L’école malienne face au phénomène de la corruption : - DEF 2011 : 150 000 F CFA pour l'ensemble des sujets - Bac 2011 : 300 000 F CFA pour tous les sujets et 5 000F CFA par élève pour \" l'achat \" de surveillants
L'examen du DEF 2011, qui vient de prendre fin, le vendredi 10 juin, a été entaché par une fuite massive qui a fini par ternir l'image même de notre système scolaire. Il s'agit, maintenant, de savoir quelles seront les sanctions qui seront prises et à l'encontre de qui. Quelle crédibilité pour l'examen du DEF qui vient de se dérouler et pour le Bac qui commencera le 14 juin prochain ?
Le monde scolaire de la capitale a été secoué la semaine dernière suite à la fuite massive des sujets de l'examen du DEF (Diplôme d'Etudes Fondamentales). En effet, selon des sources concordantes, depuis deux jours avant le jour-J, c'est-dire avant le mercredi 8 juin, l'ensemble des sujets d'examen étaient déjà en vente libre en ville. Un établissement privé, dont nous taisons volontairement le nom, aurait été le premier foyer d'où est partie la fuite des sujets. Avant de se propager en ville telle une traînée de poudre. Le téléphone cellulaire ayant largement joué son rôle dans la diffusion de l'information entre les candidats.
Selon des élèves qui ont accepté de répondre à notre curiosité, ce n'est pas une simple fuite de sujets mais une " vente " à laquelle étaient impliqués notamment plusieurs enseignants et parents d'élève. Les sujets des matières principales tels les mathématiques, l'anglais, l'histoire-géographie, la biologie, physique-chimie …étaient, par exemple, cédés en un lot unique au prix de 150 000F CFA voire 300 000F CFA en certains endroits. Mais, le marché étant ce qu'il est, certains possesseurs de sujets ont préféré procéder à la vente en détail. Certainement que cela s'est avéré beaucoup plus lucratif mais surtout beaucoup moins encombrant.
C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle des vendeuses d'eau fraîche ont été aperçues, aux alentours de plusieurs centres d'examen, avec le précieux sésame. Certaines d'entre elles étaient tellement à l'aise car ne sachant point qu'un sujet d'examen est différent d'une galette qu'elle cédait la "marchandise ", au premier venu, au prix de 4 000F CFA. Qui dit mieux ! Cela revient, en tout cas, beaucoup moins cher que le sujet acquis en gros auprès des fonctionnaires dont certains ont fait de ce business leur fonds de commerce. Même après les changements de sujets, opérés après la découverte de la fuite au DEF, des élèves ont avoué que les nouveaux sujets ne l'étaient que de nom. Car, là encore, il s'est trouvé des candidats qui les avaient déjà...Quelle énigme !
C'est dire que les différentes académies ont du pain sur la planche. Une situation qui interpelle fortement les responsables chargés des examens et concours du ministère en charge de l'Education. Dans la mesure où la fuite ne saurait que provenir de cette maison qui avait pris des mesures afin d'éviter toute fuite. Il s'agit maintenant de savoir si le ministre Salikou Sanogo va-t-il couper des têtes ou, au contraire, laisser la situation dans les mains d'une commission d'enquêtes ? Des enquêtes qui n'aboutissent, d'ailleurs, jamais.
Avant le Baccalauréat, qui commence à partir de mardi 14 juin prochain, tout le monde attend la réaction de nos autorités. Surtout que des candidats au BAC (Baccalauréat) auraient déjà été contactés afin qu'ils rassemblent 5 000 F CFA par candidat pour que les surveillants puissent "fermer les yeux" et "faciliter la surveillance" et que les candidats soient libres de s'adonner à la fraude. Il semblerait également que les sujets du BAC sont déjà en vente au prix non négociable de 300 000F CFA.
En tout cas, les autorités sont largement informées de la situation qui prévaut actuellement au sein de notre espace scolaire. Leur incapacité à gérer le problème de corruption est également patente. Alors que ce sont elles seules qui peuvent et doivent prendre ce taureau par les cornes. Evitant ainsi que les cancres ne soient, demain, aux commandes de notre pays avec de faux diplômes, de faux titres voire de faux galons. Surtout qu'il s'agit, cette fois-ci, des fondements mêmes de notre système éducatif qui sont menacés d'effondrement.
Dans la ville, certaines rumeurs font même état d'une éventuelle reprise de l'examen du DEF. Au niveau du ministère d l'Education, il semblerait que les enquêtes se poursuivent et n'auraient, pour le moment, abouti à aucune inculpation. Il est souhaité voire nécessaire que le ministère de l'Education sorte du mutisme qu'il observe depuis l'éclatement de cette affaire. Et cela afin d'éclairer la lanterne des citoyens dont l'avenir des enfants est en train de se jouer, comme s'il s'agissait d'une scène de théâtre.
Voilà maintenant, par la faute de fonctionnaires corrompus mais surtout criminels, que des pauvres élèves termineront leur cycle sans niveau, alors que les " vendeuses d'eau fraîches" reconverties, le temps du DEF, en "vendeuses de sujet frais", verront leurs chiffres d'affaires exploser en quelque sorte et cela en un laps de temps. Avec ces pratiques qui décrédibilisent tout un système, que vont prendre comme mesures les autorités afin d'arrêter cette dérive corruptrice qui s'est emparée du monde scolaire de notre pays ?
Peut-être que le prochain Conseil des ministres reviendra sur la question. Mais et les sanctions ? Qui va les prendre ? En tout cas, elles s'imposent aujourd'hui plus que jamais.
Mamadou FOFANA
Quelle est votre réaction ?