Dans un entretien accordé à VOA Afrique, Salif Keita commente certains titres du dernier album de sa carrière, Un Autre Blanc. Le chanteur-compositeur malien parle également de sa lutte pour la défense des albinos et de la création d'une activité génératrice de revenus pour les femmes au Mali.
Engagé depuis longtemps dans la lutte contre la discrimination envers les personnes atteintes d’albinisme, Salif Keita avait donné, le 17 novembre 2018, un grand concert à Fana au Mali, avec d’autres artistes de renommée mondiale, en hommage à Ramata, une petite fille albinos de 5 ans victime d’un crime rituel.
Fort d’un demi-siècle de carrière, “l’homme à la voix d’or” avait, à cette occasion, annoncé avoir besoin de se reposer. Dans son ultime album, il dénonce la guerre, le radicalisme religieux, entre autres maux de ce monde, et rend hommage à sa mère qui, dit-il, l’a protégé des préjugés et croyances communautaires vis-à-vis de “la différence”.
VOA Afrique: Vous avez annoncé en novembre 2018 que vous alliez cesser d'enregistrer des disques. A cette occasion, vous avez sorti votre dernier album, Un Autre Blanc. Pourquoi cette décision?
Salif Keita: Je n'ai pas dit que je vais cesser d’enregistrer des disques. J’ai dit que je ne ferai plus d'albums. Un album c'est beaucoup de morceaux, 12 morceaux, sinon plus, et je n’ai plus l'énergie de faire ça. Je vais peut-être faire des enregistrements isolés mais pas de disque parce que je crois que j'ai l'âge de la retraite. J'aimerais bien me reposer. Pour faire un album, il faut du temps.
VOA: Vous avez sorti cet album à l'occasion du concert à Fana au Mali, en hommage à cette petite fille de 5 ans, Ramata, qui était albinos et qui a été assassinée. Que retenez-vous de ce concert?
S. Keita: C'était magique, ce concert parce que c'est une leçon qu'on a donnée aux criminels. Il y avait à peu près 60.000 personnes dans le stade et vraiment c'était une réussite. C'était une gifle qu'on a donnée aux criminels, qui croient que la vie s'arrête là. C'était vraiment quelque chose de grandiose.
VOA: Justement, au niveau de l'albinisme, pendant toutes ces années, est ce que vous pensez qu'il y a eu des progrès?
S. Keita: Il y a eu beaucoup de progrès. Les albinos ne s'assumaient pas parce qu'ils ne se fréquentaient pas, ils ne s’aimaient pas. Maintenant, ils se voient, ils se consultent. Ils forment des associations et se battent pour leur cause commune, et ça c'est une grande réussite. D'autre part, les Nations Unies ont voté le 13 juin comme journée de l'albinisme. Donc c’est un grand pas, une chance pour nous ; et dans le monde entier, il y a beaucoup de personnes qui se battent pour rendre la vie paisible aux albinos.
VOA: Mais en ce qui concerne les croyances et les mentalités, pendant une cinquantaine d'années, quel type de progrès avez-vous pu observer? Est-ce que les mentalités ont réellement évolué?
S. Keita: Pour lutter contre la culture, ce n’est pas facile. Il faut avoir de la persévérance. Il faut se donner, il faut avoir le cœur et il faut être convaincu de ce qu'on est en train de faire. Et nous sommes convaincus qu'on va réussir. C'est vrai qu’il y a toujours des assassinats, des sacrifices humains perpétrés sur les albinos. Mais on ne va pas les laisser faire, on va se battre pour que ça cesse. Parce que c'est une culture ; et une culture, ça s'installe pendant des millénaires. On ne peut pas se battre quelques jours et l'effacer. Mais nous sommes sûrs de gagner. On va gagner.
VOA: Les commanditaires, les procès, les jugements dans tout ça… est ce qu'il y en a eu?