Honorable Arboncana Maiga de Gao : « Dans un pays où il n’existe aucune autorité d’Etat, il faut s’attendre au pire… c’est ce que nous vivons au Mali »

Août 1, 2012 - 03:40
Juillet 31, 2012 - 18:41
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« Nous avons toute l’impression que nous gênons ou embarrassons les autorités de Bamako… Nous sommes  méprisés par nos gouvernants…  Il n’ya point de succès ou de victoire sans lutte et sans combat … Ceux -là qui ne veulent  pas que d’autres nous viennent en aide, ne savent pas ce que nos parents vivent sur le terrain...  Si seulement les leurs étaient fouettés tous les jours, humiliés, les tombes de leurs aïeuls profanées, ils auraient agi autrement… On fait semblant que l’on est dans un pays normal où tout va bien.  Ces  inepties et flagorneries poussées par une fausse fierté m’indignent… Que viennent rapidement les forces de la CEDEAO, d’Israël, de la Tchétchénie, d’Albanie ou du Vietnam,  de toute part pour nous libérer ! » Paroles de M. Arboncana MAIGA,  aujourd’hui conseiller communal de la commune urbaine de Gao, et deux fois consécutives, député de la même localité. Il est en outre secrétaire général adjoint du COREN (collectif des ressortissants du Nord à Bamako. Il a bien voulu répondre à nos questions. Interview ! Plus de trois mois Aujourd’hui, que les 3 régions du Nord sont sous occupation. Quel effet cette situation peut avoir sur l’élu que vous êtes ? Pas question d’utiliser ici, la langue de bois. Je dirai d’abord ce proverbe du terroir : «un sorcier si puissant soit-il, ne saurait du dehors, accéder à une concession familiale sans l’aide d’un traitre». Je suis assommé en tant que citoyen malien tout court qui a reçu un coup de massue. Angoissé et scandalisé par cette situation de terreur imposée à nos parents dans nos régions. J’ai honte ! C’est une véritable humiliation pour moi que d’assister impuissant à l’occupation de nos terres, à la privation des droits et libertés, à la persécution des populations et à la destruction de leurs biens En tant que responsable de ces populations, quelles sont les actions concrètes que vous avez engagées ou qui restent à faire ? Dans ce genre de situation cauchemardesque, personne à elle seule, ne peut rien. C’est pourquoi nous avons inscrit toutes nos actions en direction de nos populations dans son ensemble. C’est dans l’union et la synergie que nous avions prévenu déjà la menace et alerté les plus hautes autorités de notre pays. De façon solitaire ou solidaire dans nos différentes associations, nous avons profité de toutes les tribunes qui s’offraient  à nous pour alerter, interpeler voir dénoncer.  Nous avons sans cesse interpelé qui de droit à assumer ses responsabilités. Nous n’avons pas été entendus. Le pays est occupé, l’unité nationale et l’intégrité territoriale en péril, et la crise sécuritaire et humanitaire installée. Depuis,  c’est d’un seul œil que nous dormons désormais. Nous sommes ici sur tous les fronts avec des actions vigoureuses qui vont de marches et meetings aux sit-in. Nous avons mal. Nous continuons à taper à toutes les portes, à participer activement  à l’envoi du minimum de confort à nos populations restées sur place pour soulager leurs souffrances... Nous ne sommes pas au bout de nos peines et nous envisageons d’autres actions que je me réserve le droit de taire ici. Dans tous les cas, nous travaillerons à libérer nos terres. Nous avons appelé à la résistance populaire sur le terrain. Nous sommes fiers de ce qui se passe à ce niveau. Nous travaillons inlassablement sans répit  jour  et nuit. Les lendemains très prochains  nous édifieront. Quelle est, à l’heure actuelle, la situation à Gao, étant entendu que le MNLA, à l’origine profonde du mouvement, n’est plus dans la zone ? Gao est une ville songhay ! Toutes les autres communautés qui y vivent sont nos hôtes. Gao n’est pas une ville touareg. Ce n’est pas Djebock ou Tin Aouker ou Kidal. Qu’est qui peut donc  justifier la prétention du MNALA et autres à l’assiéger et croire que nous allons nous résigner  et accepter l’état de fait ? Comment croire que le MNLA puisse arriver à autant d’horreurs et   de velléités affichées, d’asservissement et  de terreur à l’endroit de nos parents ? J’ai une grosse arête à travers la gorge. Des gens avec lesquels nous vivons, avec lesquels nous avons tout partagé qui viennent en conquérants et qui, à la faveur de la destruction de notre armée et de notre administration, s’appliquent à  vandaliser les structures socio- sanitaires (écoles, centres de santé), au pillage du commerces, des banques et services ! Ils vont jusqu’à braquer leurs propres connaissances et emportent leurs biens, volent et pillent les domiciles privés, violent nos femmes et tirent ouvertement sur la population civile à main nue pour avoir manifesté contre les actes d’assassinats programmés à l’image de celui du conseiller communal Idrissou OUMOROU !  Ceux qui posent ces actes, ont aussi des frères et des sœurs  partout pas seulement à Gao mais dans le reste du monde. Sachons raison garder pour ne pas crier demain aux représailles, aux pogroms ou aux génocides ! Il est évident et certain que rien ne sera plus comme avant. Le MNLA a été défait et chassé par les jeunes de Gao et le MUJAO. Aujourd’hui est mieux qu’hier pour les populations de Gao. C’est leurs avis. Mais elles sont toujours sous occupation et attendent l’armée pour les délivrer. La jeunesse de Gao a en effet  bravé  les kalachnikovs et lance-roquettes des occupants. Pouvez-vous nous parler de cet accrochage ? Les jeunes patriotes de Gao sont nos enfants. Nous leur avons demandé de résister patriotiquement avec le drapeau du Mali et sa devise. D’accepter de mourir pour la patrie les mains nues. Mourir debout dans la dignité et l’honneur. Ils sont les victimes expiatoires de leur loyauté envers le Mali que nous aimons et chérissons. Le Mali auquel nous appartenons et qui ne se décide pas à nous libérer. Nous avons toute l’impression que nous gênons ou embarrassons les autorités de Bamako qui ont un autre agenda. Je salue au passage la solidarité manifeste des autres maliens du Sud. C’est avec amertume que  j’entends aussi d’autres maliens, dire : «  ce qui se passe chez vous Kôronfè nous touche aussi»  Comme si ce n’est pas notre république à tous, notre pays commun ! La jeunesse de Gao résistera autant que durera l’occupation. Nous ne sommes pas des orphelins même si l’Etat n’a rien entrepris jusqu’à ce jour pour sauver ceux qui survivent  dans nos régions. Il n’ya point de succès ou de victoire sans lutte et sans combat. C’est ma conviction. Héritiers et descendants d’illustres hommes, nous nous gardons de calmer ou d’émousser les ardeurs et la fibre patriotique de nos ascendants, en ce moment critique de la vie de notre nation et de son devenir. Aujourd’hui nous sommes incompris ou même méprisés souvent par nos gouvernants, mais la roue de l’histoire n’est pas figée. Nous avons toute l’impression que nous gênons ou embarrassons les autorités de Bamako. Vos cousins de Tombouctou souffrent dans leurs âmes avec la profanation des mausolées et autres lieux saints, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire ? La profanation des tombes et la destruction des mausolées sont des crimes contre l’islam. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on va apprendre aux populations de Tombouctou à faire les ablutions pour prier, comment prier ou invoquer Dieu et à rendre grâce à son prophète Mohamed (PSL). Les populations de cette ville ne sont ni païennes ni animistes. Elles n’adorent  aucune idole et pratiquent religieusement leur culte. Mais dans un pays où il n’existe aucune autorité d’Etat, il faut s’attendre au pire. C’est ce que nous vivons. En vue de la libération des régions du Nord, certains sollicitent l’intervention de la CEDEAO et d’autres,  de l’armée malienne. Qu’en pensez-vous ? C’est quad-même ridicule ce qui se passe à ce niveau. Nous sommes tous conscients de l’Etat actuel de notre armée qui a eu mal au moral et qui est sous-équipée. Que des gens disent « nous venons vous aider au risque de verser notre sang et  de périr  pour que vous recouvrez votre pays dans son intégrité territoriale », et qu’on trouve autre chose à dire, c’est malheureux !  Des telles inepties et flagorneries poussées par une fausse fierté m’indignent.  Ces gens-là qui ne veulent  pas que d’autres nous viennent en aide, ne savent pas ce que nos parents vivent sur le terrain, et c’est triste !  Il faut vivre dans sa peau et sa chair le martyre ou vouloir,  sur le corps de nos cadavres et de nos parents quotidiennement bafoués, un fonds de commerce ou un raccourci pour ramasser le pouvoir. Que viennent rapidement les forces de la CEDEAO, d’Israël, de la Tchétchénie, d’Albanie ou du Vietnam,  de toute part pour nous libérer ! Je baisse la tête de honte et d’humiliation quand je découvre tous les jours certains responsables et camarades avec lesquels on acheminé un moment,  se poster  dans leurs intérêts personnels dans des schémas  du genre: on ne voudrait pas de forces étrangères ! C’est oublier que nos soldats nos soldats ont toujours  été sur le théâtre des opérations sous mandat CEDEAO ou ONU. Aujourd’hui, on ne voudrait pas que la communauté internationale vienne sauver nos parents. C’est honteux et très bas. Nous apprenons que 1200 hommes sont mobilisés pour sécuriser les institutions à Bamako et pacifier le Nord. Qu’en dites-vous? J’estime ne pas être le destinateur de cette question. Ceux qui ont déclaré avoir mis 1200 hommes pour sécuriser les institutions à Bamako doivent nous dire combien d’hommes ils ont mobilisé pour libérer le Nord. Je suis en droit de croire que même si la situation du Nord les intéresse, elle ne les préoccupe pas. 1200 hommes à Bamako, plus 300 hommes stationnés à Mopti et environ 2000 jeunes de Ganda Koy, ganda Izo, Takuta Pular et du front de libération du Nord en encadrement à Mopti sans préjugé des autres forces stationnées ici à Bamako et ailleurs pour  l’accompagnement des jeunes patriotes sur le terrain devrait servir à sonner le glas. Mais hélas d’aucuns voudraient  qu’on s’entrelace,  que ça périsse, que la transition perdure pour mieux profiter au regard de leur agenda politique personnel. Le chaos ou le cauchemar n’est pas leur problème. L’on fait croire que la crise n’existe pas à travers des déclarations du genre « on n’a pas le choix si l’on nous impose la guerre ». C’est feindre d’oublier  qu’on est en guerre. Une guerre qu’on a imposée en nous retirant les 2/3 de notre territoire. On fait semblant que l’on est dans un pays normal où tout va bien. C’est honteux. Si seulement ceux qui doivent agir au nom du Mali avaient leurs parents fouettés tous les jours, humiliés, les tombes de leurs aïeuls profanées, ils auraient agi autrement. Un appel à lancer? Oh Mali !  Oh ma patrie ! La lutte est engagée, debout partout. Si un peuple est confronté à des questions de survie quotidienne, il ne faut pas s’attendre  à le mobiliser pour des grands desseins. Il doit se battre et résister. Nous mènerons la lutte vaille que vaille avec nos frères du Sud et d’ailleurs. Que Dieu sauve le Mali Un et indivisible.  Un adage de chez nous dit : «   N’kareye goundo gaa marayda, maa aga dirabon. » C’est-dire : Le crocodile a mal au ventre mais il marche et avance ». Propos recueillis par Alhousseiny Aboudjé  

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