Parmi les textes majeurs attendus lors de l'actuelle session extraordinaire de l'Assemblée nationale se trouve le projet de loi portant prévention et répression de l'enrichissement illicite. Ce texte, initié par le bouillant ministre de la Justice, Mohamed Ali Bathily, durcit le régime des sanctions contre tout enrichissement suspect d'un agent public. Lequel doit désormais apporter la preuve du caractère licite de sa fortune.
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Ministre malien de la Justice, Garde des sceaux, M.Mohamed Ali Bathily[/caption]
D'abord, il faut signaler que ce projet de loi s'inscrit en droite ligne des directives de l'UEMOA relatives à la transparence dans la gestion des finances publiques, de la convention de l'UA sur la prévention et la lutte contre la corruption et de la convention des Nations unies sur la corruption et la délinquance financière. Il faut noter qu’il y a une loi de 1982 qui réprime l’enricissement illicite. Elle sera renforcer par le texte en chantier.
Pour mieux traquer les citoyens que certains ont qualifiés de "
milliardaires de la démocratie", le nouveau texte étend la liste des personnes soumises à l'obligation de déclaration des biens à certaines catégories d'agents publics ou de responsables politiques et ce, pour marquer un souci de conformité à la lettre et à l'esprit des conventions internationales.
L'obligation de déclarer ses biens plus étendue
Au terme de l'article 8 du projet de loi, sont assujettis à l'obligation de déclarer leurs biens les présidents et chefs des institutions de la République, les personnes ayant rang de ministres, le Vérificateur général, le Médiateur de la République, les gouverneurs, ambassadeurs et consuls généraux, les préfets et sous-préfets, les élus nationaux et locaux, les directeurs nationaux ou généraux des services et entreprises publiques, les directeurs des finances et du matériel des départements ministériels et des institutions républicaines, les premiers responsables des autorités ou institutions de régulation sectorielle, les chefs des juridictions et parquets, etc. L'article 9 précise qu'avant leur entrée en fonction ces personnes sont tenues de "
produire, sur l'honneur, à l'attention du président de la Cour suprême, une déclaration de leurs biens, à actualiser par l'intéressé à la fin de chaque année d'exercice budgétaire, au plus tard le 31 décembre ".
Selon les juristes ayant pris part à l'élaboration du texte, "
l'enrichissement illicite a été correctionnalisé pour plus d'efficacité et de diligence dans la gestion et le traitement des procédures. Cette option est aussi conforme aux standards internationaux en matière de délinquance économique et financière". Il faut ajouter que les personnes assujetties à la déclaration de biens, qui s'y refusent ou s'abstiennent de le faire s'exposent à des sanctions allant jusqu'à la révocation ou la déchéance immédiate.
Des sanctions assez exemplaires
Par ailleurs, les faits d'enrichissement illicite ressortissent, en ce qui concerne les poursuites et l'instruction, à la compétence des pôles économiques et financiers. Les jugements relèvent des juridictions pénales de droit commun. Comme IBK l'annonçait le 4 septembre 2013 lors de sa cérémonie de prestation de serment, le législateur ne veut plus laisser
"personne s'enrichir indûment sur le dos du peuple malien". C'est en écho à cette sentence que le texte prévoit des peines drastiques pour des cas d'enrichissements indus. L'article 37 dispose :
"Lorsque la valeur des biens jugés illicites est inférieure ou égale à 50 000 000 de nos francs, la peine sera de 1 à 3 ans d'emprisonnement et d'une amende égale à ladite valeur. Lorsque la valeur des biens jugés illicites est supérieure à 50 000 000 de francs, la peine sera de 3 à 5 ans d'emprisonnement et d'une amende égale au double de la valeur desdits biens". Sans oublier que les complices aussi encourent les mêmes peines que l'auteur principal.
Certains experts insistent sur d'autres aspects de ce projet de texte : les sursis aux peines d'emprisonnement ne peuvent être prononcés que lorsque le montant détourné est intégralement remboursé. En plus la personne physique poursuivie pour enrichissement illicite peut voir ses biens confisqués, interdite d'exercer l'activité à l'occasion de laquelle elle s'est frauduleusement enrichie, privée de droits politiques ne pouvant excéder dix ans.
Comme on le voit c'est une véritable chasse aux biens mal acquis que le Mali veut livrer aux fossoyeurs de l'économie nationale.
Bruno D SEBEDJI