Patrouille de sécurité à Bamako : Un policier instruit à ses éléments d’ouvrir le feu sur des citoyens
Un officier de la police nationale n’a eu d’autre recours que d’ordonner à ses subalternes de tirer à balles réelles sur les usagers qui refusent d’obtempérer. Notre reporter a coïncidé avec la scène. Récit.
Samedi 19 janvier 2013 à 2 h du matin (c'est-à-dire dans la nuit de samedi à dimanche dernier), sur le "pont Richard" de Bamako. L’axe routier qui traverse le Badialan pour mener à Hamdallaye, passe par là. Cette route est devenue l’un des axes les plus fréquentés du fait de son trafic dense et le passage des gros porteurs du trafic international Bamako-Dakar, Bamako-Nouakchott.
Ce soir-là, nous coïncidons avec une scène d’échange verbal d’une extrême gravité. Ici, le chef de la patrouille est formel : il instruit à ses éléments d’ouvrir le feu sur tout usager qui refuserait d’obtempérer. "Ecoutez-moi bien, je dis de tirer sur celui refuse de s’arrêter J’assume l’entière responsabilité. Est-ce je me fais bien comprendre ?", questionne l’officier de police, qui n’a visiblement pas bu que de l’eau.
C’est donc dans ce contexte d’extrême tension, mais à la fois révoltante, que nous arrivons sur les lieux en provenance d’Hamdallaye ACI-2000. Nous sommes aussitôt interpellés par la patrouille mixte. Il 2 h 05. Un sergent de gendarmerie s’approche de nous, et poliment nous demande nos cartes d’identité et les pièces de l’engin. Très vite nous lui présentons ce qu’il demande, avant d’ajouter : "avec ça on ne va pas se faire tirer dessus, j’espère ?", sourit le gendarme, visiblement très gêné par l’agitation de son officier de patrouille.
"Merci Monsieur, continuer et ne prenez pas en compte ce qu’il dit", nous recommande gentiment l’agent de sécurité, comme s’il tente de reprendre cette phrase de l’autre : "Seigneur ait pitié de lui, car il ne sait pas ce qu’il dit". Impossible donc pour nous de vérifier le nom, le grade et l’unité à laquelle l’officier appartient. Mais les déclarations sont plus que révoltantes.
Un officier d’une autre époque
Quelle est franchement la dignité d’un officier de police nationale qui instruit l’ordre d’ouvrir le feu sur des paisibles citoyens, dont le seul tort a été de refuser d’obtempérer ? La réponse ne semble préoccuper notre chef de patrouille, qui ne mesure pas certainement la lourde responsabilité de l’acte qu’il recommande de poser.
Imaginons un instant, en cette période de fragile sécurité, qu’un agent tire sur un citoyen au cœur d’un quartier dense comme Hamdallaye et Badialan ? La réaction que cela provoquera chez les populations n’est pas sans conséquence. Il est sans doute vrai que le refus d’obtempérer est un acte d’incivisme punissable, mais lorsqu’un officier de demander de tirer à balle réelle, il n’y a qu’un à franchir vers la dérive.
Le comportement de ce chef de patrouille sur le "pont Richard" ce samedi soir, relance une fois de plus le débat sur le comportement de nos agents de sécurité, notamment envers les populations civiles. Notre officier oublie certainement les émeutes qui ont ébranlé en 2009 la ville Kita, lorsqu’un agent de la garde nationale a ouvert le feu sur une Sotrama parce que le chauffeur a refusé de s’arrêter.
La mort de l’apprenti a provoqué de violentes manifestations de colère à travers la ville, avec à la clé des incendies sur des bâtiments publics, notamment le commissariat de police et le Trésor public. Quand un officier incite à tirer sur des gens, c’est qu’il n’a pas tiré les enseignements de cette année 2009 à Kita.
Issa Fakaba Sissoko
Poste de police de Samé :
Un faux policier nommé Namory Kéita !
Il est passé maître dans l’art de l’usurpation de titre avec la complicité des policiers en poste ici. Rackets, fouilles systématiques, etc., le faux policier se croit tout permis. Tout comme les agissements de l’officier de patrouille sur les "point Richard" ce samedi soir, le comportement des policiers au poste de Samé et autres endroits de ville, témoignent de l’échec du ministre de la Sécurité, le général Tiéfing Konaté, à mettre de l’ordre dans les rangs de ses éléments. A croire qu’il a encore sa raison de rester dans le gouvernement.
En circulation, et de plus en plus le comportement de certaines forces de sécurité, notamment dans la police nationale, est dénoncé par les populations. Au poste de police de Samé (en Commune III), les paisibles citoyens sont rackettés au vu et au su de tout le monde. Les propriétaires de véhicules, de vélos, les motocyclistes, les motos taxis, et autres usagers sont victimes de harcèlement des agents en poste à Samé sur la route de Kati. Et il n’est pas rare de voir deux policiers qui s’élancer dans une course contre certains usagers.
Il y a quelques jours, certains habitants de Samé ont failli en découdre avec un policier, qui accusait à tort un paysan (venu faire ses courses à Bamako) de trafiquant. Le spectacle au poste de police de Samé est révoltant, mais plus révoltant est le comportement d’un faux policier, du nom Namory Kéita. Il soumet les passants (ceux qui lui en donnent le temps) à une fouille systématique. Très ami aux policiers en poste ici, il se fait passer pour tel et pour lui, tout lui est permis surtout qu’il bénéficie de la complicité des "vrais policiers". Namory Kéita est donc dans cette pratique depuis de longues années, au vu et au su des forces de sécurité qui le connaissent parfaitement.
Du comportement de l’officier de patrouille sur le "pont Richard" aux pratiques de rackets perpétrées par les policiers sur les populations, la police malienne est plus que jamais sur la sellette.
Face à des dérives de ce genre, le ministre de la Sécurité intérieure est interpelé. Dix mois après sa nomination, le général Tiéfing Konaté, que certains décrivent comme "rigoureux", peine à imposer la discipline et les bons comportements dans ses rangs. Pas plus que le directeur général de la police, le contrôleur général Odïouma Koné, qui lors de sa passation de service, avait donné des allures d’homme de poigne.
"C’est tigre en carton", ironisent certains de ses camarades, qui avaient prédit son échec. Véritablement, jusque-là les promesses de ces responsables de sécurité de " mettre de l’ordre dans la famille" ont débouché sur un constat d’échec. Face ce bilan négatif, le général Tiéfing a-t-il vraiment sa raison de rester dans le gouvernement ?
I. F. Sissoko
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