Gouvernement de la transition : Les forces vives laissées en rade
Après avoir été méprisées par la Cedeao dans la négociation de l’accord-cadre devant gérer la période de transition, les forces vives du pays ont été purement et simplement laisses en rade en ce qui concerne le nouveau gouvernement, malgré leur bousculade dans l’avion pour se rendre aux discussions de Ouagadougou où les disputes pour le partage du gâteau gouvernemental n’ont pas honoré le Mali.
Les grandes formations politiques du pays, disons même les grands groupements qui se sont constitués au lendemain du coup d’Etat du 22 mars 2012, ont été tenus à l’écart du gouvernement Cheick Modibo Diarra. Pour un gouvernement d’union nationale, on est déjà parti pour un gouvernement de frustration nationale, avec la restauration de la dictature Moussa Traoré et la mise sous tutelle de la Cedeao et de Blaise Compaoré. Naturellement, déjà par les positions défendues dans les manifestations publiques et à Ouagadougou, devant Blaise Compaoré, les forces vives du pays ont démontré que le coup d’Etat est un accident de parcours historique qu’il faudrait vite dépasser pour s’engager dans la voie du véritable dialogue national.
Mais avec le nouveau gouvernement dit de transition mis en place, il apparaît clairement que le Cnrdre n’est pas en train de laver plus blanc que ses prédécesseurs, si l’on tient compte de certains membres qui ne devraient pas, logiquement, figurer dans cette équipe au vu de leur passé et en tenant compte d’une réalité sociopolitique qui a amené le président sortant à tuer la démocratie, au nom d’un pseudo consensus qui n’est en réalité que la mise à mort de la démocratie, remplacée par un faux-semblant dans lequel il n’y a ni débats contradictoires ni opposition véritable encore moins d’expression de la vision des populations à travers des organisations attitrées.
En effet, l’élection du candidat sans parti, ATT, a sonné le tocsin du déclin des formations politiques, de plus en plus marginalisées, voire diabolisées. La conséquence en a été cette panne de la démocratie qu’on ne souhaite plus revoir dans le pays. Il ne s‘agit donc plus de s’acharner sur la classe politique. Ce faux-procès pour se donner bonne conscience est derrière nous.
Au sein des forces vives du pays, on retrouve de grands acteurs du 26 mars à qui le Mali doit encore honneurs et reconnaissance et à l’inverse, les Maliens ne sont pas prêts d’oublier que les plus grands maux de leur histoire politique proviennent des militaires : le général Moussa et consorts et plus près de nous un autre général, ATT. Un capitaine suivi par ses lieutenants, en d’autres termes des officiers subalternes réussiront-ils là où des généraux ont fait déroute ?
Les dirigeants de l’Adema, du Rpm, de l’Urd et autres partis politiques ne s’arrogeront pas le droit et le devoir de prendre les BRDM et PKM pour aller libérer le nord du pays. Mais en politique, ils sont dans leur élément et nul n’a le droit de les empêcher d’exercer leurs prérogatives.
Les saltimbanques et autres perroquets qui jettent anathèmes et quolibets sur la classe politique, se fondent sur le statut d’homme public pour le faire: politicien ou leader d’opinion. S’ils étaient de simples anonymes qui ne croient pas pouvoir parler au nom d’un groupe représentatif, ils ne se seraient pas livrés à ces sorties publiques qui parfois même tournent au monologue. C’est dire que la classe politique, même si c’est un mal, reste nécessaire. Qu’on le veuille ou non.
Il ne faudrait donc pas penser qu’il suffit d’un simple coup d’Etat pour enterrer les forces vives afin de faire émerger une nouvelle caste civilo-militaire qui prendra en charge les rênes du pays pour réussir ce que la classe politique n’a pas pu réaliser. C’est une vision chimérique de petits ambitieux qui, à défaut de pouvoir passer par la grande porte du suffrage universel, préfèrent profiter d’une période d’exception imposée, pour engranger une parcelle de pouvoir.
La République a ses règles de fonctionnement auxquelles le Mali ne saurait déroger s’il entend encore rester une République, en plus, démocratique. C’est pourquoi, dans un élan de reconstruction de la cohésion et de l’unité nationales, exclure du gouvernement les forces vives en général et la classe politique en particulier, est blâmable.
Nouhoum DICKO
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