L'économie malienne en voie de faillite
Conséquence de la crise politico-militaire au Mali, la note de notre pays vient d'être dégradée par le COFACE dans son rapport d'avril 2012. Le COFACE est un des leaders mondiaux de la notation du risque financier. Elle aide les entreprises à évaluer le risque de défaillance de leur partenaire à l'exportation. Ses évaluations sont réalisées à travers un vaste réseau de 4 600 collaborateurs et de 250 experts parmi les plus pointus. Même si COFACE n'évalue pas les dettes souveraines des Etats, sa notation demeure importante d'autant qu'elle projette une image des entreprises qui constituent le moteur de l'activité économique d'un pays.
Dans sa publication d'avril 2012, le COFACE a déclassé le Mali qui passe de la note C à la note D, tandis que le GHANA est réclassé, passant de la note C à la note B. Les conséquences immédiates d'une telle baisse de notre notation se ressentiront sur les échanges exterieurs de nos entreprises. Les transactions - du genre cautions bancaires, garanties- assurances, crédits fournisseurs - seront faites dans des conditions plus ardues. Certes, la gravité des problèmes politiques du moment place en sécond plan cette notation; néamoins, les acteurs nationaux doivent en tenir compte et écourter autant que possible la crise politique malienne.
Or le Mali ne semble pas pressé de prendre le chemin d'un apaisement. La fin des 40 jours d'intérim de Dioncounda Traoré s'annonce mouvementée.Nul ne sait s'il restera à son poste pour diriger la transition ou s'il sera enlevé de là par la junte du capitaine Sanogo. Craignant pour leur sécurité et anticipant sur un éventuel embargo de la CEDEAO, les investisseurs chinois ont fui. Ainsi, la route emblématique Bamako-Ségou, qui devait être financée par la banque chinoise Eximbank à hauteur de 240 milliards de FCFA et et dont les travaux de construction avaient été confiés à une entreprise chinoise, a été abandonnée. Quelque 60 ingénieurs et techniciens chinois déployés sur divers chantiers au Mali ont fait leurs valises et rejoint Pékin en attendant des jours plus cléments. Même constat au niveau de la coopération japonaise dont les représentants sont rentrés, même si les bureaux restent ouverts pour assurer le service minimum.
Dans le climat de tension actuel, ni l'Union européenne ni les Etats Unis, encore moins la banque mondiale et le FMI ne débourseront un franc d'aide budgétaire au Mali. Or sans aide étrangère, l'Etat malien ne pourra pas longtemps payer les salaires de ses fonctionnaire, a fortiori investir dans les infrastructures sanitaires, scolaires ou de transport. La mort du tourisme malien (bien avant d'ailleurs l'occupation complète des régions du nord par les rebelles) a tué dans l'oeuf les projets immobiliers d'hôtellerie et privé le Mali de dévises. Une compagnie aérienne comme Air France est presque toujours obligée d'aller faire le plein de kérosène à Casablanca (Maroc), faute d'en trouver au Mali. La chose n'a rien de rassurant pour le transport aérien et la rentabilité des aéroports du Mali qui, au reste, souffrent du climat de terreur consécutif à des déploiements militaires incessants dans leurs locaux, voire à des tirs nourris comme ce fut le cas lors de la dernière offensive des bérets rouges. Un exploitant du parking de l'aéroport de Sénou nous révèle qu'il gagnait avant la crise 100 000 FCFA par jour et qu'aujourd'hui, faute de passagers et d'accompagnateurs véhiculés, il rentre à la maison avec une récette journalière d'à peine 15 000 FCFA .
Au niveau du grand marché de Bamako, les commerçants constatent une baisse drastique de la clientèle. Certains nous ont déclaré qu'ils préféraient fermer un ou deux jours plutôt que d'aller s'asseoir pour rien au marché, voire de s'exposer à des balles perdues. Il ressort d'un reportage de l'ORTM, la station ds'Etat, que la plupart des entreprises (Batexi, groupe Achkar, Hôtel de l'Amitié) ont mis la moitié de leur personnel au chômage technique. D'autres entreprises ont préféré diminuer les salaires du personnel. Cela fait autant de récettes en moins pour les impôts, la douane et l'INPS. Ces services se trouvent, on le sait, déjà pénalisés par la destruction partielle de leurs outils de travail et d'archivage, au même titre que les ministères situés à la Cité administrative qui ont vu leurs locaux et matériels saccagés par des vandales.
Quant aux tribunaux, ils fonctionnent à peine, obligés de renvoyer les audiences au gré des rumeurs et des bruits d'affrontements. Avocats et huissiers de justice se plaignent de n'avoir plus de clients; les rares clients qui se présentent marchandent comme des tapissiers à la faveur de la crise. Si la crise perdure, c'est l'économie malienne entière qui s'écroulera pour de bon.
Enquête d'Abdoulaye Guindo et d'Abdoulaye Koné
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