Crise du Nord : Comment Kidal, Gao et Tombouctou ont été sacrifiés par la junte
La situation occasionnée par le coup de force du 22 Mars 2012 aura manifestement été chaotique pour les régions du Nord-Mali. Laissées pour compte et abandonnées au profit du confort des putschistes, elles ont croulé les unes après les autres devant l’irrésistible avancée de la rébellion MNLA aidée par AQMI. Il en découle depuis jeudi dernier une partition de fait du pays, une destruction des démembrements de l’Etat et une insécurité consécutive à l’abandon de l’arsenal de l’armée entre les mains des milices de la marmaille urbaine. Un chaos libérien en perspective.
Le renversement du régime ATT a été systématiquement suivi d’une progression exponentielle des forces rebelles dans le Nord-Mali où l’armée résistait pourtant vaillamment face à la supériorité militaire des assaillants. Esseulé avec l’absence de l’Etat, le Colonel Major Elhaj Gamou a fini par rallier l’ennemi avec des centaines d’hommes, abandonnant du coup la région militaire de Kidal aux envahisseurs. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une débandade jamais égalée dans les rangs d’une armée malienne démoralisée par l’absence totale de commandement. Ainsi, après Kidal, vendredi, ce fut au tour de Gao de tomber aux mains des assaillants, le jour suivant avant que Tombouctou ne tombe à son tour, courant la journée d’hier. Dans le septentrion malien, le vécu quotidien des paisibles citoyens se caractérise, depuis près d’une semaine, par les prémices d’instauration d’un régime de charia, des scènes de pillages, de destruction des édifices publics et de l’administration de l’Etat. Les banques n’ont naturellement pas été épargnées et le feu mis à la direction du trésor public consacre une bonne fois la paralysie de l’administration dont le matériel et les meubles ont été livrés au pillage public. A Tombouctou, les actes de vandalisme n’ont épargné également ni le système d’adduction d’eau ni les installations d’EDM et il est fort probable que la ville soit déjà privé de ces deux denrées précieux que sont l’eau et l’électricité, avec des conséquences probables sur le système sanitaire du pays. Il convient d’indiquer par ailleurs qu’un peu partout l’installation du chaos a été consécutive à un abandon des populations civiles sans combat par l’armée malienne. C’est ainsi qu’à Gao par exemple, les cars se sont déplacés jusque dans le camp pour évacuer les éléments et les acheminer vers Bamako. Idem à Tombouctou où les porteurs d’uniforme, à défaut d’abandonner la ville, ont abandonné le treillis au profit des tenues civiles pour se confondre à la population.
La chute des régions militaires concernées n’a pas seulement consacré la partition de fait de la République Mali dont la partie septentrionale est désormais coupé du reste avec une nette tendance vers les prétentions territoriales du Mouvement National de Libération de l’Azawad. Les promesses de la CEDEAO constituent toutefois un espoir pour inverser la situation, mais le pire reste à circonscrire, même en cas d’éventuelle libération du Mali de la double invasion islamiste et rebelle. En effet, dans chacune des villes occupées, la débandade de l’armée a occasionné une situation inédite qui rappelle les dérives que les rébellions ont provoquées dans certains pays de la sous-région. En effet, en abandonnant les camps aux envahisseurs, les troupes loyalistes maliennes ont en même temps laissé libre cours au pillage du contenu en armements. A Tombouctou comme à Gao, selon les témoins oculaires, les armes commencent à circuler massivement dans les mains des milices urbaines qui commencent enrôler parmi les enfants. De sources concordantes, il suffit d’enregistrer son identité pour être en possession d’une Kalachnikov dans les deux villes concernées. Idem à Mopti où d’autres sources confient que les populations civiles commencent également à s’en procurer depuis l’annonce d’un assaut de la ville par les combattants islamistes et du MNLA. Pis encor, il semble que la prise de Gao a permis a occasionné l’élargissement de tous les détenus. Dans un contexte de circulation et de trafic massifs d’armes, il est à craindre fort logiquement que le Mali ne verse dans les dérives comparables à celles du Libéria et de la Sierra-Léone, avec son lot d’enfants soldats, de maquisards, etc. C’est à tout ce péril que l’armée malienne, sous le règne de la junte conduite la le Capitaine Amadou H. Sanogo, a abandonné la partie septentrionale du Mali, à l’issue des assauts rebelles de la semaine dernière. La junte n’aura donc pas été une alternative crédible au système défensif du régime qu’il a renversé.
N’Tji Diarra
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