Evacuation d’ATT et de Soumaïla Cissé : Voix discordantes au sein de la junte

Avr 23, 2012 - 18:35
Avr 23, 2012 - 18:31
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Vendredi dernier, dans la soirée, le transfert sur Dakar du président déchu, ATT, et l’évacuation sanitaire de Soumaïla Cissé sur Paris pour se soigner, suite à sa blessure lors de son arrestation de la semaine dernière, ont permis de comprendre à quel point l’on ne parle pas le même langage au sein du Cnrdre. Selon des indiscrétions, malgré l’accord du capitaine Sanogo, pour le cas d’ATT et l’intervention du Premier ministre pour Soumaïla Cissé, le lieutenant Cissé, qui tient actuellement l’aéroport sous sa coupe au nom du Cnrdre, aurait refusé de les laisser partir, provoquant du coup un désordre indescriptible. [caption id="attachment_52133" align="alignleft" width="250" caption="Soumaila Cissé"][/caption] Les travailleurs, voyageurs et accompagnants n’oublieront pas de sitôt ce qui s’est passé à l’aéroport Bamako-Sénou dans la nuit du vendredi 20 avril 2012. Le hasard a voulu, en effet, que l’évacuation du président ATT sur Dakar coïncide avec celle de Soumaïla Cissé devant se rendre urgemment à Paris pour des soins, suite à ses blessures survenues lors de son arrestation la semaine dernière, dans le cadre de la vague d’interpellations opérées par la police militaire sous les ordres du Cnrdre. Injures et autres quolibets ATT a été le premier arrivé à l’aéroport sous bonne escorte de diplomates accrédités au Mali, pour monter à bord de l’avion de commandement du président de la République du Sénégal, spécialement venu de Dakar pour cette mission.  Att était accompagné de sa famille. Mais dès qu’il fut identifié, l’information s’est propagée rapidement au sein de l’aéroport comme de la poudre emportée par le vent. Très vite, un attroupement s’est formé pour lui rendre un dernier hommage de président déchu devenu fugitif : slogans assassins, injures et autres quolibets fusaient de partout car chacun tenait à lui manifester sa colère. Les forces de sécurité, au lieu de calmer tout ce beau monde, en ont rajouté car le lieutenant Cissé, l’homme fort de l’aéroport de Bamako-Sénou depuis le putsch du 22 mars dernier, ne voulait pas entendre parler d’une évacuation du président ATT qu’il tiendrait à récupérer pour certainement le rendre à la junte. C’est dans cette atmosphère surchauffée que les conciliabules ont démarré entre les représentants du Cnrdre basés à l’aéroport et les diplomates qui avaient déjà l’accord du capitaine Amadou Haya Sanogo pour évacuer ATT au Sénégal. Une évacuation sanitaire car l’ex-président est actuellement rongé par le diabète et son état de santé mérite une intervention urgente de services spécialisés, en toute sécurité. C’est d’ailleurs cette raison médicale qui a poussé les diplomates à s’impliquer pour permettre que l’ex-président puisse se rendre à Dakar, accompagné de sa famille. Les éléments du Cnrdre ne voulaient rien comprendre On n’avait pas fini de régler le cas ATT qu’un autre problème survint : la junte se serait opposé à l’embarquement de Soumaïla Cissé à bord de l’avion qui devait l’amener à Paris où il était attendu pour des soins médicaux en urgence. Rappelons que Soumaïla Cissé n’a pas été blessé par balle comme veut le faire entendre une certaine rumeur mais aurait chuté en voulant échapper aux éléments de la police militaire qui chercheraient à l’arrêter. Un repli tactique, doit-on dire puisque c’est à la mode au sein de l’armée qui a, par ce procédé, abandonné tous les théâtres d’opération au nord du Mali, facilitant la prise de cette partie du pays par le Mnla et la coalition islamiste. Selon des sources dignes de foi, il aurait fallu l’intervention du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, pour que Soumaïla Cissé parvienne à embarquer, non sans difficultés car les éléments du Cnrdre présents à l’aéroport n’auraient rien voulu comprendre. Séméga et Djibril Tall déjà à Dakar Finalement, ATT est bien arrivé à Dakar où il serait hébergé à la Résidence de Médine, tout près du marché de Tilène, situé en plein cœur de la capitale sénégalaise et plus précisément dans le quartier mythique de la Médina où sont nées de célèbres personnalités sénégalaises comme Youssou Ndour. Selon des sources concordantes, ATT ne s’ennuie pas parce qu’il aurait retrouvé d’autres personnalités maliennes réfugiées au Sénégal. C’est le cas de Hamed Diane Séméga, ex-ministre de l’Equipement et des transports, et Djibril Tall, désormais ex-directeur national des Transports. Ces deux, qui se trouvaient à Kayes, au moment du coup d’Etat, n’ont fait que franchir la frontière pour se rendre au pays de la Terranga (Jatiguiya) où chacun d’eux a retrouvé une partie de sa famille. Il convient de rappeler que Djibril est membre de la famille Omarienne, une famille à qui les Sénégalais vouent respect et considération en tant que repère religieux fondamental. Quant à Séméga, du temps où il était dans son cabinet d’études, avant d’entrer dans le gouvernement, il avait déjà acquis, selon des informations concordantes, un solide réseau d’amitiés avec des cadres sénégalais, en plus du fait que sa famille reste partagée entre le Sénégal et le Mali. Rappelons cependant qu’il aurait fallu beaucoup de conciliabules pour que le lieutenant Cissé lâche prise, surtout pour le cas du président ATT. Finalement l’officier, convaincu que son chef, le capitaine Sanogo, a bien donné son accord pour le départ du président ATT, se serait résigné de laisser partir le fugitif. Mais pas sans exiger auparavant de monter dans l’avion de commandement du président de la République du Sénégal pour parler de vive voix à ATT qui s’y trouvait déjà. Le lieutenant vide sa bile sur ATT Naturellement, c’était pour déverser sa bile sur celui qu’ils ont fait fuir du palais de Koulouba après une pluie de roquettes. C’était comme une séance d’exorcisme à l’occasion de laquelle le lieutenant se vidait de sa rancœur vis-à-vis de celui qu’ils jugent être à la base de tous les maux du pays en général et de l’armée nationale en particulier. «Vous nous avez déçu et vous nous avez trahis… » aurait-t-il tenu à balancer à la figure d’ATT qui, naturellement, ne pouvait que subir pour ne pas envenimer une situation déjà trop compliquée. A défaut de pouvoir mettre la main sur ATT pour le juger, comme l’avait annoncé le capitaine Sanogo, son lieutenant a au moins rempli une mission : celle d’avoir pu cracher leurs quatre vérités au président déchu avant son départ en exil au Sénégal. Mais deux enseignements sont à tirer de ce tohu-bohu de l’aéroport, pour lequel nous taisons volontiers certains aspects : d’abord, au sein de la junte on ne parle pas le même langage et ensuite, les militaires n’ont pas encore lâché le pouvoir, quoiqu’on puisse dire. Qui dirige présentement le Mali ? En effet, l’accord du capitaine Sanogo pour l’évacuation de l’ex-président ATT n’aurait pas plu à la base de la junte qui n’en était pas du tout informée. Pour des mesures de sécurité et d’efficacité, pourrait-on rétorquer, mais force est de reconnaître que c’est encore la preuve que les seules instructions du chef de la junte ne suffisent pas car à travers les propos entendus ça et là de la part des militaires et forces de sécurité à l’aéroport, ce jour-là, il y a un sérieux problème de communication entre le sommet du Cnrdre et sa base. Par ailleurs, pour le cas de Soumaïla Cissé, qui n’est frappé ni par une quelconque mise en examen encore moins par un contrôle judiciaire, l’on ne pourrait comprendre pourquoi le Cnrdre s’arrogerait le droit de s’opposer à son évacuation sanitaire, si l’on s’en tient à l’attitude manifestée à l’aéroport, vendredi dernier, par les militaires. Et surtout, leur obstination à ne pas tenir compte de l’intervention des hautes autorités de l’Etat pose problème et amène encore à se poser la lancinante question qui est sur toutes les lèvres actuellement au Mali : «Qui dirige présentement le Mali ? Le Cnrdre, le Premier ministre avec les pleins pouvoirs ou le président intérimaire ? ». Selon des informations qui nous sont parvenues, les chefs de la junte s’exilent de plus en plus sur un nuage qui les distancie de leur base composée essentiellement de sous-officiers et hommes du rang qui les observent en se demandant ce qu’ils peuvent bien gagner dans la situation. C’est là où le capitaine Sanogo et son groupe, pour éviter le syndrome Moussa Dadis Camara, doivent faire preuve de beaucoup d’attention et de retenue. Birama FALL

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