S'il est un domaine où ce gouvernement de transition bat tous les records de banalité, d'improvisation et de bla-bla, c'est bien celui de la Communication. Elle est franchement affligeante.
[caption id="attachment_72753" align="alignleft" width="250"]
![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/06/Hamadoun-Toure.jpg)
Hamadoun Touré, ministre de la Communication, porte parole du Gouvernement[/caption]
Bien sûr le préposé à la fonction est arrivé auréolé d'une riche expérience à l'ONUCI à Abidjan, conclue par la victoire de la démocratie d'abord par les urnes et enfin par les armes après tant de soubresauts, de morts et de drames. Toujours est-il que l'ONUCI en est sortie avec les palmes du devoir accompli, toutes ses composantes ont joué efficacement leur partition, notamment la communication. Seulement voilà, derrière l'ONUCI il y a l'ONU et tout son système, il y avait un mandat clair, une feuille de route cohérente et acceptée de toutes les parties en cause, un chef de mission volontaire sans peur, sûr de lui, sachant où aller et comment y aller. Dans ce contexte le Porte parole ne peut pas dire n'importe quoi.
De Caribe en Scylla, le Porte parole de l'ONUCI qui a quitté le Mali depuis longtemps, qui n'a jamais exercé dans le domaine gouvernemental, se retrouve chargé de porter la parole d'un gouvernement de transition, sans chef réel, ou du moins avec un chef caché dans une garnison, sans feuille de route, sans boussole, sans armée, sans argent, sans assise politique, tout le contraire de l'ONUCI.
Depuis qu'il est entré en fonction, l'ex-porte parole de l'ONUCI n'arrête pas d'enfiler les bla-bla et les lieux communs, s'il ne fait pas carrément dans la démagogie ou la zizanie tout court. Si à l'ONUCI il était porte parole des forces impartiales, au Mali il est bien dans un gouvernement partisan et pro-putschiste comme son chef, il parle et voit avec les œillères de la junte dont il porte la parole, non celle du Mali.
En effet, après avoir visionné les horribles images et surtout entendu sur You tube la terrible phrase prononcée par un soldat de Kati, lors de la torture d'un autre soldat malien à Kati, je cite " si tu meurs pour la cause du Mali, tu es mort pour rien ! ", les écarts du Porte parole sont d'une vulgaire banalité mais méritent que l'on s'y attarde un peu, par pure besoin de pédagogie.
D'abord, après la marche de protestation des jeunes de Gao, violemment réprimée par le MNLA, le Porte parole n'a pas trouvé mieux à faire que de féliciter et encourager ces jeunes à persévérer à affronter les rebelles et bandits armés, à mains nues, au lieu de les appeler à la prudence et leur donner l'espoir d'une libération prochaine par nos forces armées.
Ensuite, lorsque d'abord l'accord cadre, ensuite la classe politique, enfin le groupe de contact ont préconisé la formation d'un gouvernement d'union nationale, embouchant la même trompette que son patron le Premier ministre, il freine des quatre fers en arguant qu'ils peuvent ouvrir le gouvernement sauf à ceux qui sont hostiles à la transition. Quelle ineptie !
Peut-on être pour ou contre la transition ? Une fois le coup d'Etat consommé, la transition s'impose à tous, qu'on le veuille ou non ! Personne n'a combattu ce gouvernement, tout le monde a déclaré prendre acte de sa composition, tous ses textes sont passés à l'Assemblée Nationale sans anicroche, il n'a pas été censuré. Alors qui est ennemi de ce gouvernement de transition, qui sont ces forces hostiles ?
Le premier ennemi du gouvernement de transition, c'est la rébellion armée qui sévit au Nord de notre pays. Le second ennemi, c'est le gouvernement de transition lui-même et singulièrement son Premier ministre qui, par son immobilisme, son incohérence, son assujettissement, a fini par exaspérer ses compatriotes et ses parrains de la CCEDEAO.
M. le Porte parole, il n'y a pas de gens qui sont pour ou contre le gouvernement de transition, ou qui lui sont hostiles, il y a des gens qui sont pour le coup d'Etat et des gens qui sont contre le coup d'Etat et c'est leur droit de citoyens maliens à tous. Il y a des gens qui sont pour les putschistes et des gens contre les putschistes, c'est leur liberté de citoyens maliens, cela n'entache en rien leur qualité de Malien, alors cessez de semer la zizanie dans ce pays, déjà si éprouvé !
La gageure d'un gouvernement d'union nationale M. le Porte parole, c'est justement de réunir autour de la même table des personnes qui ne partagent les mêmes vues, les mêmes idéaux, les mêmes solutions, mais qui ont en commun cette chose qui nous unit tous, la Nation, le Mali, d'où le terme gouvernement d'union nationale, et la prouesse d'un Premier ministre de qualité est de mettre cette équipe en mouvement vers les buts assignés : libérer le Nord, et organiser des élections crédibles, justes et transparentes.
Le Premier ministre connaît mieux que vous la classe politique malienne, pour avoir, avant le coup d'Etat, démarché les partis significatifs et engagé avec beaucoup d'entre eux des pourparlers approfondis notamment en ce qui concerne le fichier électoral, lui sait qui ils sont, de quoi ils sont capables, alors renseignez-vous, informez-vous au lieu de parler à la légère !
L'hebdomadaire français "
L'Express " rapporte dans une de ses dernières parutions une qu'aurait prononcée le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, je cite : "
Que la CEDEAO et l'ONU me fichent la paix ! Nous allons négocier, si cela ne marche pas, il y aura la guerre, si nous la gagnons, tan mieux, si nous la perdons, le Mali sera une République islamique. Et alors ? ". En ajoutant cela à la terrible phrase entendue de la bouche d'un soldat lors de la séance de torture à Kati, nous pensons que le ministre Porte parole doit plutôt s'atteler à nous expliquer ces mots et tenter de nous rassurer, si tant est qu'il est lui-même rassuré.
Le chemin de la reconquête territoriale et démocratique sera long et difficile, il requiert beaucoup de sérieux, d'abnégation, de patriotisme au sens noble, beaucoup d'humilité et de hauteur de vue. Au Mali certains en sont pourvus et beaucoup d'autres en ont besoin. Nous connaissons les uns et les autres. Ceux qui ont réussi en mars 1991 à imposer la démocratie pluraliste au Mali, à mains nues, au prix du sang et du sacrifice, et au péril de leurs vies, sauront encore une fois de plus nous imposer un gouvernement d’union nationale pour sortir notre pays de l’ornière.
Dugu FANA