Le grand nombre de coups d’État sous la III
e République malienne a conduit à réfléchir aux dysfonctionnements du système politique, en particulier l’écart important entre la Constitution et son application. Peu à peu s’est mis en place un régime présidentialiste : situation inacceptable dans un État fragilisé mais encouragée par certains, obsédés, même, par l’idée de constitutionnaliser cette organisation, en dépit des vices qui lui sont inhérents. Les autorités de la Transition proposent ainsi de consolider le régime présidentialiste dans le cadre d’une IV
e République alors que l’instauration d’un régime parlementaire serait salutaire selon nous.
- La nocivité du régime présidentialiste
Le problème de l’insécurité fonde l’argument principal des tenants du régime présidentialiste. Pour atténuer son caractère péjoratif, et malgré la confusion entre
régime politique et
système politique, l’idée d’une «
démocratie sécuritaire » s’est répandue. Cette formule maladroite exprime ce qu’elle entend cacher, c’est-à-dire le danger provoqué par la toute-puissance d’un individu si ses prérogatives ne sont pas limitées par un contre-pouvoir, ni par le débat parlementaire, grâce auquel, d’ailleurs, le peuple voit sa conscience politique stimulée. Mais le pouvoir de la Transition, par son projet d’une nouvelle Constitution, cherche à établir une magistrature forte. Ses soutiens pensent indispensable qu’un despote prétendument éclairé, omnipotent, dirige le pays. Pour d’autres, cette institution très forte correspondrait à la mentalité africaine – selon laquelle le peuple a besoin d’un chef, tant il est vrai que les chefferies influencent aujourd’hui encore la vie des Maliens, à la campagne surtout – et à la nécessaire étatisation d’un pays selon les normes internationales. Tous ces arguments sont fallacieux, à l’évidence, ou naïfs, et, en tout cas, facilement réfutables : l’histoire de la III
e République est l’histoire de l’échec du régime présidentialiste instauré officieusement par la mauvaise gouvernance.
- Les vertus du régime parlementaire
Le régime parlementaire favoriserait cependant l’équilibre indispensable au Mali. Il donnerait au peuple le rôle de trancher les différends dans le domaine politico-institutionnel. Je propose ainsi un régime parlementaire dans lequel le président de la République résoudrait, avec neutralité, les conflits politiques. Il en résulterait un nouvel équilibre, associant légitimité, responsabilité et pouvoir, ce qui est l’aspiration de toute Constitution démocratique, à plus forte raison dans un État à refonder, fragilisé par des coups d’États. Les opposants au régime parlementaire avancent très souvent les risques de l’instabilité gouvernementale et du blocage institutionnel. Cependant, il apparaît comme plus adapté aux aspirations d’émancipation de la société malienne et aiderait certainement au retour d’une partie de ses intellectuels, expatriés pour nombre d’entre eux : ces derniers trouveraient enfin le moyen de participer à l’élaboration d’une pensée politique.
Si les rédacteurs du projet de la nouvelle Constitution et les autorités de la Transition ont bien voulu «
mettre fin aux dysfonctionnements institutionnels », ils n’ont pas d’arguments convaincants pour justifier un changement de régime, ni un changement de Constitution. Or, chacun sait qu’une nouvelle organisation constitutionnelle des pouvoirs en faveur du Président ne suffira pas à modifier le système politique, ni à instaurer la bonne gouvernance, ni à revitaliser la démocratie, ni à permettre la refondation de l’État, car la crise que traverse le Mali vient d’abord de l’inobservance de la Constitution.
Balla CISSÉ, docteur en droit public
Avocat au Barreau de Paris
Diplômé en Administration électorale