Présidentielle de 2012 au Mali : Modibo comme ATT ?

Juillet 5, 2011 - 18:30
Juillet 5, 2011 - 18:30
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Comme ATT en 2002, les interrogations entourent la candidature de l'ancien Premier ministre, Modibo Sidibé, pour la présidentielle de 2012. Comme ATT en 2002, il n'a pas créé de parti politique jusque-là. Comme ATT en 2002, il est  en  train de s'appuyer sur des associations qui témoignent de sa volonté de briguer la magistrature suprême. Mais seulement, Modibo Sidibé peut-il faire comme ATT ?

En 2002, l'actuel président de la République, Amadou Toumani Touré, faisait l'objet de toutes les supputations  et conjectures quant à sa volonté de briguer la magistrature suprême. En son temps, pour certains, le héros de la révolution de mars 1991 n'allait pas se présenter à la présidentielle de 2002, pour ne pas altérer sa réputation d'homme qui  a su débarrasser le Mali du régime militaro-fasciste du général Moussa Traoré, diriger la transition courte et pacifique qui a  jeté les bases d'une République véritablement démocratique, avant d'organiser la toute première élection présidentielle libre et transparente dans l'histoire du Mali en 1992.

 

Pour d'autres observateurs de la scène politique nationale et internationale, ATT devait au contraire se présenter à la présidentielle de 2002 afin de se poser en rassembleur d'une classe politique qui ne parlait pas, en son temps, le même langage à cause des ambitions affichées par des leaders politiques qui ne regardaient pas dans la même direction. Face à cette question de ne pas se présenter ou de se présenter qui taraudait les esprits, ATT a opté pour la seconde proposition. Non pas en créant un parti politique pour la conquête du pouvoir comme le veut la tradition républicaine, mais en s'appuyant sur des associations apolitiques, qui finiront par se regrouper au sein d'une grande et vaste entité : le Mouvement Citoyen. Lequel  sera le fer de lance de sa campagne pour la présidentielle de 2002. La suite est un secret de polichinelle.

 

En tant qu'homme d'exception, pour avoir libéré le Mali d'une dictature médiocre et sanguinaire et pour avoir su se construire une notoriété au plan international, à travers diverses médiations menées en Afrique centrale et orientale pour le compte des Nations-Unies, ATT a su forcer l'estime et la considération d'une frange importante de la classe politique, des électeurs en général et en particulier le citoyen malien tout court. D'où son élection comme président de la république, en 2002, en tant qu'indépendant. Son second mandat, en 2007, lui a été facilité : il a gagné dès le premier tour avec 71% des suffrages exprimés, à cause des travaux d'hercule qu'il avait engagés dans presque tous les domaines de la vie (santé, éducation, route, aménagements hydroagricoles…) pour le développement harmonieux du Mali.

 

Aujourd'hui, à quelques encablures de la présidentielle de 2012, les mêmes interrogations concernant ATT en 2002, apparaissent au sujet de l'ancien Premier ministre, Modibo Sidibé. La démarche de ce dernier pour conquérir le pouvoir ressemble à celle d'ATT. Surtout quand on observe la montée des associations de soutien aux actions de Modibo Sidibé qui fut un grand commis de l'Etat pour avoir gravi tous les échelons et pour avoir longtemps servi dans les rouages du pouvoir.

 

De même qu'ATT, Modibo Sidibé n'a pas créé un parti politique et on ne lui en prête pas l'intention jusque-là. Mais, son problème est qu'il cherche désespérément un parti preneur, là où, dans la même situation, ATT était déjà parrainé et adopté par le parti du président sortant, l'ADEMA, l'une des plus grandes formations politiques du pays.

 

Les majors de l'arène politique comme l'ADEMA, l'URD, le PDES et le RPM ont déjà annoncé la couleur : ils auront leurs candidats pour la présidentielle de 2012. L'ADEMA et le PDES ont d'ailleurs affirmé plus d'une fois, qu'ils ne veulent pas de Modibo Sidibé comme leur candidat contrairement aux rumeurs qui ont abondamment circulé dans ce sens.  Pour arriver à ses fins, l'ancien Premier ministre pourra-t-il tirer profit de la faiblesse organisationnelle de ces partis politiques concurrents en mettant en exergue leur manque de cohésion et leur rivalité de leadership, le plus souvent basé sur la préservation des intérêts personnels avec, à la clé, des règlements de compte récurrents ?

 

Ni le charisme ni la personnalité d'ATT

 

Face à cette situation, des observateurs de la vie politique n'hésitent pas à soutenir que Modibo Sidibé "n'a ni le charisme ni la personnalité d'ATT" qui est un homme d'exception. Le cheminement de celui-ci a permis de réussir à déclencher une synergie d'actions autour de lui. Ce qui n'est pas le cas de celui qui fut longtemps son "complice" dans la gestion des affaires de la chose publique. Modibo Sidibé, selon certains observateurs de la vie politique et sociale "fait partie de la catégorie des hommes en or, selon la classification du célèbre philosophe grec Platon", c'est-à-dire des hommes nés dans l'opulence et qui regardent les autres d'en haut. Bref, des hommes qui ne sont pas sociables parce qu'ignorant les problèmes réels de la société qu'ils ne pratiquent pas assez.

 

En somme, ils veulent  soutenir que Modibo Sidibé est tout le contraire d'ATT qui a cherché à bien connaitre son peuple, c'est-à-dire les populations maliennes dans leur diversité, afin de trouver des solutions aux problèmes qu'elles vivent. 

Aujourd'hui, s'il est réellement avéré que Modibo Sidibé va se présenter à la présidentielle d'avril 2012, il doit jouer la montre en déposant sa démission au sein de la police, un corps auquel il appartient - chose qui était prévue pour le 20 juin dernier, selon ses amis. Aussi, il doit faire essaimer, dès maintenant, ses associations de soutien sur toute l'étendue du territoire national, tout en prenant soin de convaincre l'opinion sur le bien-fondé de son ambition présidentielle afin de servir davantage le Mali. Ce qui n'est pas gagné d'avance.

 

Ce travail de structuration, de sensibilisation et de mobilisation urge, d'autant plus que, au cours des années qu'il a servi dans les rouages de l'Etat, Modibo Sidibé n'a pas posé  d'actes concrets allant dans le sens d'ambitionner une carrière politique dans ce pays. Mieux, le mouvement de soutien à ses actions n'a pas encore fait la preuve qu'il peut constituer une foudre de guerre électorale. Car il ne s'installe que de façon timide, ce qui fait certainement que son mentor hésitera encore à faire une sortie publique digne de ce nom, en annonçant sa rentrée politique.

Pour accroître ses chances de remporter l'élection présidentielle de 2012, l'ancien Premier ministre doit aller vite,  très vite sur le terrain pour mouiller le maillot, en élargissant la base du mouvement en gestation en son nom jusqu'aux militants et cadres des partis politiques qui ont pignon sur rue.  Il doit également solliciter, conseils, bénédiction et appui au moins moral auprès de celui qui fut, durant des années, son mentor : ATT. Ce dernier déclarait, au cours de l'émission "Baro" et  lors de la traditionnelle conférence de presse commémorative du 8 juin, date anniversaire de son accession à la magistrature suprême, que "Modibo Sidibé est et demeure son jeune frère et qu'il ne saurait y avoir des différends entre eux, contrairement à ce qu'affirment certains".

 

Alassane DIARRA

Article publié le 30 juin 20011

 

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