Le RAC au sujet de la réforme constitutionnelle: «Nous n'avons pas besoin au Mali d'un monarque!»
Et, en tout état de cause, si ce lien devait être démontré, même de manière indirecte, il n'en demeurera pas moins établi pour le RAC, et assurément pour beaucoup d'autres, que le projet de réforme constitutionnelle soumis à la sagacité des Maliens et à celle de leurs représentants ne contribue en rien à soutenir l'accomplissement de la noble tâche des autorités: celle d'assurer à chaque foyer la dignité indispensable à la condition humaine.
Au contraire, ce projet de réforme paraît dangereux! Lourd de menaces pour la quête collective du mieux-vivre ensemble, dans un espace que nous avons décidé républicain. Dans notre aire politique et institutionnelle actuelle, résultant des événements de mars 1991, nous avons estimé judicieusement, à l'instar de nombreux autres pays (comparables et non comparables) à travers le monde, que le Chef du gouvernement est issu de la majorité constituée par les représentants de la Nation. Peu importe ici qu'il s'agisse d'une majorité élective ou d'une majorité assise sur une combinaison ou d’accords entre partis / formations politiques: l'essentiel est que le gouvernement puisse s'appuyer sur une majorité de parlementaires pour obtenir les moyens de son action.
Retenons que le Président de la République (PR), élu au suffrage universel direct, dispose conséquemment de sa propre légitimité et peut donc être détaché des forces politiques partisanes en présence dans l'Hémicycle parlementaire. A ce titre, le Premier Ministre (PM) détermine et conduit la politique de la Nation, sous le regard vigilant des représentants de cette dernière, qui peuvent, à tout moment, rechercher et sanctionner sa responsabilité politique. Le PR donc, également oint de la légitimité que confère le suffrage universel, arbitre le conflit, en dissolvant (électeurs appelés à trancher) ou non (acceptation de la censure par la constitution d'un nouveau gouvernement) la Chambre.
Le PM, nonobstant l'état social et économique objectif de la Nation, fonde son action de détermination et de conduite de son programme sur une appréciation des rapports de force politiques existants entre les Institutions et ceux traversant la large communauté des citoyens - électeurs. D'ailleurs, le PR aussi, et naturellement, procède à cette évaluation. Le PM – et c'est d'importance – valide auprès du PR son travail, dans le cadre du fonctionnement normal des institutions, et particulièrement dans le cas d'une concordance des majorités parlementaire et présidentielle. En cas de discordance des majorités, la dyarchie au sein de l'Exécutif, inscrite dans la Constitution, prend pleins effets.
Mais le PM, à la différence du PR, est d'autant plus attentif à ces rapports de force et contingences politiques qu'il est, ès qualité et ès nom, responsable (avec ses ministres) devant la Chambre et, à la différence du PR, en interaction permanente avec cette dernière. L'équilibre des Institutions procède de ce subtil, mais indispensable, échange entre les Pouvoirs publics. Chaque Pouvoir met en œuvre ses prérogatives, dans les limites prescrites, en en répondant personnellement et directement. Pour déployer son action, le PM, issu d'une majorité parlementaire, doit s'efforcer à tout instant de gagner et de mériter l'adhésion de cette majorité représentant le Peuple.
Il parait devant la Chambre, qui contrôle, et censure le cas échéant, son action. Le PM n'est pas un simple collaborateur du PR. Il est une autorité politique, il est le Chef d'une majorité constituée par les citoyens - électeurs. Le PR, au-dessus de la mêlée, est l'arbitre d'un éventuel conflit résultant de l'action gouvernementale de conduite / gestion des affaires de la Nation et de l'action parlementaire de contrôle et de censure de cette conduite / gestion.
Parce que donc il n'est pas un simple collaborateur, parce que donc il est un rouage essentiel du mécanisme institutionnel, la nomination, comme le départ, du PM doivent être principalement fondés sur une juste analyse de la situation politique et électorale du pays, et non résulter d'un pouvoir discrétionnaire constitutionnellement confié au PR. En cela, le silence de notre actuelle Constitution sur le départ du PM est une œuvre, non une abstention, qui concourt à la recherche et à la préservation de l'équilibre institutionnel, garant des libertés publiques et privées.
On (le projet de réforme) nous apprend que le PR doit être substitué au PM dans la détermination de la politique de la Nation, sans pour autant que sa responsabilité ès qualité et ès nom ne puisse être recherchée, et encore moins engagée. Le PM demeurant responsable devant les représentants de la Nation d'une politique dont la détermination lui a été confisquée. De la sorte, on nous fabrique un concept inédit: la responsabilité politique par procuration. J'exerce un pouvoir qui m'est personnellement confié par l'effet de la Loi, mais d'autres que moi, toujours par l'effet de la Loi, répondent des éventuelles conséquences dommageables associées à la détermination comme à l'exercice de ce pouvoir !!
Notre Constitution, telle qu'agencée actuellement, permet d'assurer l'équilibre des Institutions, tant dans leur fonctionnement propre que dans leur interaction. Elle oblige les acteurs politiques en charge à coopérer. Le projet de réforme prend le pari insensé de faire dépendre cet équilibre non plus des seules réalités politiques et des nécessites du temps présent, mais du caractère, de la modération, de la pondération d'un seul homme: le PR. Nous n'avons pas besoin au Mali d'un monarque, pouvant en appeler à la Constitution pour justifier et soutenir ses décisions et actes objectivement déraisonnables.
Les successeurs immédiats et lointains de l'actuel PR ne travailleront pas nécessairement, comme lui, au rassemblement de toutes les forces du pays. C'est aux serviteurs de l'Etat de s'adapter à des Institutions pensées à l'aune de l'intérêt général. Et non l'inverse. En matière constitutionnelle, il est recommandé de laisser un espace entre la pratique et la lettre, afin d'assurer une souplesse dans la gestion dynamique des Institutions; c'est à dire du Pouvoir d'Etat. Les uns et les autres adaptent leurs pratiques en temps réel en fonction de l'évolution des rapports de force politiques dans le pays et des défis qui s'imposent à celui-ci. Opposer, par une réforme constitutionnelle iconoclaste, des autorités légitimes, tout en supprimant les mécanismes de régulation des conflits, ou, à tout le moins, en en amoindrissant l'efficacité, ne cesse - pour le moins - d'interroger.
Tant qu'à faire, basculons pleinement dans un régime présidentiel (à l'américaine par exemple). Les pouvoirs du PR y seront renforcés (n'est-ce pas en définitive le seul vrai objectif visé), sans pour autant lui soumettre de manière trop préjudiciable la Chambre, comme cela transparait du projet de réforme nous occupant ici. Dans un tel régime, les rapports de force entre les Institutions préserveront bien mieux nos libertés qu'elles ne sont susceptibles de l'être en cas d'adoption du projet présenté. Mais encore faudra-t- il nous expliquer un tel choix, en rupture avec notre histoire politique contemporaine et nos traditions républicaines.
De la nationalité
Le projet de réforme introduit en plus de la notion de Malien «d'origine», qui a été extraordinairement destructrice de sociétés et de pays pas éloignés du nôtre, et ce dans un passé encore présent, le fait de ne se prévaloir que d’une seule nationalité pour être candidat à l’élection présidentielle. Faut-il vraiment s'interroger sur la nécessite, l'opportunité, d'introduire des différences entre Maliens? Certains d'entre nous seraient plus légitimes que d'autres, en raison du mode d'acquisition de la nationalité, pour prétendre assumer et exercer les plus hautes charges de la Nation? Il faut plutôt s'interroger sur le manque de discernement des promoteurs d'un tel projet, dans un pays comme le Mali, partageant des frontières avec une multitude de pays, et dont les fils émigrent depuis des siècles en étant attentifs au sort qui leur est réservé dans leurs pays d'accueil.
Pour mémoire, des pays ayant mieux réussi que nous à fonder une nation homogène permettent à l'ensemble des membres de leur communauté citoyenne de se présenter aux élections de toute nature, sans référence aux conditions et au moment de l'entrée des uns et des autres dans la communauté nationale et / ou à leur lien avec un autre pays. Ils sont inspirés, ces pays. Et la paix sociale y règne. Les nationalités sont souvent fondées sur des réalités familiales et elles participent, d'une manière ou d'une autre, à la cohésion familiale. Est-il nécessaire de rappeler qu'une Nation est en quelque sorte une association de familles multiples? Mieux vaut que ces cellules familiales baignent dans une cohésion aussi solide que possible, afin d'offrir à la Nation un socle stable.
Au Mali, il n'y a pas lieu d'organiser des discriminations entre citoyens. Aucun argument intelligent ne peut le justifier. Interrogeons-nous plutôt sur les failles éventuelles d'une société susceptible d'accueillir en son sein des membres qui se sentiraient moins intégrés que d'autres, ou qui ne ressentiraient pas le besoin de s'engager au service de l'intérêt général. Cette voie est bien plus noble, bien plus constructive! Cerner juridiquement la notion de nationalité, par renvoi à l'origine, ou créer un conflit de légitimité entre plusieurs nationalités est un exercice intellectuel et moral / éthique éminemment périlleux, très probable source de dislocation d'un tissu social que nous sommes déjà bien en peine de tisser! Il est de fulgurantes idées qu'il est permis de taire!
De la création d’un Sénat
Le projet de réforme envisage le bicaméralisme. L'amélioration du travail législatif n'est en rien tributaire de la création d'une Haute Chambre. L'histoire politique de certaines nations étrangères les a conduits à opter pour un bicaméralisme leur permettant de résoudre des conflits mortels pour la société toute entière. Notre histoire, comme notre présent, nous permettent de faire l'économie de ce choix. Profitons-en et affectons nos ressources à l'amélioration du fonctionnement de nos Institutions actuelles, en réfléchissant notamment à la manière dont nos élus et autres responsables peuvent mieux les animer.
Mesdames et Messieurs les gouvernants, nous vous exhortons à habiter mieux et davantage vos fonctions et mandats respectifs, pour mieux vous approprier les Institutions actuelles, aux fins d'assurer leur fonctionnement optimum, avant que de vous disperser dans des débats stériles et des projets non seulement ruineux, mais potentiellement attentatoires aux libertés publiques et privées. Faites cela. De la sorte, vous pourrez alors vous dédier pleinement à vos nobles missions. Celles d'envisager avec vos concitoyens (vos électeurs) les voies et moyens pour assurer le bien-être de la Nation.
Aidez-nous à nous nourrir, à nous loger, à nous soigner, à nous instruire, à électrifier nos zones de vie et de production, à nous désendetter, à travailler, à construire la relation que nous pouvons entretenir avec l'Etat, à offrir à nos enfants une vie meilleure que la nôtre. Et vous aurez été pleinement utiles à votre pays. Il n'est pas donné à tous l'opportunité de remplir de manière aussi significative son existence ici-bas. Le RAC vous y invite!!!
Le Rassemblement pour les Actions Concrètes
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