoquiner avec d’autres groupes terroristes, s’allier avec le Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) pour déclencher la rébellion, le 17 janvier 2012, et pousser les populations du nord à l’exil. Mais cette fois-ci, si les populations arabes et touarègues ont fui, composant la grande majorité des occupants des camps de réfugiés à l’extérieur, alors que les régions du nord sont sous le contrôle de Touareg et d’Arabes, c’est parce que, dans leur très grande majorité, elles n’étaient d’accord ni avec la charia (loi islamique) que veut imposer Ansar Eddine ni avec les revendications sécessionnistes du Mnla. Mais aussi, elles se sont enfuies pour échapper à la famine et aux dommages collatéraux qui ne manqueront pas d’être causés par les affrontements entre militaires et terroristes. Mais surtout, elles ont fui pour échapper aux éventuelles exactions des forces armées et de sécurité et des populations sédentaires, une fois le nord reconquis. En effet, à Aguelhok où des militaires ont été atrocement  torturés et froidement exécutés par des Touareg d’Ansar Eddine et du Mnla, dans les trois régions du nord où des bras, mains et pieds ont été coupés au nom d’une charia surannée, où des gens ont été lapidés à mort, à Gao où ont eu lieu des saccages, pillages, vols, viols et assassinats, ces paisibles populations arabes et touarègues ont vécu l’horreur le plus abject avant de prendre la route de l’exil. Paisibles parce qu’elles ne sont pour rien et ne pouvaient rien à ce qui est arrivé. Les vrais criminels sont restés même si après, en raison de divergences internes, certains ont été contraints à la fuite. Alors paisibles, elles doivent être épargnées. Contrairement aux criminels, une poignée d’individus, qui sont connus, et dont la liste nominative est détenue par une organisation de défense des populations du nord. Et parmi eux, il y a également des Songhay, des Peulh et sans doute des ressortissants d’autres ethnies. Va-t-on s’en prendre à toutes ces ethnies ? Non ! Les responsables sont connus. Pour l’instant, ils sont en fuite ou, depuis peu, en déroute. Ils doivent payer. Les autorités nationales et la communauté internationale doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces individus soient traqués, arrêtés et traduits devant les tribunaux afin que justice soit rendue. Il ne saurait être question de nouvelles compromissions qui accroitraient le sentiment d’injustice et inciteraient à la justice populaire et expéditive. Les autorités nationales et la communauté internationale doivent donner les assurances nécessaires. Maintenant ! Cheick Tandina

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