Des djihadistes lourdement amés patrouillent dans l'un des plus grands établissements hospitaliers de Gao. Ainsi, l’hôpital de la « Cité des Askia » ressemble désormais plus à un complexe militaire qu'à un centre médical. Et pendant ce temps, la ville de Gao ploie sous le joug de la violence des combats entre factions rivales.

Les tireurs ont stocké des armes légères entre les murs de l'hôpital «
Moulay Touré » de Gao et conservé leurs armes lourdes à l'arrière des véhicules qu'ils ont garés face à l'établissement hospitalier. Depuis que les militants islamistes affiliés à AQMI ont pris le contrôle de la ville de Gao, l'hôpital est devenu un asile abritant les terroristes blessés.
« Les militants islamistes obligent le personnel à traiter leurs blessés avant les autres », explique au téléphone un jeune de Gao qui soutient que l’hôpital est également devenu une caserne militaire, et que les femmes médecins portent maintenant des vêtements islamiques qui gênent leurs mouvements au sein de l'établissement. Les populations affirment que la détention d'armes par les terroristes sème la panique au sein des malades et représente un grave danger. «
Les gens n'ont pas l'habitude de voir une présence armée au sein de cet établissement », explique le Docteur Moulay Geite, chef de la mission sanitaire de l'hôpital. Certains habitants de la ville de Gao s'inquiètent en raison des véhicules d'Al-Qaïda qui entrent de temps à autre dans l’hôpital. Ces déplacements de véhicules au sein de l’hôpital sont contre la volonté d’Ançardine, allié d'Al-Qaïda qui, dès le premier jour des affrontements passés, a envoyé la majorité de ses forces dans les faubourgs, en ne laissant à l'intérieur de la ville que des troupes chargées de la sécurité et de la protection.
Les fournitures médicales sont au bord de la pénurie. La plupart d'entre elles proviennent, sous forme d'assistance, du Comité international de la Croix rouge (CICR) et de la branche belge de Médecins Sans Frontières (MSF). L'organisation terroriste déclare être opposée aux organismes occidentaux, même si elle insiste pour que ces organismes prennent ses membres en charge. Les combattants d'AQMI ont affronté le reste des troupes du MNLA pour rendre le contrôle de la zone. Aujourd’hui, des véhicules lourdement armés et appartenant aux djihadistes arpentent la rue de l'hôpital «
Moulay Touré » en arborant des drapeaux de couleur noire de la bannière d'AQMI. Selon nos sources, les combattants des islamistes reçoivent des soins à l'hôpital. En mai dernier, les habitants de la ville ont manifesté près de l’hôpital «
Moulay Touré » pour réclamer le départ des milices d'AQMI. Le bilan des combats est lourd à assumer pour les médecins qui se sont démenés comme des diables pour offrir leurs services, en dépit de la pénurie de ressources sanitaires et de l'anarchie ambiante.
«
Le mois dernier, nous avons eu 75 naissances naturelles et 10 autres cas dans lesquels un nouveau-né n'a pas survécu », explique un médecin spécialisé en Obstétrique et Gynécologie, Mme Keïta Habibatou avant d’ajouter : «
En raison de l'absence d'état-civil, ces nouveaux- nés ne peuvent obtenir de certificat de naissance». Toutefois, Mme Keïta ne fait pas de commentaires sur ses nouveaux habits devenus une caractéristique essentielle des tensions dans la ville ébranlée par les combats de terrain entre le MNLA d'obédience laïque et les rebelles islamistes d'Ançardine. «
Les islamistes tentent d'appliquer leur interprétation de la charia sur les populations locales », racontent les habitants. «
Al-Qaïda impose l'habit islamique par force dans les hôpitaux et les autres institutions », confie notre source (qui a requis l’anonymat) à l’autre bout du fil tout en précisant : «
Un certain nombre d'éléments appartenant à Al-Qaïda font pression sur les médecins pour qu'ils soignent les combattants de l'organisation avant les autres ».
Jean Pierre James