Corbeil-Essonnes : «Je ne laisserai pas mes filles aller seules au pays»

Fév 7, 2012 - 20:47
Fév 7, 2012 - 20:56
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Bintou* avait 3 mois quand elle a été « coupée ». Au Mali, à Nioro, non loin de la frontière mauritanienne, dans une petite pièce de la maison familiale, c’est là, explique-t-elle, « qu’on me l’a fait ». Elle ne dit pas « excision », mot mal connu et tabou dans un pays où sectionner une partie du corps des petites filles reste une pratique répandue, en particulier dans les campagnes.
[caption id="attachment_46428" align="aligncenter" width="610" caption="CORBEIL-ESSONNES, CENTRE DE PMI DES TARTERÊTS, JEUDI. Bintou (de profil) a été excisée à l’âge de 3 mois dans un village au Mali. Cette habitante de Corbeil refuse que ses filles subissent le même sort. Elle ne les amènera pas au pays tant qu’elle sentira un danger pour elles. (LP/F.M.)"][/caption] Son ablation du clitoris, Bintou, installée depuis de nombreuses années à Corbeil-Essonnes (Essonne), ne s’en est rendu compte qu’au moment de sa première grossesse, il y a sept ans. « J’avais d’énormes douleurs tout le temps, et faire pipi me brûlait tellement que j’ai cru que j’avais une maladie grave. Le médecin m’a dit ce que j’avais », se souvient la jeune femme de 29 ans qui, aujourd’hui encore, évite « le plus possible » les rapports sexuels, qui ravivent les douleurs. Comme elle, ses trois sœurs ont été mutilées. Mais à sa mère, aujourd’hui décédée, Bintou n’en a jamais voulu. « Au pays, on ne se pose pas la question. C’est comme ça. Si ma mère a laissé faire, c’est parce qu’elle voulait que je sois acceptée dans la communauté. Là-bas, si on n’est pas coupée, on ne trouve pas de mari », raconte-t-elle dans son joli boubou aux couleurs vives. Pourtant, Bintou ne fera pas « couper » ses deux fillettes. « Jamais! C’est interdit et c’est pas bien », lâche-t-elle. Elle en a beaucoup parlé avec son médecin et Evelyne Janin-Goldman, la pédiatre qui la recevait jeudi dernier, avec son petit dernier, à la PMI de Corbeil. « Je sais comme ça fait mal, je sais les risques pour leur santé. » Alors, pour les préserver, elle lâche : « Je ne laisserai pas mes filles aller seules au Mali, car je sais que ma famille là-bas le leur fera, c’est sûr. Au pays, c’est 2 ou 3 € pour le faire! » Cet été, son fils partira pour le Mali. Les filles resteront en France. Pour éviter que les pressions ne l’emportent sur la raison. *Le prénom a été changé.
Le Parisien - 06/02/2012  

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