France: La santé des migrants en danger
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Situation absurde
Devant cet état de fait, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) (5) proposait en juillet 2011 la levée des conditions d’accès à l’AME, soumise depuis l’an dernier à un droit d’entrée fixé à 30 euros par le gouvernement de Nicolas Sarkozy sous couvert notamment de lutte contre les fraudes; autant dire une nouvelle barrière quasi infranchissable pour les plus pauvres. De façon pragmatique, il proposait logiquement de simplifier les démarches des patients en fusionnant l’AME avec la couverture médicale universelle (CMU), ouverte aux personnes résidant en France de manière stable et régulière. Des mesures soutenues par Médecins du Monde. Seront-elles mises soutenues par les candidats à la prochaine élection présidentielle ? Rien n’est moins sûr. Nul besoin de long discours pour comprendre l’absurdité de la situation, comme le rappelle le Docteur Jean Nau, responsable bénévole du Centre d’Accueil, de Soins et d’Orientation (CASO) de Médecins du Monde à Paris (Parmentier) qui décrit les obstacles quotidiens que doivent franchir ses patients au risque de renoncer à se faire soigner. «Désiré, malien de 28 ans, vit en France depuis 2 ans. Plutôt mal d’ailleurs: pas de logement stable, quelques petits boulots de temps en temps. Comme lui, de plus en plus de patients s’adressent au CASO de Médecins du Monde de Paris: migrants, demandeurs d’asile, mais aussi assurés en situation de précarité ne pouvant assumer le «reste à charge» d’une consultation ou des médicaments à acheter. Pour se soigner, il devrait pouvoir bénéficier de l’Aide Médicale d’Etat (AME). L’AME permet depuis 1999 aux étrangers démunis résidant en France depuis plus de 3 mois de bénéficier d’une couverture maladie. C’est un droit fondamental pour mon malade, mais c’est aussi une avancée en santé publique: des maladies soignées à temps évitent la diffusion des maladies transmissibles et le recours à des soins hospitaliers beaucoup plus coûteux. Il y a le droit … et les réalités. Les domiciliations (en l’absence d’adresse personnelle) sont de plus en plus difficiles à obtenir ; pour prouver ses 3 mois de présence, le justificatif accepté est variable selon les Caisses Maladie et d’un mois à l’autre; les centres d’accueil pour le dépôt des dossiers se raréfient (deux seulement pour tout Paris où se concentrent plus de la moitié des demandes, soit 65.000 demandes d’AME par an). Si son dossier n’est pas rejeté, et s’il a 30 euros ce jour-là, Désiré ira chercher sa carte d’AME dans 3 mois, au mieux … ou dans 6 mois. AME ou CMU, ce n’est pas une garantie pour accéder aux soins. En Ile-de-France, et à Paris en particulier, les médecins généralistes sont rares dans certains quartiers, particulièrement là où la précarité est la plus grande. De plus, les dépassements d’honoraires, surtout chez les médecins spécialistes, sont fréquents. Autant d’obstacles à l’accès effectif aux soins. Il ne faut donc pas s’étonner qu’un nombre de plus en plus grand de personnes en situation précaire renoncent à des soins pourtant indispensables ». Dans le contexte actuel de crise, il est difficile de penser que la santé des immigrés s’améliore prochainement. L’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers (ODSE) vient de publier un communiqué de presse (6) dénonçant cette fois-ci la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris qui «sacrifie les sans-papiers». Sous couvert de réduction des coûts et de rationalisation des dossiers d’ouverture de droits à l’AME, la CPAM interdit depuis 2 mois les dépôts des demandes dans les centres de sécurité sociale de quartier, en les concentrant dans deux centres uniquement, désormais interdits au reste de la population, et transformés en agences spécialisées pour sans-papiers… Deux mois après la mise en place de ce dispositif, l’ODSE dénonce la stigmatisation que cela induit sur les étrangers, la paralysie du dispositif (files d’attente interminables dès le milieu de la nuit, accueil sous tension, traitement anarchique des dossiers, absurdité du système…) mais aussi la délégation de fait de la gestion de l’AME aux associations. L’alerte est sérieuse alors que les besoins des plus pauvres augmentent et que de nombreuses associations se retrouvent en difficultés (afflux des demandes, réduction des financements, démission de l’Etat…etc.). Olivier Bernard et Pierre Salignon, avec Docteur Jean Nau (responsable de mission) et Docteur Jeanine Rochefort (déléguée Ile de France) Crédit dessin: Remi Courgeon Source: liberation.fr (07 février 2012)Quelle est votre réaction ?
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