Politique nationale linguistique : Des velléités d’imposer une langue nationale officielle ?
Ignorance ou démagogie?
Il doit s’agir plutôt de démagogie. Car impossible de dire qu’ils sont ignorants, qu’ils n’ont pas de diplômes prestigieux, ceux qui tiennent ce langage ! Mais c’est archi-faux ! Les choses sont pourtant claires : après avoir raté (et l’on sait à présent que ce n’était pas forcément un mal) l’ère de l’imprimerie, nos langues orales vont prendre avec autant plus d’aisance le train des nouveaux moyens techniques : radio, téléphone, télévision, et, accessoirement, clavier d’ordinateur. Ce n’est plus à l’école qu’on va s’alphabétiser, mais au cyber. Les Juifs, dont la contribution à la science, au développement du monde, n’est pas contestable, l’ont fait dans toutes les langues européennes, sauf dans la leur, ce qui ne les a pas empêchés de conserver celle-ci et d’en faire la langue officielle du jeune Etat d’Israël deux mille ans plus tard. On nous dira que ces langues européennes étaient les langues maternelles des Juifs ; soit, et c’est à peu près ce que nous disons pour le français et l’anglais, qui sont, comme diraient les linguistes, des langues « secondes » chez nous. Et qu’est-ce qu’une nation en Afrique? Ignorerait-on qu’un Bambara se sent plus proche d’un Dioula de Côte d’Ivoire ou du Burkina que d’un Maure ou d’un Sonraï de Gao? Les Bwa du Burkina ne se sont-ils pas portés au secours de leur frère Bwa, qui avait maille à partir, non pas avec une Bambara, mais avec des préjugés anti-Bwa apparus dans le discours de leur adversaire, la veuve Togola, une Bambara ? C’était lors de la dernière session de l’EID (Espace d’interpellation démocratique). Le monde soninké s’étend sur quatre à six pays de la sous-région : va-t-on minimiser l’importance nationale de sa langue à cause de frontières que les «pères des indépendances » ont eux-mêmes trouvées artificielles ? Allons-nous tous apprendre le peul, perçu à côté de l’arabe, du swahili et du haoussa comme langue de portée continentale? Pourquoi pas, puisque nous sommes tous Africains, si l’on veut suivre le raisonnement de la « conférence nationale » du 6 décembre 2011? Et pourquoi tant de hargne envers le « colonisateur » lequel a tracé les frontières dites nationales, sans aucune consultation des futures républiques indépendantes ? On se demande pourquoi le ministère de l’Education nationale du Mali a décrété Bamako « zone bambara » et le bambara seule langue nationale des écoles fondamentales et des lycées du District! Bamako, une ville soninké-maure fondée par les Niaré Soninké et les Touré Maures, développée par les dioula (commerçants) soninké, malinké, mossi, peul, diawambé, wolof…, lesquels y vivent encore ! Bamako, avec ses deux millions d’habitants, qui n’est plus une ville, mais un pays, pour citer le Président de la république intervenant récemment devant les chefs des collectivités territoriales, Bamako, c’est donc le Mali ! Décréter une langue pour Bamako, c’est la décréter pour le pays ! Et comment vouloir une langue nationale officielle, et une seule, pour le Mali ? Oublie-t-on alors que Soundiata, l’Askia Mohamed et Modibo Kéïta parlaient soninké en plus du malinké ou du sonrhaï ? Que les rois de Ségou parlaient peul et bambara? Et l’on pourrait continuer les symboles forts avec les autres langues nationales !
Surtout pas de langue officielle !
Le rôle de l’Etat est de défendre les langues qui sont en difficulté, c’est-à-dire en régression, les autres n’ayant pas besoin de lui. Et ce rôle n’est pas de développer le pays, mais de mettre en place le cadre institutionnel permettant aux différentes populations, sans exclusive, de s’épanouir, et non de disparaître. N’est-ce pas ce qu’on fait pour la religion ? Le maître-mot en la matière demeure : ne rien imposer ! Car c’est une humiliation, pour le Malien, même s’il ne parle pas ce qu’il considère comme sa langue, de se voir imposer une autre langue nationale, que ce soit par le biais de l’hymne national ou de l’école. Il n’y a jamais eu de langue officielle dans les royaumes et empires du passé. Au contraire de François 1er, qui institua en 1539 le dialecte du roi de France comme langue officielle du royaume, chez nous les princes et gouverneurs avaient vite fait d’adopter la langue des provinces qu’ils commandaient ! Quant aux commerçants, aux grands professeurs, marabouts, maîtres de la parole ou thérapeutes, ils étaient très souvent polyglottes, ayant voyagé à travers le pays lors de leur formation. Il faut savoir que l’enseignement a toujours existé chez nous, comme partout ailleurs dans les sociétés humaines, que l’école était privée et libre, qu’elle fût animiste, islamique, chrétienne ou professionnelle. Une exception : l’école publique française, qui n’était pas la préférée de nos populations, ni la plus efficace en fait de formation générale ou technique : il eût été judicieux de laisser les choses telles quelles, au lieu de la rendre obligatoire et de généraliser sa nocivité en annulant son excellence. C’est ce qu’a voulu dire le député européen Cohn-Bendit, intervenant, il y a deux ans, sur le problème de la solarisation des pays sous-développés, quand il s’est étonné que ce fût en français qu’on y enseignait à l’école primaire.
Il faut reconnaître les communautés linguistiques nationales
Le français est la langue du colonisateur romain de
Ibrahima KOÏTA
Quelle est votre réaction ?
![like](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/like.png)
![dislike](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/dislike.png)
![love](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/love.png)
![funny](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/funny.png)
![angry](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/angry.png)
![sad](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/sad.png)
![wow](https://site.maliweb.net/assets/img/reactions/wow.png)