Rétrospection : Impuissance communiquée

Juin 21, 2012 - 09:22
Juin 21, 2012 - 09:22
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Le 15 juin 2012, le gouvernement du Martien s’est fendu d’un communiqué dans lequel il affirme avoir été «saisi vendredi 12 juin 2012» de tentatives d’arrestation du directeur général ds douanes et d’un opérateur céréalier par des «individus mal intentionnés  se réclamant des autorités» Le gouvernement, dans son communiqué, prétend n’être associé ni de près ni de loin à «cet acte inadmissible dans un Etat de droit» Il condamne. Et invite les populations à exiger des agresseurs qu’ils s’identifient d’abord. Toute cette rhétorique ferait sourire si elle ne mettait à nu une situation inédite, tragique et dramatique, une situation vécue au quotidien par les habitants de ce pays : les gens vivent en insécurité permanente dans un pays où n’importe quel citoyen, malien ou étranger, peut être enlevé, séquestré et torturé sans aucune raison sérieuse, et sans qu’on ait le courage de situer les vraies responsabilités. Ce communiqué censé informer et rassurer tend à faire penser d’emblée que le gouvernement ne pèse ni ne représente rien, ne contrôle ni ne maîtrise rien. Il est donc impuissant à faire ce que bon nombre de citoyens attendent de lui. Le gouvernement de Cheick Modibo Diarra le reconnait presque d’ailleurs : il y a d’autres autorités que ses membres. C’est bien le gouvernement qui parle de «tentative d’arrestation» que seule peut opérer une autorité mandatée ou habilitée à le faire. Dans tout autre cas, notamment dans celui d’individus non autorisés, il serait mieux indiqué de parler de tentative d’enlèvement.  Qu’ils soient des «individus mal intentionnés», personne n’en doute, mais en plus ils se sont réclamés des autorités. Et tout laisse à penser qu’ils sont des autorités, dont ils portent certains des meilleurs symboles comme les atours et les armes de guerre. Le gouvernement n’est peut-être pas associé à ces tentatives mais il est au courant des cas avérés d’enlèvements réussi puisque, à en croire des voix autorisées, le ministre de la justice a rendu visite aux «pensionnaires» forcés de la forteresse de Kati. Se donner bonne conscience Des membres de la famille judiciaire, et pas des moindres, ont déclaré que des citoyens présumés innocents seraient détenus dans des conditions inhumaines. C’est pourquoi il faut être d’accord avec le gouvernement quand il raconte que ces actes sont inadmissibles dans un Etat de droit. Mais le Mali d’aujourd’hui en est-il ? Non ! Depuis le 22 mars, date à laquelle un président démocratiquement élu a été renversé, le pays tout entier est devenu une zone de non droit dans laquelle ordonner une enquête ne mène à rien. Pour preuve, depuis le 1er avril, les deux tiers du pays sont administrés et gouvernés par la loi islamique instituée par des mouvements jihadistes et terroristes ; le 21 mai dernier, le président de la République, première institution de ce pays, a été sauvagement agressé par une horde de forcenés aux ordres. Dans le cas de l’agression de Dioncounda Traoré comme dans celui des tentatives d’arrestation de Modibo Maïga, directeur général de la douane, et de Modibo Kéita, promoteur du Grand distributeur céréalier du Mali (Gdcm), les enquêtes ordonnées ne serviront pour l’essentiel qu’à endormir la communauté internationale et à se donner bonne conscience. Le gouvernement, en effet, est bien conscient qu’il n’a pas les moyens, même s’il le voulait, ce qui est loin d’être le cas, qu’il ne pourrait mettre hors d’état de nuire que le menu fretin. A l’heure actuelle, avec les hommes et les femmes qui le composent à commencer par le Premier ministre, le gouvernement ne pourrait se résoudre à faire de la pêche au gros pour débusquer les auteurs et commanditaires de toutes les exactions que les populations subissent depuis quelques mois. Il ne pourrait même pas les approcher sachant que pour ce faire il sera aussi dissout que d’autres institutions qui n’existent plus que de nom. Il est vrai que les hommes qui sont lancés sur le terrain pour accomplir ces tentatives d’arrestation inadmissibles dans un Etat de droit ne sont pour la plupart que du menu fretin. Mais c’est tout de même faire preuve du plus extraordinaire cynisme et de la plus grande légèreté de la part des autorités que de demander aux populations d’exiger des documents d’identification à leurs agresseurs. Comme si le gouvernement ne savait pas que ces agresseurs opèrent avec kalach et cagoules pour éventuellement tuer sans laisser la possibilité de se faire identifier plus tard. Et devant des individus pareils, on se soucie plus de ne pas avaler son extrait de naissance que de procéder à une vérification d’identité. Cheick Tandina

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