Après un long silence qui a laissé la place aux supputations les plus mensongères le capitaine Amadou Haya Sanogo a fait une incursion remarquée dans les foyers par la magie du petit écran. Avec un langage simple et clair, dans un style empreint à la fois de courtoisie et de fermeté, il a mis fin aux rumeurs et conjectures. Désormais, après sa sortie, on en sait un peu plus: il n’y a pas de brouillard entre lui et les autorités civiles du pays; l’armée ira bel et bien au nord du Mali pour récupérer les territoires occupés par les groupes armés ; il ne saurait y avoir de divergences au sein de l’armée. Quant aux forces de la Cédéao, elles sont les bienvenues mais…
C’est dans un langage tant courtois que militaire que le capitaine Amadou Haya Sanogo a captivé son auditoire, lundi soir à la télévision nationale. Aucun de ses mots n’est passé inaperçu et les raisonnements les plus moraux d’une armée qui se veut républicaine, au service des Maliennes et Maliens, il les a étalés. En réplique aux multiples incompréhensions, il a fait savoir que l’engagement de l’armée face au défi de la libération des régions du Nord et de la lutte contre le terrorisme répond à celle des autorités de transition.
Le Mali est actuellement en guerre, une situation exceptionnelle qui produit un malaise des populations : c’est un terrain fertile pour les spéculateurs de toute sorte et les rumeurs sont amplifiées à souhait. Certains se complaisent à maintenir inutilement le pays dans une psychose de terreur injustifiée.
Mais une chose est certaine: en cette période de guerre, l’armée malienne vient logiquement au-devant de la scène. Il est clair que c’est elle qui est le fer de lance de cette belligérance pour libérer la partie du territoire occupée par les envahisseurs. Elle sera le pivot d’exécution de la stratégie qui sera adoptée. La lettre du président Dioncounda Traoré à la Cédéao l’a réaffirmé. C’est dans cette directive que le discours du capitaine Amadou Haya Sanogo à la télévision nationale atteste l’entendement de l’armée malienne. Les propos du capitaine montrent aux uns et aux autres, au moins pour une fois, une armée docile auprès de l’Etat et dont les jeux sont explicitement visibles. En effet, le capitaine Sanogo estime que c’est en demeurant le premier guerrier de ce pays que l’armée malienne parviendra à l’aboutissement de la mission de défense de l’intégrité territoriale qui lui est assignée.
De son point de vue, le patriotisme qui guide les autorités de transition à demander l’aide de la Cédéao est d’autant plus grand que celui qui les amène à mettre au devant de la scène l’armée malienne dans sa mission prioritaire: la libération des régions du Nord. C’est uniquement pour cette fin supérieure, et à nul autre égard, que le président Dioncounda Traoré demande à la Cédéao d’assister le Mali à renforcer les capacités de ses forces armées. Par la suite, ce doit être le patriotisme qui régit l’armée malienne en lui assignant un but plus élevé que celui, si banal, du maintien de la paix contenue. On décode dans les propos du président de l’ex-Cnrdre la mise en relief du caractère républicain que la chronologie des évènements bouleversants a imposé à l’armée malienne. En effet, les faits poignants ont considérablement inspiré notre armée, qui se doit d’être républicaine, si l’on s’en tient aux dires du capitaine Sanogo.
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Le Captaine Sanogo[/caption]
L’armée républicaine que le capitaine Sanogo a exposée, lundi à la télé, est sans doute celle qui est prête à être reformée, être équipée et à se mettre à la tâche. Elle est aussi celle qui assiste et se fait consulter par les autorités de transition, pour des questions précises, sans pour autant tâcher l’ordre constitutionnel. Ces propos peuvent même contenir une dimension de ménagement et d’atténuation de la tension froide qui règne à Kati et qui s’étend jusqu’à Bamako. En revanche, si l’on prend ces paroles telles qu’elles ont été prononcées, elles sont vraies à condition qu’une telle armée républicaine, à laquelle il fait allusion, se plie aux caprices de cette guerre inédite qui dépasse les évidences du Mali. Aussi, ses paroles sont crédibles, une fois que l’armée accepte de s’aligner derrière les ordonnances du pouvoir, à long terme. Une semblable armée, si jamais elle devait exister au Mali, devra constituer une exception à la règle générale des armées des Etats membres de la Cédéao.
Rappelons qu’en débarrassant du plancher un régime décrié et avec lequel il n’y avait aucun espoir de venir à bout des ennemis du Mali, l’armée a fait preuve de patriotisme. En rajouter, au point de se retrouver au banc des accusés, en lieu et place du régime chassé, serait dommage pour ces jeunes officiers sur qui le Mali peut encore compter à l’avenir. C’est ce discours que doivent comprendre ceux qui pensent qu’il faut encore jouer aux durs en s’opposant à toute possibilité de rapprochement avec la classe politique et les tenants du pouvoir civil. Autre temps, autre méthode !
En somme, la morale que l’on doit retenir de cette intervention à la télévision du capitaine Sanogo, c’est que la cohérence grandit l’homme. Elle est même capable d’encoller des lézardes de l’histoire. Et cette histoire notera, quand même, que le capitaine Sanogo qui a «putsché», dérangé, a su, malgré tout et au moment où la confusion est grandissante, remonter le moral des troupes, faire des concessions et communiquer. Tout cela nous ramène vers cette pensée de Montaigne: «Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition». Cette preuve de grandeur dont le capitaine Sanogo fait preuve peut être la pièce maîtresse de la résolution de la crise malienne, dans le sens où elle subordonne l’armée au pouvoir civil, ce qui fortifie le Mali. Et une nation forte qui va en guerre est sûre de gagner.
Rokia DIABATE