Sangara Bintou Maïga, présidente de l’association des femmes et parents de bérets rouges disparus : «Haya et son groupe avaient voulu présenter nos enfants comme des soldats tués au front à Konna»

Fév 28, 2014 - 17:45
Fév 28, 2014 - 17:57
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[caption id="attachment_199280" align="aligncenter" width="620"]Sangara Bintou Maïga Sangara Bintou Maïga, présidente de l’association des femmes et parents de bérets rouges disparus[/caption] Silencieuse depuis le début de l’arrestation des militaires membres de l’ex-junte et complices, l’association des parents et épouses de militaires bérets rouges assassinés a tenu dimanche 23 février 2014 une assemblée générale à son siège sis à Faladié. Les membres sont venus de partout pour écouter et prendre certaines informations, le but était d’informer l’opinion nationale et internationale sur certaines réalités de l’affaire des bérets rouges assassinés. Après l’assemblée générale, nous avons échangé avec la présidente de cette association Sangara Bintou Maïga pour qui tous les militaires arrêtés savent pertinemment ce qu’ils ont fait. Elle avoue aussi avoir des informations sur l’enrichissement illicite du général Haya et son entourage, car détenant les images des 9 villas que Haya a achetés à Bamako.     D’entrée de jeu, elle nous a expliqué comment ils ont porté plainte, quand ils ont appris la disparition de leurs enfants et époux. Ce processus a commencé par une déclaration qu’ils ont déposée au niveau du Camp I de Gendarmerie à Bamako. «On nous a dit plusieurs fois qu’ils vont faire des recherches. On a fait beaucoup de va-et-vient», dit-elle. Sans se décourager, les bonnes dames ont persévéré dans leur démarché jusqu’à ce jour où la gendarmerie a enfin décidé de prendre leurs auditions. Ainsi, chacun d’entre eux a pu expliquer ce qu’il sait de la disparition de son enfant ou époux. Selon la présidente, c’est un policier qui a fait ce travail. Lequel doutait après les auditions de la possibilité de retrouver vivants les militaires déclarés disparus. Du moins, à en croire Sangara Bintou Maïga. Elle enchaîne : «C’est après tout cela que les auditions des différents parents ont été transmises au juge d’instruction Yaya Karembé, avec les contacts des victimes».C’est ainsi que, dit-elle, «dès la réception des documents, le juge Yaya Karembé a commencé son travail, à partir des contacts qui se trouvaient sur les différentes auditions, après les avoir appelé un à un». «C’est pour vous dire que ce n’est pas aujourd’hui que le juge Karembé a commencé à écouter les gens ; ça a commencé par nous. Nous avons donné toutes les informations, même si au début on ne comprenait pas trop pourquoi tout ça», avoue-t-elle.     Selon Sangara Bintou Maïga, le juge Karembé travaille sur la base des déclarations de tous les parents de victimes qui ont été écoutés au Camp I. «Le juge n’a rien inventé. Mais nous avons davantage été rassurés par les propos du président de la République qui dit que nul n’est au-dessus de la loi. Nous le félicitons pour cela, qu’il continue de faire son travail et nous sommes avec la justice», déclare-t-elle.     Mais auparavant, le désarroi des femmes des victimes et leurs mamans était tel qu’elles avaient voulu marcher nues dans les rues de Bamako. «On a communiqué avec nos époux et nos enfants, trois jours après, on nous a informés qu’ils sont morts. On était dans le droit de savoir parce qu’entre Bamako et Kati, il ne doit pas y avoir une nouvelle Taoudénit», confie-t-elle. D’après Sangara Bintou Maïga, aucun des militaires interpelés aujourd’hui ne l’est injustement, d’autant qu’ils ce qu’ils ont fait pour mériter aujourd’hui la prison. «On nous a raconté toutes sortes de balivernes, on nous a traités de tout. Ils ont même fait des documents attestant que nos époux et enfants ont été tués lors de l’attaque de Konna, ou lors de la bataille de Tessalit. Mais Dieu merci, nous avons eu toutes ces informations et nous connaissons ceux qui ont signé tous ces faux documents. Leur but, c’était de faire croire aux gens qu’ils sont morts au front, alors qu’ils étaient dans des charniers éparpillés dans les environs de Kati. Ils ont oublié qu’ils ont présenté nos enfants à la télé. Kola Cissé a été présenté à la télé, ça nous avait rassuré parce que pour nous, on ne peut montrer quelqu’un à la télé et le tuer après. Nous avons ces images, nous avons les communications téléphoniques de nos enfants ; nous avons les images des tortures. Nous avons les preuves qu’on les a bandés les yeux avant de les tuer. Nous avons des documents irréfutables contre Haya et son groupe», soutient mordicus Sangara Bintou Maïga. Et d’ajouter : «Nous avons nos preuves, que personne n’accuse le juge Karembé ! C’est nous qui avions demandé que justice soit faite afin que ce qui est arrivé à nos enfants ne se reproduise plus dans notre pays».     Par ailleurs, les parents des victimes et leurs épouses affirment avoir confiance en la justice de notre pays. Mais ils souhaitent que le procès de cette affaire soit organisé afin que ça serve de leçon pour le pays et le monde. Pour les victimes, il faut que le président de la République reste sur sa voie, celle de la vérité et de la justice pour tout le monde. Sangara Bintou Maïga et les membres de son association exhortent IBK à ne pas écouter les hommes politiques qui ont mis ce pays en retard.     Amadou Haya Sanogo a acheté 9 villas en 7 mois Parlant spécifiquement d’Amadou Haya Sanogo, Sangara Bintou Maïga, explique celui-ci, en faisant le coup d’Etat affirmait vouloir mettre le pays sur les rails. «Mais, pour nous, il est venu pour s’enrichir. En  7 mois, il a acheté 9 villas à Bamako. Nous savons où se trouvent les 9 villas ; nous avons les images. Nous sommes dans des familles de militaires, nous connaissons les salaires des militaires. On se demande comment il a eu tout cet argent en si peu de temps. Pour tous les membres du groupe de Haya, nous savons où se trouvent leurs parcelles, villas en chantier et villas terminées», fulmine-t-elle. Aussi croit-elle savoir : «quand tu veux éliminer tout le monde en les mettant dans une grande fosse, réserve t’en une partie, car tu finiras toi-même par les rejoindre». Sangara Bintou Maïga ne décolère pas à l’égard des membres de l’ex-junte : «Dire que ce groupe a traité ATT de tous les mots. Mais on voit et comprend maintenant ce qu’ils voulaient en réalité. Après les bérets, il (Amadou Haya Sanogo) avait commencé à tuer certains de ses proches ; tous ceux qui ne répondaient pas à ses appels étaient torturés et tués. Ce n’est pas un mensonge, les preuves existent aujourd’hui».     Selon la présidente, Sangara Bintou Maïga, «les actes que Haya et son groupe ont posé ne sont pas dignes des Maliens parce que, dit-elle, ce n’est pas humain. Aucun président malien n’a fait comme lui. Des militaires avec de l’eau minérale, de l’alcool à gogo, des femmes et des voitures de luxe avec des dons à gauche et à droite. Ça devrait interpeller tous les Maliens. Haya a tué presque tout son entourage. À ce rythme, si IBK suivait Haya, lui-même n’allait pas échapper à cet homme. Il allait l’induire en erreur. Nous demandons à IBK de suivre son chemin, nous, les femmes, faisons confiance à la justice et à notre pays». KT     [caption id="attachment_199283" align="aligncenter" width="610"]Aminata Diarra Aminata Diarra[/caption] Mlle Aminata Diarra, petite sœur du caporal Malamine Diarra «Blonkoro a voulu me corrompre» «Depuis le 30 avril 2012 nous n’avons plus de nouvelles de notre grand-frère. Il est béret rouge, mais il travaillait au génie militaire. C’est après avoir quitté son travail lors des événements que nous n’avons plus de nouvelles de lui.  Jusqu’à présent, on ne sait pas où il se trouve. Je suis allée plusieurs fois à Kati pour avoir des nouvelles le concernant. Je pouvais aller à Kati trois fois dans la même journée. Une fois, un policier m’a frappée du côté des cellules des détenus à Kati. C’est après qu’on m’a conduite chez Blonkoro Samaké. Ce dernier m’a montré les différentes listes de militaires disparus : il y avait une liste des détenus, une autre des gens qui sont supposés morts au front et la liste des blessés. Sur  aucune des listes ne figurait le nom de mon frère, le caporal Malamine Diarra. Blonkoro Samaké m’a fait tourner en bourrique. Comme mon frère, les 21 disparus n’avaient pas leurs noms sur les différentes listes qu’il m’a montrées. Blonkoro s’est même rendu chez nous pour dire que mon frère avait fuit, sous le prétexte qu’il n’était pas à Kati. Après, il m’a fait plusieurs propositions. Mais j’ai tout refusé même l’argent qu’il me tendait ! Je lui ai dit que ça n’en valait pas la peine. Aujourd’hui les gens disent beaucoup de choses en ville dans l’ignorance totale de la réalité de cette affaire. Ceux qui n’ont pas vécu notre situation ne peuvent pas savoir ce que nous avons subi comme humiliations, menaces de mort et intimidations. C’est pourquoi nous demandons aux autorités de poursuivre cette affaire, d’organiser le procès afin que la réalité éclate au grand jour. Nous encourageons le juge d’instruction à continuer son travail, parce qu’il détient les preuves pour ce faire».   [caption id="attachment_199284" align="aligncenter" width="610"]Madame Diallo Aminata Fall Madame Diallo Aminata Fall[/caption] Madame Diallo Aminata Fall, mère de M’Bouye Diallo «Nous demandons que justice» «J’ai cherché mon enfant partout depuis le début cette affaire. Il est introuvable. Je suis allée chez Amadou Haya Sanogo pour obtenir des nouvelles de mon fils. Ce jour-là,  il m’a demandé comment mon fils avait été arrêté. Je lui ai dit que c’est moi qui l’avais réveillé quand des gens prétendant venir de Kati ont frappé à notre porte. Ils m’ont fait comprendre qu’ils sont des amis de M’Bouye. C’est de la cour que j’ai appelé mon fils, bouilloire en main. Il m’a repris la bouilloire pour aller aux toilettes, c’est en ce moment que moi j’ai ouvert la porte aux militaires de Kati. Ils ont envahi notre maison avant de procéder à l’arrestation de M’Bouye, qui est béret rouge, son frère béret vert ainsi que mon mari. Ils ont libéré par la suite mon mari et mon autre fils qui sont tous deux des bérets verts, mais ils ont gardé M’Bouye. Depuis ce jour, j’ai fait tout pour voir mon fils, sans succès. C’est après que j’ai appris qu’ils les ont exécutés avant de les enterrer dans une fosse commune. Nous demandons aux Maliens de nous comprendre, surtout les femmes, mêmes celles qui n’ont pas d’enfants doivent avoir des enfants d’autrui avec eux. On veut tout simplement savoir ce qui s’est passé. On veut savoir si ce que dit le président IBK : «nul n’est au-dessus de la loi» est une réalité. Pour nous, les gens doivent laisser le juge Karembé faire son travail, parce qu’il nous a écoutés avant les militaires. C’est leur tour qu’ils répondent de leurs actes. Ce sont nous les femmes et mères des victimes qui avions fait nos déclarations et demandé justice à notre pays. Dieu aime le Mali parce que le projet que le groupe des Haya avait pour le Mali n’était pas une bonne chose. L’affaire de nos enfants est une petite partie de ce projet et IBK le sait très bien maintenant, parce qu’il a accès à tous les documents cachés et visibles du Mali. Nous ne demandons que justice».     [caption id="attachment_199285" align="aligncenter" width="610"]Madame Maïga Zenabou Touré Madame Maïga Zenabou Touré[/caption] Madame Maïga Zenabou Touré, mère de Aliou Boncana Maïga «Ils ont présenté mon fils à la télé comme étant un mercenaire» «J’ai quitté Mahina pour venir à Bamako parce que mon fils avait été enlevé et déclaré disparu. Il était béret rouge. Il a été arrêté dans une Sotrama quand il rentrait à la maison. C’était le lendemain du 30 avril 2012. Depuis, on n’a plus de nouvelles de lui. Et pourtant, c’est bien vif qu’il a été conduit au Camp de Kati par des hommes armés. Ils l’ont fait descendre d’une Sotrama en plein jour. Ensuite, il a été présenté à la télé comme mercenaire, on lui tirait par les oreilles en lui demandant de regarder la caméra. Je connais le militaire qui a présenté mon fils comme étant un mercenaire. Lorsque je suis arrivée à Bamako, je suis allée voir Amnesty international, la Croix Rouge, Fatoumata Siré Diakité, Oumou Touré de la Cafo ; de même, je me suis rendue chez les procureurs, les juges, aux camps I et II pour chercher mon enfant. Je me suis rendue à Kati, partout, mais je n’ai eu aucune nouvelle de mon enfant. C’est après que la gendarmerie a pris nos auditions avant de les transmettre au juge Karembé. Pour nous, Karembé ne fait que son travail sur la base des documents que nous avons remis à la gendarmerie. Est-ce que chercher à savoir comment son fils est mort, surtout de cette façon, est un crime ? Nous sommes oui ou non dans un Etat démocratique ? Nous sommes dans des familles de militaires, nous avons l’habitude de pleurer le décès de nos enfants et maris sur les champs de bataille. Mais, nos enfants ne peuvent pas disparaître comme ça entre Kati et le camp para ! Il faut que justice soit faite ! Nous ne demandons que cela.».   [caption id="attachment_199286" align="aligncenter" width="610"]Issiaka Keïta Issiaka Keïta[/caption] Issiaka Keïta, père d’Abdoul Karim Keïta «Haya avait un peloton d’exécution» «Je suis un ancien militaire. Mon fils Abdoul Karim Keïta fait partie des 21 disparus. Je vis à Markala. Le jour des événements, c’est un de mes parents qui m’a appelé de Bamako pour me dire que mon fils sortait à la télé et qu’on le traitait de mercenaire. Il était 5 heures du matin. Je suis venu de ce pas à Bamako. Dès mon arrivée, j’ai été obligé de rester à la maison, parce que la ville était en ébullition. Mais le deuxième, sous les balles, j’étais à Kati. Ce jour, il y avait du monde devant le bureau de Haya. J’ai été conduit par un lieutenant devant le bureau de l’adjudant chef Seyba Diarra. Je me suis présenté en tant qu’ancien militaire ; je lui ai dit que je venais chercher mon fils. Il m’a dit qu’en tant qu’ancien du régiment des commandos parachutistes, que c’est moi qui avais poussé mon enfant à faire de tels actes. En effet, je suis un ancien du camp para, j’y ai fait 20 ans, puis trois ans à Kidal, une année à Tombouctou. Je suis revenu à la Base avant d’aller à la retraite. Mais de là à me rendre responsable de quelque chose que j’ignorais, c’est trop osé ! J’ai continué mes recherches jusqu’au jour où Cheick Modibo Diarra a demandé aux parents des victimes d’aller s’inscrire. C’est ainsi que je me suis allé au camp I, sinon à Kati, Seyba Diarra ne voulait même pas m’entendre parce qu’il avait commencé à m’accuser. Après avoir fait ma déposition au camp I, comme tous les autres parents, je suis resté sans suite. Un jour, j’ai décidé de prendre contact avec un avocat du nom de Karembé qui a son cabinet à Daoudabougou, il travaille à «Avocat sans frontière Mali», afin qu’il puisse m’aider. Surtout que tous ceux qui étaient à Kati ont été par la suite mis à la disposition de la gendarmerie. Mais je n’ai pas pu voir mon enfant, ni parmi les blessés encore moins sur la liste de ceux qui étaient au Camp I. L’avocat Karembé et moi avons été obligés d’aller à Kati pour savoir ce qui s’est passé avec les autres détenus. Dès notre arrivée à Kati, on nous a dit d’aller voir l’adjudant chef Seyba Diarra qui était en réunion. Nous l’avons attendu jusqu’à 14 heures. Après la réunion, il nous a dit qu’ils n’ont plus de détenus à Kati, qu’ils les ont tous mis à la disposition de la gendarmerie. Mais Seyba s’est trahi en disant ceci : «ancien, quelqu’un qui prend un fusil contre toi, si ce n’est pas en démocratie quel sort peut-il lui être réservé ?». Sur le champ, mon avocat lui a demandé de répéter ; il a refusé catégoriquement. Il nous a dit d’aller voir les autorités si on veut savoir le sort des autres détenus. Ce jour, avant de quitter Kati, il y avait un autre avocat qui venait de sortir du bureau de Haya, qui a dit à Karembé, mon avocat, que Haya vient de l’informer de l’existence d’une fosse commune à Diago, mais qu’il était incapable de dire si mon fils s’y trouvait. C’est donc depuis ce jour que j’ai appris l’existence d’une fosse commune. C’était quelques jours après les événements. Nous sommes rentrés à la maison. Par la suite, nous avons tous changé de lieu de logement, parce qu’ils avaient commencé à arrêter les gens qui parlaient trop et ou cherchaient à connaître ce qu’ils ont fait. Après tout cela, j’ai appris que mon fils avait été muté à Sévaré pour rejoindre les troupes maliennes. Ça m’a soulagé un moment, mais en réalité, c’était une manière de noyer le poisson dans l’eau. Mais Dieu ne dort pas : la réalité est connue aujourd’hui avec la découverte des charniers. Nous avons même reçu des documents de répartition de nos enfants dans les différentes unités de compagnie, alors qu’ils avaient été tués. Tout avait été planifié, mais Dieu ne dort pas : la vérité a éclaté. Tous ceux qui ont été arrêtés par le juge Karembé ont posé des actes d’une manière ou d’une autre. Cependant, seul le jugement peut prouver la véracité des actes des uns et des autres. Si certains pensaient que Haya est venu ouvrir les yeux aux Maliens et l’appréciaient pour cela, il faut quand même reconnaître que les actes qu’il a poussés n’ont jamais été posés par un putschiste au Mali. Quand il y a eu la découverte du charnier, ma femme a été hospitalisée 6 fois à la maternité de Markala ; elle ne pouvait pas supporter cela. Haya avait un peloton d’exécution. Aucun militaire n’a fait ce qu’il a fait au Mali, donc, il faut un bon procès pour que cela ne se reproduise plus au Mali».

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