Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (21 avril 2011) - 3 : 0% pour les produits médicaux, 75% pour les missions diverses…

Nous continuons notre feuilleton Fonds Mondial. Après le résumé qui ouvre le document, nous vous proposons d’entrer plus en profondeur dans le mécanisme des fraudes relevées par les enquêteurs de l’OIG. Dressons tout d’abord un tableau exhaustif des différentes subventions attribuées au Mali dans le cadre de la lutte contre le paludisme et la tuberculose, et découvrons comment l’on peut dépenser 75% de plus de 5 millions de dollars en per diem et autre frais de missions ou de formations et, dans le même temps, 0% du montant décaissé pour l’achat d’antituberculeux.

Recommandations
À la suite de son enquête, et comme indiqué plus en détails à la fin du présent rapport, l’OIG recommande que le Conseil du Fonds mondial ou son Secrétariat, selon le cas: 1) s’efforce de se faire rembourser par toutes les parties responsables directement, ou par les entités signataires des contrats, 5,2 millions d’USD représentant les fonds des subventions perdus à la suite d’actes criminels et de violations des conventions de subvention identifiés ici, 2) renforce dans les conventions de subventions l’exigence pour les PR (Bénéficiaire principaux) d’enregistrer et de conserver toutes les informations relatives aux dépenses (telles que les noms des fournisseurs) au sein d'un système comptable acceptable et de bannir les dépenses en espèces, sauf s'il existe un besoin critique de les effectuer; 3) exige des LFA (Local fund agents) de vérifier régulièrement les comptes afin de découvrir toutes les malversations financières, en étant particulièrement attentifs aux activités de formation, aux coûts associés et aux dépenses à haut risque; 4) reconsidère l'utilisation des montants et le rythme des décaissements des fonds de subvention comme une priorité pour le personnel du Secrétariat; de mettre l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité des décaissements, et de s’assurer (par le biais d’une surveillance continue) que les fonds sont réellement utilisés comme stipulé dans les conventions de subvention.

A. CONTEXTE
L’OIG a examiné deux subventions relatives au paludisme et deux relatives à la tuberculose au Mali. Cette section décrit les objectifs des subventions, les parties prenantes pertinentes, le type de dépenses engagées au titre des subventions et le processus que les programmes ont ostensiblement en matière de dépenses des fonds de subvention au cours de la mise en œuvre.

1. Conditions, objectifs et activités relatifs aux subventions
a) Round 1 Paludisme
La première subvention octroyée par le GF (Fonds mondial) au Mali a été le Round 1 Paludisme, qui a débuté le 1er Décembre 2003. La subvention soutenait un programme qui visait à accélérer la mise en œuvre du Mali du Plan stratégique national de lutte contre le paludisme, dans le but de réduire la morbidité et la mortalité palustres en moins d’au moins 35% à la fin de 2005. Les activités prévues dans le cadre de la subvention étaient: (1) Le renforcement de la capacité de prise en charge correcte et de détection précoce du paludisme dans les établissements de santé; (2) La prévention du paludisme par la lutte antivectorielle, la prophylaxie chimio chez les femmes enceintes et le contrôle de l'environnement; (3) La mise en place de la surveillance épidémiologique intégrée / gestion des épidémies, le suivi, la supervision et l'évaluation des activités de contrôle; (4) La promotion de la Recherche et Développement visant à améliorer les prestations de services pour faire reculer le paludisme; (5) Le renforcement des capacités structurelles et de gestion du Programme national de lutte contre le paludisme; (6) Le renforcement et le développement d’un partenariat durable avec les communautés de dégustation et une collaboration multisectorielle et (7) L’accroissement de l'utilisation des moustiquaires imprégnées d'insecticide au niveau communautaire (en ciblant les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, grâce à une approche de marketing social).

Bien que la subvention fût initialement destinée à être dépensée en trois ans, sa mise en œuvre a été prolongée jusqu'en avril 2007. 2 592 316 USD ont été dépensés sur la subvention à cette date.

Round 6 Paludisme
La subvention du Round 6 pour le paludisme, qui a débuté le 1er Novembre 2007, visait à contribuer à la réduction de la morbidité et la mortalité liées au paludisme au Mali. Les activités prévues étaient les suivantes: (1) Achat et distribution de combinaison à base d’artémisinine (ACT), (2) Passation des marchés et distribution de sulphadoxine pyriméthamine (SP) pour le Traitement Préventif Intermittent (TPI) des femmes enceintes; (3) Suivi de la pharmacovigilance ACT par le biais de visites régulières aux sites sentinelles et la surveillance de la résistance des parasites du paludisme aux antipaludiques (4) Organisation d'une série de sessions de formation en cascade pour les fournisseurs de services sur le diagnostic et le traitement des cas de paludisme, le TPI / SP et le retraitement des moustiquaires; (5) Renforcement des capacités du PNLP, par le recrutement de personnel supplémentaire; (6) Travail de recherche opérationnelle sur le paludisme avec le MRTC (Malaria research and training center), un institut de référence internationale pour la recherche sur le paludisme, pour accompagner la mise en œuvre des stratégies de lutte contre le paludisme; (7) Renforcement du système d'alerte précoce sur la surveillance du paludisme; (8) Mise en œuvre d’activités de communication dans le cadre de la nouvelle politique de lutte contre le paludisme, y compris (i) le plaidoyer en direction des dirigeants politiques et des partenaires, (ii) la mobilisation sociale, ciblant les participants, et (iii) la communication pour le changement de comportement, en synergie avec la société civile.

Le GF a déboursé  2 555 989 USD, soit 77% des fonds destinés à la Phase 1, le 16 Décembre 2008, dernière date à laquelle un versement a été effectué. Les activités se sont poursuivies jusqu’au 30 avril 2010, mais, entre 2008 et 2010, le programme fait aucune demande supplémentaire de décaissement, puisque les versements précédents n'avaient pas été dépensés.

A la suite des premières découvertes de fraudes liées à cette subvention, le MoH (Ministère de la santé) a  remboursé 41 540 USD au GF le 4 Mars 2010, date limite de mise en œuvre en vertu de la subvention. Il n'existe actuellement aucune activité au titre de celle-ci, car, si la Phase 2 a été approuvée, l'accord n'a pas encore été signé.

Round 4 Tuberculose
La subvention du Round 4 pour la tuberculose, qui a débuté le 1er août 2005, visait à renforcer la gestion des cas de tuberculose selon la stratégie DOTS, qui combine un diagnostic approprié, l'enregistrement de chaque patient détecté, un traitement multi médicaments standardisé, une évaluation individualisée de chaque patient pour s'assurer de sa guérison et l'évaluation et le suivi de la performance du programme. Les activités prévues dans le cadre de cette subvention étaient les suivantes: (1) Formation des agents de santé de tous les secteurs, ainsi que des relais communautaires, y compris la formation des formateurs; (2) Appui à la surveillance du personnel impliqué dans la détection et le traitement des cas de tuberculose; (3) Fourniture d'équipements de microscopie à des centres publics et privés; (4) Fourniture de moyens logistiques pour assurer la disponibilité des médicaments et le contrôle microscopique de qualité; (5) Mise en œuvre de campagnes de sensibilisation et de mobilisation sociale; (6) Mise en place de partenariats et promotion de réseaux pour soutenir les patients TB et leurs familles; (7) Formation des conseillers tuberculose en dépistage et conseil VIH volontaires, ainsi que du personnel des centres de dépistage du VIH à l'identification des co-infections tuberculose (formation croisée); (8) Suivi et évaluation; (9) Soutien aux relais communautaires, et (10) Gestion des programmes de formation.

Le 24 Juin 2010, le GF a déboursé 5 073 300 USD, soit 75% du montant de la subvention prévue, et, le 30 Juin 2010, toutes les actions de mise en œuvre, en vertu de la subvention, ont pris fin. À la suite des premières preuves de fraude liées à cette subvention, le MoH a remboursé au GF 189 042 USD le 4 Mars 2010.

Round 7 Tuberculose
Enfin, au Mali, la subvention pour la tuberculose du Round 7, qui a commencé le 1er Octobre 2008, visait à contribuer au Plan stratégique de lutte contre la tuberculose au Mali par la détection d'au moins 70% des nouveaux cas de maladie et la guérison d’au moins 85% des patients détectés. Les activités prévues au titre de cette subvention étaient les suivantes: (1) Dépistage par un examen bactériologique de qualité reconnue, (2) Traitement standardisé et supervisé, accompagné d'un soutien au patient, (3) Mesures de suivi, d'évaluation et d'impact; (4) Administration et suivi du Programme; (5) Contribution au renforcement du système de santé; (6) Mise en œuvre de la nouvelle initiative "Approche pratique de la santé respiratoire (PARH)"; (7) Renforcement la lutte contre la tuberculose dans les groupes vulnérables; (8) Renforcement du réseau de laboratoires; (9) Renforcement des approches public / privé; (10) Promotion de la norme internationale de soins de la tuberculose ISTC; (11) Renforcement du plaidoyer, communication, mobilisation sociale; (12) Renforcement de la stratégie DOTS communautaire, et (13) Promotion et renforcement de la recherche opérationnelle basée sur le programme.

Le 20 août 2009, GF a déboursé 1 837 476 Euros, (2 880 417 USD), soit 63% du montant de la subvention pour la Phase 1. Aucun autre montant n'a été décaissé au titre de cette subvention depuis cette date et il n'y a plus aucune activité de mise en œuvre en cours depuis le 31 Juillet  2010, à l'exception des «services essentiels», qui entraînent une résistance aux médicaments combinés. La Phase II de la subvention n'a pas encore été soumise à l’examen du panel ni à l'approbation du Conseil.

2. Les dépenses prévues par les subventions
Les subventions attribuées prévoyaient que soient engagées des dépenses pour: (i) les médicaments, équipements médicaux et autres produits de santé; (ii) les constructions civiles, telles que les laboratoires et l'équipement, par exemple les ordinateurs et les véhicules; et (iii), différentes activités comme les formations de médecins, de techniciens de laboratoire ou de guérisseurs traditionnels, les campagnes de communication, l'assistance technique, le suivi et l'évaluation, les ressources humaines et la planification et l'administration des Programmes. Le Round 6 Paludisme se présente comme la seule subvention pour laquelle la majorité des fonds ont été décaissés pour des médicaments ou des produits de santé. Les autres subventions ont vu la majorité des fonds octroyés affectés à diverses activités. Pour le Round 1 Paludisme, le budget consacré à l'achat de produits pharmaceutiques  représentait 4,1% du budget total, et 5,2% de celui-ci a servi pour acquérir des produits de santé, fournitures et équipements.

Pour le Round 4 Tuberculose, aucun montant issu de la subvention n’a été utilisé pour acquérir des produits médicaux ou des médicaments. 

A contrario, 25% a été dépensé en infrastructures (laboratoire) et autres équipements (achat et utilisation des véhicules et des ordinateurs), et le reste, soit 75%, a été dédié aux activités de planification, de gestion, de suivi et d'évaluation, d'assistance technique, des ressources humaines, de communication et de formation. Pour le Round 7 tuberculose, les produits de santé, l'équipement, les médicaments et produits pharmaceutiques ont représenté 25% du budget planifié et les infrastructures et autres équipements 14%. Les 60% restants ont été utilisés pour le soutien à la population cible, la formation, le matériel de communication, la planification et la gestion, le suivi et l'évaluation, les ressources humaines, les frais généraux, etc.
A suivre…
Ramata Diaouré