Des lendemains incertains : Le Capitaine obéira-t-il aux injonctions de la CEDEAO ?

Avr 4, 2012 - 05:40
Avr 4, 2012 - 06:02
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Comme par « magie », plutôt comme des diables surgis de leurs boîtes, ils ont subitement apparu sur la scène de la gouvernance avec une prétention affichée : sortir le pays de son marasme socioéconomique. Mais de nos jours, c’est comme si les Maliens se sont davantage enfoncés dans ce marasme ? Jamais le Mali n’a vécu un tel malaise et un tel mal être ! A quoi donc a servi cette brutale apparition de ce groupe de militaires sur la scène (plutôt l’arène aujourd’hui) sociale malienne ? En prenant le pouvoir de la façon la plus inédite (cavalière, diront certains), ils mettaient le pays face à une situation jamais vécue auparavant. En effet, en plus de 50 ans d’indépendance, jamais le Mali des Soundiata Keïta, Tièba et Babemba Traoré,  Da Monzon, El Hadj Omar Tall, Sony Ali Ber, Damanguilé Diawara, Kumi Diossé (entre autres) n’a été soumis à un embargo ou à un gel de ses avoirs à l’extérieur ! Pas d’essence, pas de gaz butane, pas de gasoil,  plus rien ! Les stations d’essence ont épuisé tous leurs stocks ? Chacun rassemble ses maigres moyens pour faire face aux effets de cet embargo mal venu. La BCEAO, qui n’obéit qu’à son mentor, la CEDEAO, a fermé « le robinet qui faisait couler tant de liasses », privant ainsi les travailleurs et les retraités de leurs salaires et pensions (de mars) traditionnellement virés dans certaines banques. La vie des Maliens va aujourd’hui  comme dans un film programmé au ralenti. Comme toujours, les opportunistes profitent allègrement de la situation. Ainsi, les prix des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité ont tôt fait d’être revus à la hausse. C’est d’ailleurs toujours ainsi : face à une situation pénible, surtout pour les démunis, des commerçants détaillants et autres profiteurs n’éprouvent  aucun scrupule ni remords pour faire grimper leurs prix ! Le pire, c’est que même si la situation s’améliore sur ce plan, les prix, eux, ne baissent plus, malgré la sensibilisation et  les mises en garde de l’Etat et des organisations de défense des consommateurs pour ramener les prix à leur niveau initial. Ainsi va le Mali... Lorsque, surgie de « nulle part » (pourrait-on dire), la junte militaire atterrit brutalement sur la scène sociale et, sans crier gare,  commence tout de suite à dissoudre et la Constitution, et les institutions, il y a de quoi s’inquiéter de leurs intentions pour l’avenir du pays et le devenir des Maliens. Pourtant, cette junte n’avait fait que prendre les devants en mettant en pratique ce que d’autres groupes de militaires, dont des généraux, avaient l’intention de faire. Autant dire que la junte leur a « ravi le gâteau sous le nez ». Mais le Capitaine Sanogo et son groupe ont apparu sur la scène comme des « Martiens », peut-on dire : les yeux hagards, les propos lourds, hésitants, incertains. On sentait tout de suite qu’ils étaient poussés par le temps et qu’ils n’avaient donc pas préparé leur programme. En plus, compte tenu de leur très jeune âge, ils n’avaient ni qualité ni expérience concernant la gestion d’un pays. D’où les séries de déclarations et communiqués qui ont suivi les premiers jours de leur prise de pouvoir, avec toutes leurs cohortes de vols, pillages, saccages, tergiversations, incertitudes…L’on se demande d’ailleurs ce que serait devenue la situation si les Chefs d’Etat de la CEDEAO n’avaient pas contraint le Capitaine Sanogo à « mettre beaucoup d’eau dans son vin» et à restaurer la Constitution et les institutions qu’il s’était empressé dès le début de dissoudre. Sans compter le couvre-feu qu’il avait instauré, comme s’il craignait pour sa place. Fidèle à sa détermination, la CEDEAO a maintenu et appliqué sa décision : l’embargo économique, le gel des avoirs du Mali,  etc. Et pour lever cet embargo et libérer les citoyens d’une situation intenable, elle pose une condition draconienne : que le Capitaine putschiste quitte le pouvoir : voilà tout « l’os de la parole », car le Capitaine  ne tient pas à partir de sitôt, semble-t-il. Pourtant, dès  les premières heures de son arrivée au pouvoir, il avait assuré, voire promis, qu’il s’en ira dès qu’un nouveau Président de la République sera élu. Si c’est le cas, pourquoi s’était-il alors empressé de dissoudre la Constitution, les institutions…, bref ces organes étatiques sans lesquels les élections ne pourraient se dérouler ? Pire, le Capitaine avait remplacé la Constitution (du 25 février 1992) qu’il avait dissoute par un « Acte fondamental » connecté par lui et peut-être par des technocrates qu’il avait pu dégauchir. Et il s’était servi de cet « Acte fondamental » pour procéder à des nominations (lundi 2 avril), alors que la Constitution avait été « ressuscitée ». Cette attitude du Capitaine, considérée comme illégale, a exacerbé davantage les Chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont durci davantage le ton après leur réunion à Dakar suite à l’élection du nouveau Président sénégalais, Macky Sall. En effet, dès le lundi 2 avril, l’embargo est appliqué pour trois jours : jusqu’au mercredi 4 avril. Mais la question cruciale demeure : quand les Maliens seront-ils libérés du joug de cet embargo féroce ? La question vaut son pesant d’or quand on sait que la CEDEAO conditionne la levée de cet embargo à une condition : que le Capitaine Sanogo démissionne. Or rien, dans le comportement de ce dernier, ne prouve qu’il a l’intention de partir, surtout qu’il parle d’un gouvernement de Transition à nommer en vue des élections, et que opportunistes de tout acabit et de tous gabarits l’escortent chaque jour dans ses faits et gestes, le fourvoyant et l’embourbant davantage : il est vrai que pour des politiciens chevronnés, embrouiller un novice (le Capitaine) et le pousser à commettre des gaffes n’est qu’un jeu d’enfant. Enfin, dans les coulisses du pouvoir, on apprend que ces opportunistes, politiques sont  en train de tout mettre en œuvre, notamment pour déstabiliser le groupe du Capitaine et le pousser à commettre d’autres gaffes. Même si cette information  est à prendre avec des pincettes (pour l’heure), elle pouvait conforter la détermination des Chefs d’Etat de la CEDEAO à écarter le Capitaine Sanogo du pouvoir. Mais dans tout cela, la question qui taraude les Maliens, c’est de savoir : à quand donc la fin de cet embargo ? En attendant, les citoyens sont sur l’expectative, voire sur le qui vive, face à cette paralysie générale des activités du pays. « Si cette situation se prolonge, on est mort !  Non, il faut réagir, faire quelque chose ! », lance un propriétaire de cybercafé. Un propos qui, à lui seul, résume tout le ras-le-bol qui anime aujourd’hui la majorité des Maliens, un ras le bol qui risque de dégénérer sous peu si l’embargo n’est pas levé à la fin de la semaine. Autant dire qu’aujourd’hui, la côte de popularité et le crédit du Capitaine de la junte ont chuté de plusieurs crans. En tout cas, il y a des faits qui démontrent que les Maliens, de par leur éducation, (social, religieuse) sont patients, même dans le dénuement et la douleur, mais jusqu’à une certaine limite. Passé  ce point de non retour, ils ne se contrôlent plus : ils réagissent violemment, avec les conséquences qu’on imagine. Les cas (entre autres) dramatiques qui avaient précédé la chute de Moussa Traoré, des femmes de Kati qui avaient marché sur Koulouba, les émeutes et violences populaires qui avaient suivi la dernière adresse d’ATT à la Nation…sont autant de faits regrettables qui  doivent inciter la junte à savoir raison garder. Ainsi, à ce stade actuel de la situation, certains citoyens préconisent tout simplement que le pouvoir de Transition soit remis aux civils (le vœu de la CEDEAO) et que le CNRDRE se charge de détruire les rebelles du Nord en s’assurant de tous les voies et moyens (en ressources humaines, armements et munitions) nécessaires pour ce faire. En tout cas, le scenario idéal souhaité par la majorité des Maliens semble être le suivant : d’abord le CNRDRE se retire du pouvoir et forme une armée puissamment dotée pour aller anéantir les intentions intégristes des rebelles, soutenu en cela par les 2 000 soldats de la CEDEAO. Entre temps, le gouvernement qui sera nommé se charge des préparatifs et du déroulement de l’élection présidentielle. Si chacune des deux parties (CNRDRE et gouvernement) joue correctement ses rôles et missions, il n’y a alors aucune raison que le Mali ne sorte pas de ce bourbier social. Ce scenario rentre d’ailleurs dans le cadre des aspirations de la CEDEAO concernant le Mali. Oumar Diawara

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