Rétrospection : Ançar Dine et Ansar Eddine, l’ange et le démon

Peut 31, 2012 - 07:20
Peut 31, 2012 - 07:39
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Il n’y a pas longtemps, des esprits prévoyants et alertes avaient eu la lumineuse idée de faire la différence entre l’ange et le démon. L’ange : Ançar Dine, une association légalement constituée au Mali depuis plus d’une vingtaine d’années, avec des ramifications dans de nombreux autres pays africains. Guidée par Seid Chérif Ousmane Madani Haïdara, l’association Ançar Dine soutient, aux dires de ses animateurs, les idées et valeurs de l’islam authentique, prêche la tolérance et la paix dans le monde. A l’occasion de fêtes religieuses comme le Maouloud, le guide spirituel de cette association ne peut plus se permettre de faire ses prêches n’importe où, il lui faut des espaces de plus en plus grands pour accuiellir ses fidèles et adeptes de plus en plus nombreux. Aussi, depuis quelques éditions, c’est le stade du 26 mars, plus de cinquante mille places, qu’il choisit pour enseigner les préceptes de l’islam, prêcher la paix et faire des déclarations sur les grandes questions de l’heure. Le démon : Ansar Eddine, un mouvement jihadiste illégalement installé dans le nord du Mali, d’abord dans la région de Kidal et depuis peu dans les autres régions, Tombouctou et Gao, qu’occupent ses troupes. Dirrigé par Iyad Ag Ghali, Ansar Eddine est sorti d’un prosélytisme plus ou moins pacifique, le 17 janvier 2012, aux côtés du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), pour se lancer dans une croisade jihadiste digne des temps anciens et pas si révolus que ça. Ce mouvement ne prêche pas, il s’impose et impose la loi islamique, la charia. Il l’impose par le fouet et le glaive, par la violence verbale et physique. Le mouvement jihadiste est plein de contradictions. D’abord la nature de son fondateur. Iyad Ag Ghali, le chef de la rébellion qui a ensanglanté le nord du Mali au début des années 1990. A la signature d’un accord de paix, en 1996 à Tombouctou, tout le monde a cru Ag Ghali rangé des voitures. Il a alors eu droit à un poste de diplomate en Arabie Saoudite. Du pays le plus symbolique de la religion musulmane au monde, l’ancien ( ?) rebelle a été renvoyé pour deux raisons essentiellement contradictoires : ses accointances avec des milieux salafistes et des islamistes radicaux, les soupçons de trafic de drogue et d’alcool qui pesaient sur lui. Rentré au pays, il a bénéficié de substentiels subsides de la part des autorités qui lui ont permis de se lancer dans d’autres trafics. Dans sa région naturelle, Kidal, il a su mettre en pratique ses maigres connaissances du salafisme acquises en Arabie, recruter parmi la jeunesse pauvre et désoeuvrée, et …servir d’intermédiaire entre les autorités, l’Occident et les revendeurs d’otages occidentaux. Pour beaucoup, c’est à son instigation que de jeunes groupes de Touaregs enlevaient des touristes et humanitaires pour les revendre à Aqmi. Devenu trop dangereux et signalé aux autorités maliennes par les services secrets américains, il a dû prendre le maquis, craignant une volte-face de Koulouba qui lui avait ouvert un parapluie. Réfugié dans les collines du Tegharghar, il est réapparu sur la scène, le fusil à la place du Coran, à la faveur de la création du Mnla et de l’attaque de Ménaka, le 17 janvier. Ensuite la nature de ses alliances. Pour s’imposer dans le nord du Mali et se propager dans le pays, Iyad Ag Ghali, qui parle au nom de l’islam, s’est allié avec des terroristes sans foi ni loi, des trafiquants de drogue et d’otage, des marchands d’armes et de mort, pour l’édification d’une véritable économie criminelle transfrontalière et internationale. Dans le même temps, son mouvement s’est également allié avec d’autres qui eux, pas moins criminels que lui, prônent l’unicité de l’islam et le jihad dans une zone dominée par un islam modéré et tolérant : le Mujao et Boko Haram. Pour en revenir à Ançar Dine et Ansar Eddine, deux mouvements se réclamant tous de l’islam, on peut voir à l’analyse une divergence profonde propre aux différentes voies empruntées par la religion du prophète Mahomet, entre autres soufisme et salafisme. L’antagonisme entre les deux mouvements n’est pas propre au Mali, même pas au Sahel. Il est désormais mondial, mais n’est pas l’objet de cette présente chronique. Laquelle ne s’est saisie de la question que parce qu’une chaine de télévion internationale, la chaine francophone TV5, a fait une terrible et malencontreuse confusion entre l’ange et le démon, montrant l’un pendant qu’il parlait de l’autre. Cette confusion est tellement lamentable que certains se demandent si elle est involontaire. Toujours est-il que ses auteurs s’en sont excusés et ont fait mea culpa, sans effacer le sentiment chez beaucoup de Maliens que cela procède de la volonté des vrais responsables des chaines publiques françaises de service extérieur (dont France 24 et Rfi) d’user volontairement de ce genre d’opportunités pour entretenir la confusion afin de renforcer le lobbying de leurs «petits» protégés que sont les indépendantistes du Mnla et de ternir encore plus l’image des islamistes. Parce qu’en définitive, il est tout de même difficile de s’y tromper, entre ange et démon. Cheick Tandina  

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