Tentative de coup d’Etat : 22 civils et militaires interpellés et des fusils d’assaut découverts chez certains

Avr 20, 2012 - 19:15
Avr 20, 2012 - 18:00
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Ces derniers jours, 22 personnalités civiles et militaires ont été interpellées dans la capitale par la junte militaire. La suite des enquêtes a permis de découvrir des caisses d’armes neuves au domicile de certains, tandis que d’autres ont été arrêtés en 48 heures. Toutes ces  interpellations font suite à des enquêtes menées depuis quelques jours par des structures militaires. [caption id="attachment_61879" align="alignleft" width="310" caption="Keita, DG gendarmerie"][/caption] Il s’agit en effet de 22 personnes : onze civils et politiques, onze militaires, un banquier. Jusque-là, la junte n’a ni donné les noms des personnes arrêtées, ni  fourni des indications sur les conditions de leur détention. Suite à des investigations menées par la junte aux domiciles de certaines de ces personnalités  arrêtées,  des caisses d’armes neuves y ont été découvertes, dont des fusils d’assaut et des chargeurs. Selon le Directeur général de la Gendarmerie, le Colonel Diamou Keïta, ces armes ne font pas partie de la dotation de l’armée régulière. « Nous faisons aujourd’hui face à une nouvelle menace : cette infiltration  d’armes de guerre dans notre pays »,  affirme-t-il. Selon des sources concordantes, plusieurs personnes appréhendées ont été conduites au Camp militaire de Kati, QG (quartier général) du CNRDRE. La plupart de ces personnes interpellées sont considérées comme des proches d’ATT. Parmi elles figurent l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, l’ancien ministre Soumaïla Cissé et le PDG de la Banque malienne de solidarité (BMS), Babali Bah. « Ce n’est pas une chasse aux sorcières et toute la lumière sera faite sur cette affaire. Le dossier sera aussi transmis aux autorités judiciaires compétentes en la matière »,  assure le Colonel Diamou Keïta avant d’informer qu’une commission d’enquête est mise sur pied pour faire toute la lumière sur ce dossier. Avant d’insister. Dans une déclaration à l’issue d’une audience avec le Président intérimaire Dioncounda Traoré, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, a affirmé qu’il allait se renseigner sur les raisons de ces arrestations et tout mettre en œuvre pour éclairer l’opinion. « De toute façon, maintenant, le temps est à la reconstruction de notre Nation. Des institutions seront mises en place, avec les ministères. Tous ceux qui auront des griefs vis-à-vis de quelqu’un pourront à ce moment passer par les voies légales », ajoute-t-il. Le mercredi dernier, le ministre burkinabè des Affaires étrangères et représentant de la médiation ouest-africaine pour la crise malienne, Djibril Bassolé, a rencontré le chef des putschistes, le Capitaine Amadou Haya Sanogo, pour aborder avec lui les préoccupations sécuritaires de l’heure, dont ces interpellations. « Le Capitaine nous a expliqué les motivations profondes pour lesquelles un certain nombre de dispositions préventives avaient été prises. Mais nous avons souhaité que tout cela se fasse évidemment dans un cadre républicain », indique Djibril Bassolé, sans plus de détails, notamment sur ces motivations et dispositions préventives. La junte malienne : un Etat dans l’Etat ? Quinze jours, c’est le temps qu’aura duré le règne de la junte militaire qui a renversé le Président ATT le 22 mars. Pris en tenailles par les sanctions et les pressions de la CEDEAO, les putschistes avaient été contraints de se dégonfler et de renoncer au pouvoir. Ce qui a permis d’enclencher les procédures constitutionnelles en matière de vacance du pouvoir. Ainsi, Dioncounda Traoré a été investi Président de la République, et une amnistie générale a été accordée aux militaires. Les pourparlers maliens se sont tenus à Ouagadougou pour mieux gérer la Transition. Alors que le Président Dioncounda venait de nommer « l’oiseau rare » en la personne de Cheick Modibo Diarra, le fameux Premier ministre de consensus doté de pleins pouvoirs,  les putschistes viennent de procéder à une série d’arrestations de personnalités politiques, civiles et militaires. Tout en faisant la « nique » aux institutions républicaines, la junte rappelle à tous ceux qui semblaient l’oublier que malgré le retour à l’ordre constitutionnel, elle reste le véritable Capitaine à bord du navire Mali. Du coup, cette situation pose avec acuité la question la place des putschistes dans le nouveau dispositif du pouvoir exécutif. Si on est vraiment revenu à un ordre constitutionnel, ces militaires ne peuvent en aucun cas décider de leur propre chef d’arrêter des gens et de les « embastiller ». Le bicéphalisme de fait qui a cours au sommet de l’Etat porte en lui-même les germes d’éventuelles avaries de la période de Transition qui vient de commencer. Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant de voir un jour les mutins de Kati reprendre carrément le pouvoir. Jusqu’à présent, on a le sentiment que rien n’est réglé en réalité, même après la signature de l’Accord-cadre entre la CEDEAO et le CNRDRE pour un retour à l’ordre constitutionnel. En fait, on n’a fait que  « pondre » un papier rien que pour contenter tout le monde. Mais à l’épreuve du terrain, cet Accord ne marche pas.  La preuve : au lieu de retourner dans les casernes et d’obéir aux ordres du pouvoir Exécutif,  la junte entend plutôt jouer au « veilleur » et au « guide » de cette période de Transition. [caption id="attachment_61880" align="alignleft" width="310" caption="Lesarmes retrouvées"][/caption] Aussi doit-on légitiment se demander pourquoi, lors des négociations, on n’a pas eu le courage de dissoudre le CNRDRE. Il faut convenir qu’un tel accord « goupillé » en si peu de temps ne peut pas tout régler car il contient bien d’omissions et de non dits. Il faut donc forcément des accords additionnels pour parfaire le premier accord et faire avancer les choses. C’est pourquoi il aurait fallu prévoir un cadre permanent de concertations qui pourrait justement permettre de « polir les aspérités » de l’Accord-cadre. Reste à espérer que les médiateurs de la CEDEAO sauront convaincre la junte qu’elle n’a plus de rôle politique à jouer et que sa place est dans les casernes. Tant que cette vérité n’est pas assenée aux putschistes, il faut craindre qu’ils ne continuent de jouer aux « Django » de la République avec de graves risques  de retour à l’Etat exception. Les 40 jours de la Transition sont déjà entamés, et il ne reste pas plus d’un mois. Il urge donc de trouver un mécanisme pour la poursuite de cette Transition aux multiples défis. Le Président Dioncounda Traoré, qui s’est borné à indiquer qu’il n’était pas au courant des arrestations, n’a publiquement rien entrepris non plus pour que les « embastillés » de Kati recouvrent leur liberté. Pourtant, le Chef de l’Etat intérimaire a intérêt à vite prendre toutes ses responsabilités, sinon sa crédibilité et celle de son Premier ministre seront écornées, et le peuple malien, qui tangue aujourd’hui entre l’Etat de droit et l’Etat d’exception, sera bien contraint de jouer au « dindon de la farce » démocratique. Jean Pierre James   Des femmes s’expriment à propos des arrestations  Il a quelques jours, le CNRDRE a procédé à des arrestations de personnalités civiles, politiques et militaires. Votre rubrique « Parole aux femmes » a donné   justement la parole à des femmes pour qu’elles s’expriment sur la question. Mme Ascofaré Oulématou Tamboura, député à l’Assemblée nationale et  vice-présidente du FDR : Dans un Etat démocratique, procéder à de telles arrestations, ce n’est pas normal. Il faudrait qu’on puisse se retrouver à la marche normale dans une République démocratique. On ne peut pas procéder à des arrestations de manière illégale, il y a une procédure qu’il faut respecter. C’est inquiétant parce que dans tout pays démocratique, on doit pouvoir s’exprimer librement et vaquer librement à ses occupations. Celui qui est en porte-à-faux avec la justice ou celui à qui on reproche des choses, il y a des voies normales et une justice est là qu’il faut respecter. Cela fait vingt ans qu’on n’est pas rentré dans ces pratiques. Il est important qu’on puisse continuer comme dans un Etat de droit. Au niveau du Front, nous condamnons ces arrestations et nous disons que ce n’est pas acceptable,  qu’il est souhaitable que ces personnalités soient remises en liberté dans les meilleurs délais. Il faut que chacun sache aujourd’hui que le Mali va mal. C’est vraiment un cri de cœur. Que nous soyons des  militaires, de la société civile ou des politiques, nous sommes tous des Maliens. Il est important que nous pensions au Mali d’abord. Le  Mali avant tout. -Pr. Rokia Sanogo, femme politique :            Pour ces arrestations, nous sommes à la recherche d’informations pour avoir plus de précision. C’est une procédure qui commence. Si on voit que le pays est en danger, il est important de privilégier l’intégrité nationale, la sécurité des personnes et de leurs biens. Si quelqu’un a commis des actes qui vont à l’encontre de ceux-ci, il doit  répondre de ces actes. Ce qu’on a vu à la télévision, si cela s’avère vrai, on ne veut pas d’impunité, les auteurs doivent répondre de leurs actes. C’est une situation qui relève d’une compétence juridique. On va laisser la justice faire son travail. -Mme Daou Oumou Dembélé, porte-parole du Cadre de concertation des femmes des partis politiques :         J’ai appris ces arrestations à la télévision. Je ne peux rien dire là-dessus car je ne connais pas les motifs de ces arrestations. Par contre, avec la situation actuelle du Nord, je pense que la priorité doit être axée sur là-bas. Aujourd’hui, le pays est dans une situation chaotique. On ne sait pas quoi faire. Je propose le dialogue. C’est le dialogue qui a partout été un atout pour le Mali. En plus, notre pays est connu pour sa médiation. Nous ne demandons pas la guerre car cela n’arrange personne. Il ne faut jamais aller directement aux armes, il faut toujours négocier d’abord. Il faut se mettre sur la table et discuter sérieusement afin de trouver une solution de sortie de crise. Le Nord n’est pas seulement l’affaire des Nordistes, c’est l’affaire de tous les Malien. Pour faire face au problème du Nord, il faut essayer de savoir traiter la problématique dans son contexte. Il faut que tout le monde s’y mette en restant solidaire. On va prier Dieu pour que la paix revienne rapidement dans notre pays et surtout au Nord. Il faut que les gens sachent que le Mali ne sera jamais divisée, quoi qu’il arrive. -Mme Bocoum Salimata Ouattara, citoyenne malienne : Le premier sentiment qui m’a animé, c’était un sentiment de peur et d’inquiétude. Ce que j’ai entendu en premier lieu, ce que j’appelle rumeurs moquettes parce que je n’ai pas appris cela de la bouche des auteurs de ces arrestations  ni des gens arrêtés. Tout cela a fait mal de telle sorte que j’ai dit qu’on était dans une jungle. Je ne peux pas comprendre qu’au Mali, pays de paix et de grande famille, on peut avoir de tels comportements ou habitudes. Je suis bouleversée. Ce qui m’a encore fait peur, ce sont des arsenaux de guerre que j’ai vus à la télé détenus par des fils du pays qui allaient être utilisés contre d’autres fils du même pays quand les élections allaient se passer autrement. Je me suis dit du coup qu’il faut avoir le courage de faire des analyses objectives au lieu de sortir des analyses creuses et partisanes.  Egalité devant la loi pour tout le monde. Dans les rapports humains, il y a des interdits qu’il ne faut pas faire. La loi est là pour veiller sur ces interdits. Comme cela a été dit et vu à la télévision, si cela s’avère vrai, les auteurs vont répondre de leurs actes. En tant que malienne, cela me fait mal de voir de pareils comportements parce que le pouvoir ne s’arrache pas par des armes : c’est Dieu qui le donne. Je pense qu’une bouche mieux autorisée dans les jours à venir édifiera la population malienne. Pour le moment, nous allons nous limiter à ces commentaires qui circulent et qui ne sont peut être pas fondés. Ce qui est à retenir, c’est que nul n’est au dessus de la loi. Pour une sortie de crise, la première chose que je propose aux Maliens, c’est le courage de se dire en face la vérité car le mensonge ne nous amènera pas loin. Il faut qu’on se donne la main dans l’honnêteté et dans la franchise, qu’on sorte des discours politiques et creux. Même si on attend l’aide de la CEDEAO, il faut qu’elle vienne trouver que nous avons d’abord pris les devants. Je demande à tous les Maliens, jusqu’au fin fond du Mali, d’intervenir à sa manière, surtout les marabouts.  En plus, je demande à tout le monde d’accompagner notre armée que nous savons tous qu’elle  avait des problèmes et formation et d’armement. Je demande aussi aux hommes politiques, je sais que le pays ne peut pas se passer de la politique. Pour le problème du Nord, je veux qu’on quitte les motions de soutien  pour agir par les actes. Je sais que Dieu va nous assister parce que c’est un problème de nation. Nous avons injustement abusé. L’heure n’est pas d’accuser X ou Y, éteignons d’abord le feu qui brûle et acceptons de nous donner la main dans l’honnêteté. Dans l’union la réussite et la victoire sont possible. Ce qui arrive au Mali, c’est une honte.  Notre pays est connu par sa grandeur. Je crois que le Capitaine Sanogo n’a pas quitté sa ligne de conduite. Ce sont les Maliens et surtout nos leaders qui sont  en train de le distraire dans les futilités, les questions de place, la gestion du pays, alors que la priorité reste le Nord. -Membre de MP 22, anonyme :            Les arrestations ? Je crois qu’on est dans un pays de droit. On ne peut pas se permettre d’arrêter quelqu’un sans motif et sans raison valable. Si on arrête quelqu’un, il y a une justice dans notre pays. Chaque fois qu’on procède à une arrestation, la justice est informée et il y a des délais à respecter. Si la justice n’a pas opiné et n’a pas donné de contre, c’est que ces arrestations sont normales et rentrent dans le cadre de la légalité. -Mme Safi Touré, ressortissante de Gao :       La priorité doit être accentuée sur le Nord. Les arrestations sont secondaires. Après avoir résolu le problème du Nord, nous verrons. Nous sommes là. Ce n’est pas le moment de régler les comptes des gens qui ont fait de mauvaises gestions. Si tout le monde se concentrait sur le Nord, il y aura rapidement une solution. Mais au lieu de cela, chacun ne pense qu’à ses propres intérêts. Donnons-nous la main pour que la paix revienne rapidement dans notre pays en général et dans le Nord en particulier. Pour ce faire, tout le monde doit s’impliquer. Propos recueillis par Salimata Fofana

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