La rébellion touareg du Mali au-delà des clichés

Avr 23, 2012 - 14:24
Avr 23, 2012 - 14:25
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Revendiqué par les «hommes bleus», le nord du Mali est peuplé principalement de populations subsahariennes. Une zone enclavée, longtemps négligée avant d’être favorisée par une politique de décentralisation dans les années 90. Une terre où les identités sont en conflit persistant.  Avec la crise au nord du Mali, beaucoup de lecteurs ont appris que l’Azawad est le berceau des Touareg, un peuple dénigré par les gouvernements maliens depuis l’indépendance du pays en 1960. Cependant, rares sont les médias qui approfondissent la démographie du territoire de l’Azawad revendiqué par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Il est donc nécessaire de rappeler la diversité culturelle de la boucle du Niger, les acquis de la IIIe République du Mali et de souligner les conséquences néfastes de cette crise sur les relations communautaires entre les autochtones arabo-berbères et subsahariens. Les peuples de la boucle du Niger Le nord du Mali est une mosaïque de peuples arabo-berbères et subsahariens où se mêlent Songhaï, Bella, Touareg, Peuls, Haoussa, […] Arabes, Maures et Bambara. Cependant, mises à part les zones de Kidal et de Ménaka, les Touareg sont minoritaires dans le carrefour de la boucle du Niger. Pourquoi donc le MNLA revendique-t-il les villes de Tombouctou et de Gao ainsi que la zone au sud du fleuve Niger jusqu’à Douentza comme parties intégrantes de l’Azawad? Est-ce qu’il y a eu une récente colonisation du nord du Mali par des peuples non autochtones qui menaceraient l’identité touareg de cette région? A l’exception des conquêtes marocaines sous les dynasties des Almoravides et des Saadiens, la boucle du Niger fut principalement dominée par des peuples subsahariens jusqu’à la colonisation française. Cette domination se traduisit par la formation des grands empires du Ghana (IXe-XIIIe siècles), du Mali (XIIIe-XVIe), et du Songhaï (XVe-XVIe), et plus récemment, par l’Empire peul du Macina (1818-1862). Cette population majoritaire de peuples subsahariens a côtoyé les Touareg provenant du massif montagneux de l’Adrar des Ifoghas. Tout comme les Touareg, ces peuples sont des autochtones du nord du Mali. Est-ce que leur opinion a été considérée par le MNLA? En tout cas, le choix du mot «Azawad» n’est pas innocent: il s’agit d’un mot d’origine tamasheq (la langue des Touareg) qui signifie littéralement «la terre de transhumance» en référence à leur tradition nomadique. Certains interpréteront les revendications territoriales du MNLA comme une résurgence du projet colonial français de l’Organisation commune des régions sahariennes(entre 1957 et 1963) car une terre de transhumance se caractérise plutôt par un mouvement circulaire dans un espace souple. Même si le MNLA se proclame protecteur des peuples de la région, Azawad signifie avant tout un espace dans lequel se lit uniquement l’identité touareg.   Par André Chappatte, anthropologue. letemps.ch Mardi24 avril 2012

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