Les coalisées, c’est-à-dire les troupes maliennes et françaises, n’ont pas la même impression de résistance devant les portes de Kidal. S’il y a un risque de conflits d’intérêts, nous y sommes.
Advienne que le Chef d’état-major général des forces françaises, actuellement dans nos murs, nous en informe. L’Elysée nous montrerait de ce côté ce qu’il pense être «l’allée du jardinier» dans la voix de la recherche de la paix. Et la voix de la première institution de la République au Mali s’est fait entendre. «In mansuetudine magnitudo» : la grandeur est dans la mansuétude. Ce propos est de Sénèque. La bonne surprise n’était pas dans la prise de la ville de Kidal, mais dans l’arrêt-distanciation voulu par les armées françaises arrivées ici les premiers. Ces armées françaises nous font cette impression de ressembler à ces arbres géants de la planète autour desquels s’ordonne l’architecture des forêts dont ils stockent la majorité du carbone. Voilà le rapport qu’a l’armée malienne qui est en voie de reconstruction avec les troupes françaises dans cette guerre de reconquête. Une armée «secouriste» qui avance sans attendre les Maliens. Ces Français entendent donc se construire une réputation dans cette partie du Sahel qui lui est propre. Prétendre l’apostropher dans cette démarche serait hypocrite. Il lui fallait poser des bornes politiques, pour ne pas dire opérationnelles. Ne pouvant s’arrêter puisqu’elle était la seule à proposer sur le terrain des opérations, l’armée française vient de prendre une position «clivante» sur le dernier point fixe qui est Kidal. Ces soldats commandos sont partis là-bas sans avertir les autres combattants alliés, comme s’ils voulaient envoyer chaque jour (et ce depuis plus de trois semaines de campagne militaire) une carte postale à l’Elysée. Soit ! Mais auraient-ils pu arriver sur l’aéroport de Kidal avec le plus petit nombre de soldats maliens ? En arrivant ici et dans l’état actuel de la gestion MNLA à Kidal, nous revoilà plongés dans une atmosphère anxiogène, MNLA et Français semblent courir plus vite que les autres. A quelles fins ?
Le calendrier de l’avant-bataille de Kidal : si l’armée nationale n’a pas un rythme, elle est dans le rythme de l’intervention ; mais à une différence près : l’Etat-major malien cherchera-t-il à bétonner son agenda ?
On ne change pas une méthode d’intervention militaire sur le terrain et qui a jusqu’ici été « coiffante » pour les islamistes. Cet épisode nous rappellerait quelque chose : les aventures du fin limier, l’Inspecteur Colombo où, dès le début, on sait comment cela va se terminer. Les Français nous intiment d’aller à un dialogue politique avec toutes les populations représentatives du Nord-Mali. Nous discuterons un autre jour de la gestion du Médiateur à mettre en selle. Les Français jouent sur une pente dangereuse avec le MNLA car on dit que «quand le cheval trébuche, c’est le cavalier qui doit se sentir responsable». La route se rétrécit devant le MNLA, alors le cavalier se verra invité à la manœuvre sportive car quoiqu’il dise, le MNLA, en ouvrant sa plaidoirie, racontera une scène qui parlera sans doute à beaucoup de familles maliennes. Mais attention, la pression n’est pas sur notre armée nationale. Le timing des déclarations que nous avons entendu du côté français n’y changerait rien. En tout cas, cela ne change rien à la situation politique créée. Les réactions de Bamako ? Quelques petites phrases bien senties jusque-là. On ne va pas débattre sur des hypothèses, et quand on ne sait rien, on dit que tout le monde attend d’une certaine manière. Comme Samuel Beckett qui disait «En désespoir de cause…», le MNLA cherche toujours sur notre scène nationale à regarder le premier rang des spectateurs. Il se voit déjà transfiguré à la fin de cette guerre. Mais alors, question : peut-il seulement écrire une histoire qui ne sera pas la sienne sur une table rase ? Sur cela, redonnons la parole au Président Dioncounda Traoré. A elle seule, sa parole pouvait s’opposer à celle du MNLA. Il a choisi de nous amener à la même table des pourparlers qu’eux, tout en se disant qu’ils ne pourront plus protester contre, mais plus jamais hors de l’alliance Mali. Depuis le 17 janvier 2012, les Maliens ont appris à voir le MNLA chanter le mensonge du jour, la vérité de la nuit et le silence du crépuscule. Dur métier de journaliste que le nôtre. Un illustre devancier redevenu révolutionnaire dans la France post-1789, Camille Desmoulins (1760-1794) ; nous prévenait ainsi : «Nous n’avons pas été aussi esclaves que lorsqu’on est devenu républicains…».
S. Koné