Sanogo et son ego

Octobre 27, 2012 - 06:09
Octobre 27, 2012 - 06:11
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Si le ridicule tuait, il y aurait depuis hier un putschiste galonné de moins ici-bas. La tribune publiée dans les colonnes du Monde par le capitaine malien Amadou Haya Sanogo, « cerveau » du coup d’Etat fatal au pouvoir chancelant du président élu Amadou Toumani Touré,  serait à coup sûr digne de figurer en bonne place dans une anthologie de la vanité humaine. Prétention, cécité, suffisance, tout y est. Si le fils de Ségou mérite le « prix de l’humour politique » -involontaire- pour l’ensemble de son œuvre, une phrase de ce plaidoyer pro domo au lyrisme boursouflé devrait lui valoir un trophée exceptionnel : « ATT a été ce que le Maréchal Pétain a été pour la France de 1940 et je n’ai été pour le Mali que ce que de Gaulle a été pour la France ». On appréciera au passage la touchante humilité de ce « que » surligné par nos soins. Il faut au pompier pyromane de Bamako, dont l’aventurisme précipita la conquête des deux-tiers nord du pays par les séparatistes touaregs, bientôt balayés par leurs « alliés » djihadistes, un culot d’acier pour endosser ainsi la vareuse du Général puis, un peu plus loin -ne mégotons pas- coiffer le légendaire pakol du défunt commandant afghan Ahmad Shah Massoud. Si Sanogo s’enivre de « grandeur » et d’ « honneur », lui qui bafoua l’un et l’autre, lui dont les hommes n’ont jamais défié l’envahisseur islamiste, son pensum trahit au fond une trouille intense : celle de perdre son fauteuil au banquet de l’hypothétique reconquête des territoires perdus. Déjà, il lui a fallu en juin, et à son grand dépit, renoncer au statut « d’ancien chef d’Etat » que les pontes de la Cédéao lui avait octroyé avec une coupable légèreté. A l’heure où se dessinent, fût-ce dans un épais brouillard, les contours d’une opération militaire ouest-africaine, il s’agit pour l’ancien prof d’anglais du prytanée de Kati de sauvegarder une rente de situation et les privilèges qu’elle procure. D’où la mention du rôle primordial -et illusoire au regard de son état de délitement- dévolu à une armée malienne « réarmée moralement ». D’où l’allusion flatteuse aux promesses de François Hollande à circonscrire l’engagement français à un soutien logistique. Si le béret vert saisi par les démons du pouvoir puise l’essentiel de ses références dans l’histoire de l’ancienne puissance coloniale et confie sa prose au fleuron de la presse quotidienne tricolore, c’est bien que son message s’adresse d’abord et avant tout à l’Elysée. Surtout, n’oubliez pas de me garder une place… Puisque l’intéressé invoque avec tant de ferveur les mânes du « Grand Charles », nul doute qu’il méditera plus avant l’exemple de son modèle. Lequel s’exila à Londres, sut s’effacer un temps, ne revint au sommet qu’avec l’onction des urnes, puis se retira en Irlande à l’heure du désaveu de 1969. Orgueilleusement ? Certes. Mais lui, au moins, pouvait éprouver quelque fierté en contemplant son œuvre. Vincent Hugeux (Journal Français L'express)

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