Racket policier : Une complaisance entre chauffeurs et policiers

Mar 21, 2020 - 04:50
Mar 21, 2020 - 04:53
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Racket policier : Une complaisance entre chauffeurs et policiers
Entre les chauffeurs de taxi et certains agents de la Compagnie de circulation routière (CCR)  de Bamako, le phénomène de la  corruption se pratique avec complaisance. - Maliweb.net - Les bavures policières ou rackets policiers dans la capitale malienne  est une pratique qui a la peau dure dans notre société. A tort ou à raison,  les chauffeurs de taxis  accusent les agents de les racketter et ce même s’ils sont en règle et n’ont commis aucune infraction. « Tu peux avoir tous tes documents en règle, permis, assurance, vignette mais le policier qui te  siffle, trouve  toujours quelque chose  juste pour te dire que tu as commis une infraction. Rien que la semaine dernière, un policier m’a arrêté au niveau  de Bolibana, j’ai présenté mes pièces, il a pris mon cahier, comme j’étais en règle, il m’a demandé l’extincteur  de feu et il s’est mis à tourner autour de mon taxi  et sans aucune considération, il est retourné à son poste. J’ai été obligé de sortir de mon véhicule pour aller chercher mon cahier.  Je lui demandais sans cesse ce qu’il me reprochait, il m’a demandé de baisser le ton et comme il n’avait rien à redire avec mes pièces, il  m’a dit que l’ampoule de devant ne s’allumait pas. J’ai protesté mais pour ne pas perdre ma soirée, j’ai fini par le supplier en lui  remettant  un billet de 1000 F  », témoigne Yoro Sangaré chauffeur de Taxi. « Je ne me fatigue plus avec les pièces du véhicule, je l’ai dit au propriétaire du taxi, je prends juste l’assurance car avec ou sans les documents du taxi en règle on te fera payer de toute façon »,  déclare Solo Coulibaly un jeune chauffeur d’une trentaine d’années conduisant un taxi visiblement bon pour la  fourrière. Selon un responsable de syndicat de taxis rencontré en commune III du district qui préfère témoigner sous anonymat, sur 10  véhicules contrôlés par les agents de la police seuls 2 de ces véhicules circulent sans avoir leurs documents complets en règle. Et selon lui,  ces  taxis sont les propriétés des agents de sécurité. « Les Taxis ou Sotramas qui roulent sans leurs papiers en règle appartiennent aux forces de l’ordre et ils font des notes qui servent de laissez-passer lors des contrôles. En plus il n’est pas rare de trouver sur le tableau de bord de ces véhicules un  béret  pour signaler que le propriétaire est un agent de la  sécurité » martèle ce syndicaliste qui prend le commandant de la CCR  comme seul responsable des bavures policières constatées dans la circulation bamakoise. « Les agents sont en quête incessante de petites infractions en passant par l’état d’une veilleuse, un feu de choc brisé, un  clignotant défaillant  ou autre petit détail pour vous  taxer  d’infractions. Et pour ne pas  perdre votre temps vous allez leur glisser un billet de 500F » s’offusque  Sirima chauffeur de taxi d’une voix colérique. Ils sont nombreux les chauffeurs de taxi  et responsables syndicaux  à accuser les agents en charge de la circulation de les faire payer  500 F, 2000F ou  3000 F sans quittance et sans avoir commis d’infractions prouvées. Une allégation qui n’est pas soutenue par tous les chauffeurs. Amadou Traoré quant à lui soutient : «  Les policiers tout comme nous les chauffeurs, nous avons notre part de responsabilité dans cette corruption. On accuse les policiers de nous obliger à payer pour une faute non commise. Moi je roule pendant toute l’année sans avoir à débourser 5F, j’ai mes papiers en règle et même quand je viens de loin les policiers ont l’œil pour détecter ceux qui sont en règle ou pas. Lorsque le véhicule n’est pas en règle il est normal que tu te fasses siffler c’est là que commencent les négociations et très souvent le chauffeur préfère donner un billet à l’agent que de voir sa voiture conduite dans la cour, chose qui lui fera perdre son temps de travail.  » A en croire les différents témoins, ces échanges de  billet entre agent de l’ordre et chauffeur  semblent plus être une complaisance entre les deux parties. Pourtant l’acte engendre  une grosse perte dans le  denier public. A Bamako la mairie du district déclare 9154 taxis en 2019,  et dans la ville de Bamako nous avons   environ  140 carrefours qui abritent des postes de contrôle de la CCR. Selon une enquête menée sur la corruption par  Sidiki Guindo, ingénieur statisticien, économiste en 2014,  les rackets policiers coûtent environ 6 à 7 millions par jour aux usagers des routes. Monsieur Guido a estimé à  plus de 2 milliards l’année le montant de ces rackets, un important manque à gagner pour  l’Etat qui reste d’actualité selon lui. La corruption, un  phénomène  banalisé  dans les discours. « Nos agents nous rapportent qu’ils sont sujets de supplications auxquelles il les  est humainement et socialement difficile de résister. Les personnes prises en faute prient les agents de prendre les billets d’argent en réparation de leur infraction commise. Si tu le prends on te taxe de corrompu et si tu refuses   on te traite de méchant policier » explique le commandant adjoint de la CCR. Le  commandant  adjoint de la  CCR  Sory Sangaré,  réfute les accusations portées à l’encontre des agents de la circulation. Pour Sory Sangaré, il peut exister dans la circulation des agents véreux, et il assure que ces derniers s’ils sont connus sont soumis aux sanctions disciplinaires telles qu’une demande d’explication, un avertissement, arrêt de travail, des  sanctions qui  peuvent aller  jusqu’ à la radiation de l’agent, les sanctions sont appliquées suivant la gravité de la faute professionnelle commise par l’agent.  Par ailleurs, il affirme que les usagers peuvent  saisir  l’inspection de la police ou saisir le ministère de la sécurité intérieure pour dénoncer tout cas d’abus perpétré par un agent sur eux. Le commandant Sangaré,  affirme que la hiérarchie de la police fait couramment des rondes surprises pour  surveiller  le travail des agents.  « Je venais juste de  prendre fonction à la police, à un carrefour, un monsieur d’un âge avancé a commis une infraction et était en double file et n’a pas respecté les feux de signalisation. Lorsque je lui ai signalé l’infraction, il m’a tendu un billet de 2000F en ces termes : Et dôgo (petit frère) prends ça, comme je refusais, il me répéta ‘Eh ne joues pas au dur on vous connait prends ça et laisses moi partir’. Je l’ai alors proposé de s’acquitter de son infraction en retour d’une quittance en lui signifiant  qu’au moins il allait contribuer à alimenter le trésor public, il a refusé, j’ai saisi son cahier il est parti. C’est par la suite qu’on m’a appelé chez mon  chef et  félicité, en effet l’homme pris en infraction n’était autre qu’un agent de la police habillé en civil : le Commissaire Kassogué qui effectuait une ronde de surveillance ». Une anecdote racontée par l’inspecteur B en présence du commandant Sangaré. En qui concerne les véhicules acheminés dans la cour du GMS (groupement mobile de sécurité) pour avoir commis une infraction, les engins sont retournés à leurs propriétaires après qu’ils se soient acquittés du paiement de l’infraction. Une complaisance dans la régulation de la circulation ?  « Vous connaissez notre société, il y a toujours des interventions, des supplications,  on se met à vous supplier au nom de dieu, de vos parents, face aux lamentations les agents sont souvent ramollis et font preuve de clémence et laissent repartir le chauffeur en le sommant de ne pas récidiver. Aucun agent ne demande de l’argent on nous rapporte que ceux sont les chauffeurs même qui donnent de l’argent aux agents après supplications ensuite on crie à la corruption. Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur, je condamne la pratique et je pense qu’on doit sensibiliser les gens car nous, nous ne faisons qu’appliquer la loi  » explique le Commandant adjoint de la CCR. Racket policier ou tentative de corrompre un agent assermenté, la pratique est désapprouvée par les usagers de la route. Les clients de taxis se plaignent.  «  On nous met en retard, les policiers qui sifflent le taxi, le chauffeur qui sort lui remettre un billet nous fait perdre notre temps » souligne Moussa Coulibaly agent social, un client de taxi. Pour Bamou Diarra, vendeuse au grand marché de Bamako,  les clients sont les principaux perdants dans les altercations opposant les chauffeurs de taxi et les policiers. «  Tu es pressée donc obligée de prendre un taxi  qui te coûte cher juste pour vite arriver à ton point de vente et le taxi dans lequel tu te trouves est arrêté par un policier qui cherche 500f comme nous disent les chauffeurs, c’est embêtant pour le client car ni le chauffeur ni le policier ne sont pressés comme toi qui a payé le prix du taxi ».  Vieux Tangara motocycliste déclare être victime d’un accident occasionné  par une folle  poursuite entre un agent de police et un taximan qui refusait de s’arrêter au niveau du Centre international de Conférence de Bamako. La corruption phénomène courant presque banalisé dans la circulation routière constitue un frein à l’économie et crée une grande insécurité dans la ville, pourtant des campagnes de sensibilisation sont menées pour mettre fin à la pratique et les usagers ont connaissance de l’existence des quittances en retour de paiement de leurs infractions. La question reste à savoir d’agents corrompus aux usagers corrupteurs qui se plaisent le plus souvent dans cette pratique ? Khadydiatou SANOGO/Maliweb.net  

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