Touaregs, Algériens, bérabiches, islamistes, terroristes, trafiquants... L'ennemi contre lequel la France se bat a plusieurs visages. Ce n’est pas un mais plusieurs ennemis que combat la France dans les sables du Nord-Mali.
L'armée des djihadistes unifiés sous le drapeau noir de l'islam ultra-radical se décompose, en vérité, en katibas (phalange, équivalent d'une compagnie française, soit 80 à 100 hommes) mues par des logiques ethniques, claniques et des arrière-pensées loin d'être partagées par tous.
Ansar Dine : les touaregs
Figure de proue de la coalition,
Iyad ag Ghaly, chef historique de la rébellion touarègue appartenant à la tribu des
Ifoghas, a vendu son âme au diable en s’associant avec
Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique).
Bien qu’il désapprouve les activités terroristes de son allié, il profite de sa manne financière pour réaliser son objectif : faire du
Mali un Etat islamique. Son mouvement,
Ansar Dine (les protecteurs de la foi), s’est rendu maître du Nord-Mali en juin dernier, après en avoir chassé son ex-allié, le
MNLA (Le Mouvement national de libération de l’Azawad), et siphonné ses combattants. Les touaregs laïcs et indépendantistes du
MNLA avaient, les premiers, réussi à conquérir l’
Azawad en avril, leur berceau historique qu’ils rêvaient depuis un demi-siècle de reprendre à l’Etat malien.
Outre les terroristes,
Ansar Dine a bénéficié du soutien discret d'
Alger. La puissance régionale, en vertu de la devise
"diviser pour mieux régner", n'a cessé d'user de son influence dans son pré-carré. Avec l'espoir d'échapper, par la négociation, à une intervention militaire desservant ses intérêts, elle a jugé
Iyad ag Ghaly "récupérable" jusqu’à la dernière minute. Mais après avoir fait croire qu’il était prêt à discuter, le touareg a fait volte-face le 1er janvier et resserré les rangs avec
Aqmi.
Aqmi : les Algériens
L’ancien
Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui, en ralliant
Al-Qaïda en 2007, s’est rebaptisé
Aqmi, est toujours dominé par des Algériens. Son chef,
Abdelmalek Droukdel, se cache d'ailleurs en Kabylie. Ses deux dirigeants au
Mali son
t Abou Zeïd, spécialiste des prises d'otages, et
Abou Yéyia Hamame, récemment nommé par
Droukdel émir d'
Aqmi au
Sahara et au
Sahel.
Installé dans le désert malien depuis 2003, où trafics de drogue, d'armes et enlèvements lui ont permis d’accumuler un énorme trésor de guerre,
Aqmi reste fidèle à son premier but : un Etat islamique dans un
Maghreb réunifié. Le mouvement salafiste a connu une récente scission avec le départ de l'une de ses figures historiques,
Mokhtar Belmokhtar, dit
"Le Borgne", plus versé dans le trafic que dans le djihadisme.
Mujao : les "noirs"
Belmokhtar s’est rapproché du
Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), né en 2011 d’une précédente dissidence. Branche
"noire"d’
Aqmi, composée de subsahariens sous la houlette d’un chef mauritanien,
Hamada Ould Khaïrou, elle s’est néanmoins établie dans la ville de
Gao avec la complicité des trafiquants arabes locaux et serait financée par le Qatar. Après l’enlèvement de trois occidentaux à
Tindouf, sur le sol algérien, en 2011, le
Mujaos’est illustré par le rapt de sept diplomates algériens à
Gao en avril 2012. Il retient aujourd'hui toujours quatre d'entre eux.
Ansar al-Charia : les bérabiches
Dernier né des mouvements,
Ansar al-Charia (les défenseurs de la loi islamique) rassemble, depuis décembre 2012, la communauté bérabiche malienne, d’origine arabe. A leur tête,
Oumar ould Hamaha, alias
"le Barbu rouge", un surnom qu’il tire de sa barbe teintée au henné, est passé par le
Mujaoet
Ansar Dine.
Boko Haram : les Nigérians
Un autre convive a été récemment aperçu à la table des djihadistes du
Nord-Mali: la secte islamiste nigériane
Boko Haram chercherait à faire la jonction avec
Aqmi.
5.000 à 10.000 hommes au total
Ce petit monde représenterait, selon les estimations entre 5.000 et 10.000 djihadistes. Leur armement a été puisé dans les arsenaux libyens après la chute de
Kadhafi, puis dans les casernes d’une armée malienne en débâcle lors de leur conquête du
Nord-Mali au printemps 2012 et, enfin, au marché noir, comme le souligne le chercheur
Mathieu Guidère dans une interview au
"Nouvel Observateur".
Aux yeux de la diplomatie, tous ces groupes sont perdus. Pour le
MNLA, l’heure de la revanche a peut-être sonné. D'autant qu'il faudra bien résoudre le problème touareg qui empoisonne le
Mali depuis son indépendance. Très affaiblis, ils s’étaient rachetés une conduite en décembre en s’engageant à négocier. Désormais, ils proposent d
'"aider" la
France à lutter contre les islamistes. Et il se dit qu’Alger se serait rabiboché avec eux.
Sarah Halifa-Legrand et Farid Aïchoune
cridem.org