ATT 9 ans après: Vers une fin de règne peu glorieuse?

Juin 8, 2011 - 18:30
Juin 8, 2011 - 18:30
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Investi à la magistrature suprême le 8 juin 2002, le Président de la République, Amadou Toumani Touré, a, au début de son premier quinquennat, prôné la gouvernance partagée et le consensus, vite transformés en unanimisme politique. Toutes choses qui avaient suscité un certain espoir. Mais, voilà qu'à exactement un an de la fin de son deuxième mandant, il multiplie des actions coup de poing, hésite pour les prochaines élections entre RAVEC et RACE, lutte contre la corruption de façon «sélective»... Bref, la fin de ses dix ans à la tête du Mali est en train de tourner lentement, mais sûrement, au vinaigre.

Le samedi, 8 juin 2002, à 11 heures 43 minutes, dans la salle archicomble du Palais des Congrès de Bamako (actuel CICB), Amadou Toumani Touré est investi par la Cour Suprême dans ses fonctions de Président de la République. Dans son premier discours en tant que Chef de l’Etat, ATT  proposera aux Maliens de «partager avec lui une vision d’un pays réconcilié avec lui-même, uni et démocratique, fièrement enraciné dans sa riche culture millénaire, celle d’une société en bonne santé physique et morale, vivant en parfaite intelligence avec ses voisins, une société productive et solidaire, résolument tournée vers le progrès et la paix, ouverte sur l’Afrique et le monde».

Et pour cela, il mettra les bouchées doubles. Surtout dans le laisser aller. Des associations non identifiées, comme le Mouvement Citoyen, se réclament du Président ATT? ATT, lui, fait semblant de les ignorer, mais cautionne leurs actions quand même. En public, il dénonce le trafic d’influence. Dans les coulisses, c’est une autre musique qui se joue.

Bon an mal an, le navire Mali reste stable. Pour trouver des solutions aux crises scolaires, du Nord et des travailleurs, ATT ira jusqu’à pactiser avec le Diable. «Pour sauvegarder la paix et la quiétude au Mali» répétera-t-il sans cesse. Dans les dossiers les plus sulfureux, ATT prônera toujours le dialogue, l’entente et le règlement à l’amiable. C’est sous son magistère qu’on a enregistré une procédure judiciaire qui a permis à certains opérateurs économiques, inculpés pour malversations financières, de rester en liberté et d’éponger leurs dettes en catimini. D’autres encore ont vu leur dossiers classés sans suite. On ne citera pas de noms, mais la liste est longue. Sans oublier le sort réservé aux nombreux rapports du Vérificateur général, de la CASCA, du Contrôle Financier de l’Etat...

ATT change de méthode
Douze mois avant qu’il ne passe le témoin à son successeur, le Président de la République a soudainement décidé de «changer de méthode». Ou plutôt «d’assainir l’administration», comme l’a affirmé son ministre porte-parole, Sidiki N’Fa Konaté. C’était à l’occasion, on se souvient, d’un de ces coups de balai dont il est subitement devenu le spécialiste. A chaque semaine, à chaque Conseil des ministres, son lot d’évictions, d’arrestations, d’inculpations, de nominations… et, surtout, de frustrations.

Oui, de frustrations, car nombreux sont les Maliens qui se demandent pourquoi avoir attendu neuf bonnes années pour commencer à «assainir»? D’ailleurs, d’autres questions, et non des moindres, se posent quotidiennement : pourquoi ceux qui ont détourné l’argent de l’Etat malien bénéficient-t-ils de mesures des plus clémentes, pour ne pas parler d’un laxisme qui ne dit pas son nom? Pourquoi, quand il s’agit d’argent venu de l’étranger, sent-on une certaine pression, voire un empressement suspect, à mettre sous les verrous nos compatriotes? Le Mali a-t-il maintenant une justice à géométrie variable? A toutes ces questions, ATT doit répondre.

Et pour cause! Le 8 juin 2007, dans son discours d’investiture, pour son deuxième mandat, ATT avait martelé que «l’ambition du PDES est de faire de l’Etat malien un modèle de bonne gouvernance: un Etat fort, une administration efficace, une justice assainie...». C’est tout le contraire qu’on a vu. Exécution de marchés et recrutements de façon patrimoniale ou matrimoniale,  laxisme dans l’application des mesures judiciaires, notamment dans le Nord, corruption dans tous les secteurs, sans exception…

«Le renouveau de l’action publique, par l’introduction d’un nouvel état d’esprit, un choix toujours plus rigoureux des hommes et des femmes» voulu par ATT est devenu tout simplement un pétard mouillé.

C’est certainement pour se racheter qu’ATT a déclenché cette opération, qui a tout l’air d’un remake du célèbre «Kokadjè». Pour la plus grande frustration de tous ceux-là même qui se sentaient intouchables. Le revers de la médaille étant qu’au Mali, «i tatô yé mi kè tchèw la, tchèw be o kila i séguimatôw». Traduisez, «ce que vous faites aux hommes à l’aller, ces hommes vous le feront au retour». Espérons qu’ATT s’en souviendra.

Paul Mben

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