Thomas Boni Yayi : « Ce qui se passe au Mali concerne toute la communauté internationale »

Peut 31, 2012 - 10:53
Peut 31, 2012 - 10:53
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[caption id="attachment_70345" align="alignleft" width="350" caption="Le président en exercice de l'Union africaine, Thomas Boni Yayi, reçu par François Hollande à l'Elysée le 29 mai. REUTERS"][/caption] Au terme de sa visite officielle à Paris, le président en exercice de l'Union africaine a répondu aux questions de RFI. Selon Thomas Boni Yayi, le dialogue est primordial au Mali, mais ne doit pas s'éterniser, afin que l'ordre constitutionnel soit rétabli. Le leader africain évoque la possibilité d'une force mixte de l'Union africaine appuyée par les Nations unies, calquée sur le modèle somalien pour lutter contre le fléau terroriste.
RFI : Face à la sécession du Nord Mali, est-ce que le dialogue peut suffire ? Thomas Boni Yayi : Pour moi, c’est une manière de nous dire que vous comprenez nos appréhensions, nos inquiétudes, et que nos inquiétudes s’accumulent. Il y a trois chantiers. Premier chantier, le renforcement de l’ordre constitutionnel en cours. Qu’on me donne l’occasion de remercier le président burkinabè Blaise Compaoré, le facilitateur, et le président ivoirien Alassane Ouattara qui est le président de la Conférence des chefs d’Etat et du gouvernement, membres de la Cédéao [Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, ndlr]. Ces instances et hautes autorités sont appuyées par l’Union africaine qui travaille sur ce chantier. Notre vœu à tous est le renforcement de l’ordre constitutionnel à Bamako. RFI : Et la junte ? T.B.Y. : Naturellement quand je parle de l’ordre constitutionnel, c'est que pour nous la junte doit retourner dans les casernes. Je crois que notre fermeté est claire, la junte doit retourner dans les casernes. Le président de transition Dioncounda Traoré est le président qui doit naturellement gérer la transition pour une durée d’un an comme cela a été décidé et le Premier ministre doit pouvoir s’en tenir à ses fonctions constitutionnelles. Le deuxième chantier, c’est la restauration de l’intégrité territoriale du Mali. Ce n’est pas négociable. Troisième chantier : nous croyons à la tolérance religieuse. La République malienne est une République laïque. Aucune minorité quelle que soit sa nature ne peut décider en lieu et place du peuple malien. C’est pourquoi nous estimons que les manœuvres, qui se font aujourd’hui au niveau des trois mouvements rebelles – le MNLA [Mouvement national de libération de l'Azawad], Ansar Dine et Aqmi [al-Qaïda au Maghreb islamique] -, sont des manœuvres inacceptables ! Nous ne soutenons pas leur comportement. Nous avons le sentiment qu’ils se comportent comme des mouvements terroristes. RFI : On ne peut pas négocier avec eux ? T.B.Y. : Le continent africain est un continent de dialogue. La sagesse africaine, les personnalités sont nombreuses à dire qu’il faut entreprendre le dialogue, même au niveau de la classe politique malienne. Nous ne pouvons pas l’exclure. Mais au stade où se trouve ce dossier, nous avons le sentiment que la situation est suffisamment grave pour que nous puissions passer à une autre phase. Le dialogue ne doit pas durer aussi longtemps parce que la laïcité de la République malienne doit être respectée. RFI : Il ne faut pas que ça s’éternise ? T.B.Y. : Il ne faut pas que cela s’éternise. J’ai peur que ce qui se passe au Mali ne soit assimilé à ce qui se passe en Afghanistan, c’est-à-dire le terrorisme sous toutes ses formes. La criminalité, la circulation des armes lourdes, légères de toute sorte, la drogue, les stupéfiants, etc… Autant d’éléments qui nous inquiètent énormément et qui font que, tout en soulignant ce que la Cédéao et le médiateur ont fait jusque-là, le moment est venu pour que l’Union africaine s’implique davantage. Car ce phénomène concerne également les « pays du champ » tels que l’Algérie, la Mauritanie, le Tchad, la Libye elle-même pourquoi pas, et que les structures appropriées de l’Union africaine, telles que le Conseil de paix et de sécurité, puissent naturellement maintenant accomplir leur mission en direction du Conseil de sécurité des Nations unies, et que toutes les actions de ce type soient traitées comme d’habitude. Le Conseil de sécurité est habitué à prendre en charge des dossiers de ce genre : l'Amisom, la Force de l'Union africaine en Somalie, etc…Que nous puissions trouver une solution tout en permettant à l’Afrique une meilleure maîtrise de la gestion du dossier, mais que nous ayons l’appui, la logistique, l’assistance de toute sorte, des Nations unies, parce que cette question là concerne la communauté internationale. RFI : Vous parlez de l’Amisom en Somalie, c’est une force africaine avec l’appui de l’ONU. Est-ce que ce modèle pourrait servir pour le Nord Mali ? T.B.Y. : Les négociations sont en cours. Les consultations sont en cours. La forme appropriée sera trouvée. L’essentiel est que nous puissions aller vite et que le dossier ne s’éternise pas parce que la question du terrorisme est une question extrêmement grave. Aucun de nos pays ne peut y échapper. Je continue de dire que ce qui se passe au Mali n’est pas que malien, ne concerne pas les Maliens uniquement. Il faut que le peuple malien le sache. J’aime beaucoup ce peuple, je l’adore. Et je crois qu’en réalité, le peuple malien doit comprendre qu’il a déjà de belles stabilités et c’est un problème qui concerne la sous-région, le continent, la France, l’Europe et le monde. RFI : Dernière question : est-ce que vous ne craignez pas un veto des Russes et des Chinois ? T.B.Y. : Je n’y crois pas parce qu’il y a la question de l’intégrité territoriale, doublée du péril terroriste qui n’a pas besoin de la paix et de la tolérance, qui n’a pas besoin de l’amitié. C’est dans ce cadre là que le président de la République française, mon cher ami François, m’a rassuré et a dit, « vous avez suffisamment raison, nous recevons votre SOS et le cri de cœur que vous lancez. La République française vous recommande de saisir le Conseil de sécurité. Elle jouera sa partition dès lors que le Conseil de sécurité décide d’une quelconque action ». Et de ce point de vue, l’étude que j’en fais, c’est que la France saura ouvrir des discussions, des concertations, en direction des autres membres permanents du Conseil de sécurité pour que le peuple malien soit soulagé et que la sous-région, le continent et le monde soient également soulagés.   RFI / 31 mai 2012

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