Prises d’otages, trafics en tous genres. Le Sahel est devenu en quelques années un des endroits les plus dangereux du monde. Abou Zeid, l’un des dirigeants d’Aqmi, est le symbole de ce nouveau phénomène entre islam radical et banditisme qui règne en maître dans la région.
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Abou Zeid, un des dirigeants d’Aqmi[/caption]
Trafiquant d’armes, de drogues et d’hommes. Le dirigeant d’Aqmi (Al-Qaïda au Magreb islamique)
Abou Zeid est tout cela à la fois et pourtant il se considère comme un ardent défenseur de l’islam. L’homme,
qui accuse la France d’être responsable de l’échec des négociations dans la libération des otages qui se trouvent quelque part au Sahel, a éliminé ses rivaux sans ménagement. En seulement 10 ans son ascension a été fulgurante.
Qui est Abou Zeid ?
Il est aujourd’hui l’un des chefs les plus influents d’Al-Qaïda au Maghreb. Décrit par ceux qui le connaissent comme brutal et sans scrupule, il est partisan de méthodes radicales, on l’accuse par exemple du meurtre de plusieurs otages occidentaux. Dès 2003, il participe au rapt de touristes allemands dans le Sahara. Il serait également
l’un des meurtriers d’un otage britannique en 2009 et pour terminer la liste de ses exactions,en 2010, au Niger, il aurait enlevé puis tué
Michel Germaneau, un ingénieur français à la retraite.
Trafiquant d’armes, de drogues et d’hommes
Cet algérien d’une quarantaine d’années est le pur produit de l’islamisation algérienne des années 90 désormais exportée au Sahel. Comment cet ancien membre du
Front islamique du salut (FIS) est-il parvenu à dominer cette zone géographique ? Et pourquoi le Sahel est-il devenu le terrain de jeu sanguinaire de ce type d’islamistes ?
La réponse se trouve dans l’histoire récente de cette zone, il y a une vingtaine d’années. Le Sahel, il y a 20 ans, était une région que l’on évoquait rarement, seulement à l’occasion d’une sécheresse suivie d’une famine qui attirait l’attention du monde quelques semaines. Puis vint la crise algérienne et la guerre que le gouvernement livra avec un certain succès au
Groupe islamique armé. Ces hommes fanatisés et armés se réfugièrent alors dans le nord du Mali. Ils commencèrent alors à s’implanter et à mener plusieurs trafics très lucratifs allant des armes à l’alcool en passant par la drogue, de la cocaïne venant de Colombie et qu’ils acheminent jusqu’en Europe.
L’islamisation algérienne des années 90 désormais exportée au Sahel
Parallèlement, l’islamisme va progressivement se développer dans la région. Jusqu’ici, les Maliens pratiquaient un islam
soufiste.
A l’opposé idéologiquement et religieusement, le wahhabisme prôné par l’Arabie saoudite et le Qatar, gagne du terrain. Ces pétromonarchies financent des écoles coraniques et des mosquées du Sahel. Aux jeunes du pays, ils offrent l’image d’un islam puissant, riche qui pour une partie d’entre eux semble plus attrayant que l’islam pratiqué par leurs ancêtres. «
Le wahhabisme des Saoudiens a séduit ces jeunes touaregs très pauvres. Les Occidentaux peuvent dénoncer aujourd’hui les ravages de l’islamisation. Mais ils ont à l’égard de ces pétromonarchies toujours pratiqué un double langage« , juge
Philippe Hugon, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Les conséquences de la mort de Kadhafi
De son côté, l’ancien président malien n’a pas pris au sérieux l’installation de ces combattants algériens et la montée en puissance de l’islamisme à la fois par faiblesse et par connivence. Car les trafics divers et variés bénéficient également au gouvernement malien.
Et quand en 2011, le régime du colonel Kadhafi est défait, les mercenaires canalisés par l’imposant voisin libyen reviennent dans le nord du
Niger et du Mali.
« Kadhafi a beaucoup négocié avec les touaregs du sud de la Libye et du Niger. A sa mort, les mercenaires qui étaient réfugiés chez le dictateur n’étaient plus en sécurité là-bas« , explique Philippe Hugon.
Des problèmes conjoncturels qui se cumulent aux problèmes structurels
démographiques et
hydrauliques de cette région et qui font finalement du
Sahel le nouveau Far West des islamistes et sans doute pour longtemps.
Jean-Pierre Filiu - France Info