Alors que les États-Unis ou le Royaume-Uni ont réalisé que leurs minorités ethniques mouraient davantage du Covid-19, la France s’interdit de faire “ce genre d’évaluation” : selon le Washington Post, elle rejette “toute attention portée à la question raciale”, même pour lutter contre les discriminations.
La France doit-elle briser le tabou sur les statistiques ethniques ? Selon le Washington Post, la question mérite d’être posée. Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement français, a mis les pieds dans le plat en demandant de rouvrir le débat “de manière apaisée” dans une tribune publiée par Le Monde le 13 juin dernier, et le quotidien américain considère que “l’aversion de la France” pour la collecte de données ethniques “affecte sa réponse à la pandémie”.
Selon le Washington Post, les “communautés pauvres et multiraciales” qui vivent au nord de Paris ont été “particulièrement touchées par le Covid-19”, le département de la Seine-Saint-Denis ayant notamment enregistré une augmentation de 120 % du nombre de décès par rapport à l’an dernier.
Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni ont réalisé que leurs minorités ethniques “mouraient de façon disproportionnée du Covid-19”, la France “s’interdit de faire ce genre d’évaluation”. D’après le quotidien de la capitale américaine, certains observateurs y voient une “négligence” car cela pourrait limiter la capacité du pays “à identifier et protéger les populations vulnérables, en particulier dans l’éventualité d’une deuxième vague de la pandémie”.
Le Washington Post relève que la classe politique française “a tendance à rejeter toute attention portée à la question raciale”, même au service de la lutte contre les discriminations. Mais le meurtre de George Floyd aux États-Unis et la “migration des manifestations Black Lives Matter vers la France” ont déclenché des appels pour que la société française reconnaisse “l’omniprésence des discriminations raciales”.*“Moi, je rêve de statistiques ethniques. Nous avons peur de la réalité”, a ainsi déclaré au quotidienKarim Allouache, conseiller municipal à Bondy. Jennifer Kauffmann, médecin urgentiste à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, a pour sa part expliqué que l’absence de statistiques signifiait que “les stratégies de dépistage pourraient ne pas être axées sur les bons groupes”.
Paradoxalement, les chercheurs français affirment même que certaines statistiques existent en France “même si elles ne sont pas souvent rendues publiques”. Le Washington Post cite ainsi l’enquête EpiCOV, lancée auprès de plus de 150 000 personnes en mai, qui cherche à mesurer la prévalence des anticorps du coronavirus et comprend des questions sur la “trajectoire des migrants”.
L’Insee a par ailleurs été autorisée à “traiter l’ethnicité de manière indirecte” : les chercheurs peuvent demander aux personnes qui participent à leurs enquêtes leur nom, leur origine géographique ou s’ils ont une double nationalité. Comme l’a confié au quotidien américain François Héran, président du jury scientifique d’EpiCOV, “les instruments sont tous là, mais nous ne les utilisons pas suffisamment”.
Source: courrierinternational.com - Publié le