Mali : Des parodies de démocratie !
La gestion concertée et consensuelle du pouvoir a été fatale à la démocratie malienne. Le multipartisme qui a sous-tendu cette démocratie a connu son épilogue après plus de vingt ans d’exercice du pouvoir par des démocrates sous des vocables aussi divers que « toxiques » pour cette la jeune démocratie chèrement acquise après une révolution populaire en 1991.
Tantôt gouvernés par un parti politique, tantôt par un indépendant, ces régimes successifs ont été les véritables fossoyeurs de cette même démocratie. Une démocratie qualifiée de façade et galvaudée par l’alternance d’une prétendue gestion concertée ou consensuelle du pouvoir qui avait atteint son seuil d’incapacité et d’incompétence avec un coup d’Etat (contre GMT), deux Etats de droit (AOK et ATT) et un autre coup d’Etat (la junte). C’est à la faveur d’une révolution populaire née d’une crise sociale qu’Amadou Toumani Toure perpétra un coup d’Etat salué en son temps par tous les Maliens, inaugurant du coup une Transition ayant abouti à une démocratie atypique à tous points de vue. Applaudi et loué par l’opinion nationale et internationale pour avoir cédé le pouvoir à un Président démocratiquement élu, le Général ATT s’était fait ami de tout le monde, voire une icône, un monument national au-dessus de tout soupçon et qui méritait une place au panthéon de l’histoire pour son geste combien héroïque. D’abord pour avoir balayé le Général-Président Moussa Traoré qui s’était métamorphosé en dictateur ignorant toute forme de liberté à son peuple. Ensuite pour avoir ouvert à notre pays la voie au multipartisme, à l’Etat de droit..., bref à la démocratie. Mais hélas, les Maliens assisteront à une démocratie de façade plutôt qu’à une véritable démocratie invulnérable à toute tentative de corruption et de dépérissement des droits fondamentaux et élémentaires des citoyens qui ont offert leur sans et leur vie pour redonner au peuple malien sa dignité, son honneur et sa personnalité perdus par le fait de la dictature du Général déchu.
La « flamme de la paix » n’avait pas sa raison d’être
Selon toutes les sagesses africaines, « on ne brûle pas les armes de guerre ». Chez les Bambara particulièrement, le reste du médicament qui a servi à soigner une maladie est toujours gardé par le traitant. Au cas où le malade guérit et qu’il ne revienne pas payer ou donner la contrepartie pour laquelle il a été traité, le soigneur peut jeter le reste du médicament dans le feu pour ressusciter ou raviver la même maladie guérie du patient. C’est ce qu’on appelle « brûler le reste des armes de guerre » : c'est dire que la « flamme de la paix » n’avait nullement sa raison d’être. Nulle part ailleurs au monde, on n’a assisté à une brûlure d’armes : c’est le drame, le scandale, voire « le péché » commis par le régime du Président Alpha Oumar Konaré. C’est bien ce malheur qui poursuit de facto le Mali. Pourquoi ne pas endosser aussi la responsabilité de cette rébellion du Nord qui n’a jamais atteint un tel degré de gravité au cours des deux régimes précédents : celui d’Alpha et celui d’ATT ? C’est d’ailleurs cela l’échec de notre démocratie si chèrement acquise en 1991.
Dans une démocratie bégayante, pourquoi un indépendant au pouvoir au détriment des partis politiques ?
C’était la première faute commise par notre jeune démocratie à travers l’ADEMA et ses alliés. Au lendemain de la révolution qui avait propulsé la démocratie et l’Etat de droit au Mali, les démocrates maliens ont mal fait de laisser un indépendant prendre le pouvoir, quel que soit son esprit patriotique et démocratique. Une démocratie ne peut être enracinée dans un pays que par l’exercice du jeu démocratique du pouvoir et des partis politiques qui ont pour missions la conquête et l’exercice du pouvoir pour le bien-être du peuple. Dès lors qu’Alpha Oumar Konaré a remis le pouvoir à un indépendant au détriment des partis politiques, quel qu’en soient les motifs, on a assisté à « un coup d’Etat démocratique contre la démocratie ». C’est cet état de fait qui a asphyxié, voire tué notre démocratie. Dès lors, on a plutôt assisté à une démocratie de façade qui ne dit pas son nom.
Une démocratie consensuelle succède à une gestion concertée du pouvoir et « tue » la démocratie.
Il va de soit que lorsqu’un indépendant gère le pouvoir, il le fait avec les représentants des partis politiques, comme ce fut le cas avec le candidat indépendant ATT. Pendant dix ans, ATT a dirigé le Mali avec tous les partis politiques, qu’ils soient de l’opposition ou de la droite. Du coup, tous les partis politiques sont autant responsables du bilan de la gestion d’ATT de son bilan. Ce putschiste de Moussa Traoré élu 2002 et réélu (pas correctement) en 2007 est le principal complice des démocrates qui l’ont accompagnés dans toutes les épreuves, heureuses ou malheureuses. Mais ils ont contribué à galvauder cette démocratie acquise au prix du sacrifice de beaucoup de citoyens.
La pensée unique du maître à penser
ATT et son gouvernement ont été incapables de tenir tête à la rébellion du Nord. Mais ils n’ont pas été les seuls incapables : tous les partis politiques l’ont également été. Tous sans exception exécutaient la volonté du leader (ATT), qu’il l’exprime oui ou non. Le suivisme politique n’est-il pas un comportement anti-intellectuel et anti-démocratique ? « Les élections à tout prix ou rien ! Les élections auront lieu aux dates prévues ! ». Tel semblait être le mot d’ordre de l’ex-Président ATT. Des investissements colossaux dans les logements sociaux, les travaux routiers et autres festivités comme le Cinquantenaire de 2010. Alors que l’armée manque crucialement d’armes et de munitions, sans compter d’autres secteurs de la vie publique qui manquent de tout. M ais « il ya pas d’effet sans cause » La cause du putsch met ainsi en évidence le feu qui couvait depuis longtemps sous les cendres.
Abdoulaye Faman Coulibaly
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