Amputé par les armes des 3/5ème de son territoire par la rébellion, les djihadistes et autres narcotrafiquants, assiégé et mis en joue par ce qui reste de son armée nationale avec ses propres fusils, dans ce qui lui reste de son territoire, le peuple malien connaît à vitesse vertigineuse une descente aux enfers jamais égalée dans l'histoire contemporaine. Les lendemains qui s'annoncent sont encore plus sinistres.
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Le capitaine Sanogo, béret vert sur la tête, et le président malien, Dioncounda Traoré, en 2012. Reuters[/caption]
En effet, après avoir commis dans la nuit du 21 au 22 mars 2012 ce crime imprescriptible selon notre constitution, le capitaine Sanogo et son équipe en faisant semblant d'accéder aux injonctions de la CEDEAO ont organisé un simulacre de retour à l'ordre constitutionnel en installant Dioncounda Traoré à Koulouba, sous bonne garde, une centaine de soldats super armés surveillant tout ce qui s'y passe, déambulant dans ce qui reste du palais, l'œil sur leur otage et y dictant leur loi. Ils attendent impatiemment selon eux-mêmes 40 jours, que dis-je à peine 27 jours maintenant pour en empêcher l'accès au Président éphémère et y placer le Capitaine, pour une transition qui leur confèrera les pleins pouvoirs sur ce qu'on pourra alors "Mali land"
Au vu de ce qu'ils nous ont montré depuis bientôt un mois, trois mots ou si vous voulez trois maux caractérisent leur gestion : terreur, mensonge et chaos.
La terreur
La terreur parce que dès le 22 mars 2012, après le palais de Koulouba, les soldats s'en sont pris méthodiquement et systématiquement à l'appareil d'Etat et aux citoyens civils de Bamako, en cassant, pillant et brûlant tout ce qu'ils ne pouvaient pas emporter, d'honnêtes citoyens ont été braqués à leur domicile, les bureaux et magasins de la douane ont été saccagés, des coffre forts enlevés, comme ont été saccagés au Nord par le MNLA et Iyad Ag Ghaly les services publics, hôpitaux et domiciles privés au même moment ! La seule différence est qu'à Bamako et Kati aucun domicile ou bureau de militaire n'a été vandalisé !
La terreur, c'est qu'à partir de ce moment, des hommes sur armés paradent dans Bamako en tirant intempestivement des rafales d'armes automatiques à tort et à travers, traumatisant tout le monde. Que de balles perdues à Bamako avec leur cortège de victimes innocentes ! C'était tout simplement débile.
La terreur, c'est des commandos armés, cagoulés, qui effectuent nuitamment des descentes musclées dans des domiciles privés, brisant les serrures, cassant tout ce qui peut être cassé, séquestrant, brutalisant et enlevant des personnes pour les emmener à Kati sur ordre du Capitaine ; ceci sans aucun mandat, ni raison ! C'est l'heure des règlements de compte.
La terreur, c'est d'envoyer des commandos en civil " caillasser " et agresser des manifestants anti-putsch à la Bourse du Travail, saccageant et brûlant au passage les bureaux de ce monument du syndicalisme et de la démocratie au Mali (plutôt feu le Mali).
Le mensonge
Le mensonge, c'est de dire urbi et orbi que le coup d'Etat n'était ni prévu, ni préparé. Aujourd'hui on sait qu'il tire son origine du camp de Gao.
Le mensonge, c'est d'évoquer le problème du Nord et le manque de munitions pour se justifier ; depuis le 22 mars les rebelles ont eu un boulevard devant eux jusqu'à Mopti, que dis-je ? jusqu'à Bamako ! Et depuis le 22 mars, les Bamakois n'ont jamais vu et entendu autant d'armes de guerre de toute leur vie, souvent face à des citoyens désabusés, lors de manifestations pacifiques. En fait, il y a des armes, des munitions ; il n'y a pas d'armée au sens martial du terme.
Le mensonge, c'est le simulacre de prestation de serment de Dioncounda Traoré et la parodie du garde à vous impeccable de Sanogo, devant le nouveau Président, signe d'allégeance en temps normal, et devant le drapeau ; en réalité une plaisanterie de mauvais goût qui n'a trompé personne !
Le mensonge enfin, c'est le visage du colonel Diamou Kéïta à la télé, exhibant sans sourciller des armes de guerre sorties du néant pour venir nous expliquer qu'elles proviennent de domiciles ou près de domiciles de certains enlevés. Qui était détenteur de ces armes ? Pourquoi n'avoir pas embarqué la télé nationale au lieu de la découverte le jour de la découverte pour mieux nous édifier ? Quelle tristesse ! Le régime de Sékou Touré, spécialiste des faux complots, faisait encore mieux ! Diamou Kéïta rentra dans l'histoire et son visage déjà gravé sur la toile mondiale y restera pour toujours le visage du mensonge et du cynisme !
Le chaos
Le chaos, c'est l'atmosphère hallucinante et délétère de l'aéroport de Bamako-Sénou livré aux militaires du rang singulièrement la nuit du 20 au 21 avril 2012, où on voit un groupe de jeunes soldats empêcher physiquement l'embarquement d'un homme politique, malade et couché sur une civière dans une ambulance, sous prétexte qu'il a été interpellé et libéré il y a quelques jours.
Le chaos, c'est de voir le Premier ministre en personne venir négocier avec la soldatesque le passage des deux check points, pour le malade, puis de revenir une demie heure plus tard, renégocier avec un autre groupe de soldats, pour permettre l'embarquement du malade cette fois avec l'assistance de l'Ambassadeur de France sous les injures et autres grossièretés des soldats à l'encontre de leurs personnes, leurs pères et mères et ceux du malade ! Nous avons atteint le sommet de l'inhumanité, de la déchéance ! Tout ceci sur ordre du Capitaine Sanogo.
Le chaos, c'est de voir des hommes politiques jadis chantres et héros autoproclamés de la démocratie comme IBK, Oumar Mariko, entretenir et accompagner cette liquidation de notre pays, croyant arriver au pouvoir suprême dans le wagon des putschistes après la transition qu'ils vont leur offrir dans quatre semaines, car tous leurs adversaires les plus en vue, Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé entre autres seront liquidés entre temps, au propre ou au figuré. Quel minable calcul !
Que dire des pseudos intellectuels, genre Dr Bagayogo, Blaise Sangaré, Me Gakou qui, après avoir bouffé à tous les râteliers de Moussa Traoré à Att, croient enfin leur heure arrivée !
Le chaos, c'est enfin la devise de cette radio Kayira " mille collines " qui déverse le venin de la haine et de la méchanceté à longueur de journée, semant la zizanie, la méfiance et la haine entre les fils d'un même pays, d'une même famille !
A la doctrine de la CEDEAO " Tolérance zéro " pour les coups d'Etat, le Capitaine Sanogo répond par un tonitruant " Tolérance zéro " à la Télévision, c'est-à-dire dans son langage : zéro liberté, zéro opposition aux putschistes, zéro manifestation hostile à la junte, zéro constitution, zéro institution, zéro reconquête des territoires perdus.
Le chaos, c'est quand on fait vandaliser les tombes de jeunes élèves officiers tués lors d'un bizutage criminel à l'EMIA après avoir libéré leurs tortionnaires.
Que nous reste-t-il alors pour briser ce carcan ?
A notre avis, chaos pour chaos, seul le bon Dieu peut nous entendre en exauçant l'un des deux vœux que nous lui adressons : au mieux, que d'autres forces viennent jusqu'à Bamako nous débarrasser de ces soldats déserteurs impitoyables et avides, ou au pire envoyer un gigantesque tsunami ou un tremblement de terre pour anéantir complètement ce pays nous tous avec, pour que d'autres générations y surgissent. Car, assurément, l'enfer, c'est ici !
Dugu Fana