Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (21 avril 2011) - 2 La faillite des structures de contrôle financier …

Juin 12, 2011 - 18:30
Juin 12, 2011 - 18:30
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Dans cette deuxième partie de notre traduction, le Bureau de l’Inspecteur Général du Fonds Mondial dresse la liste de toutes les pratiques frauduleuses décelées par ses enquêteurs, en même temps qu’il analyse les nombreuses carences dont ont fait preuve toutes les structures de contrôle qui auraient pu déclencher l’alarme...

Parmi tous les retraits en banque qui ont fait l’objet de détournements directs des fonds bancaires, 34% ont été justifiés par une documentation frauduleuse. En outre, 55% de ces retraits en banque n’étaient justifiés par aucun document. Le comptable de la DAF a également pris des mesures pour camoufler les contrefaçons et les transferts inadéquats par le tripatouillage des entrées relatives à ceux-ci dans les relevés bancaires des programmes. L’OIG a retrouvé des documents de caisse couverts de fluide correcteur, avec pour résultat des espaces blancs sur les relevés bancaires. Dans ces cas, les totaux à la fin des rapports étaient soit «pondérés» soit ne correspondaient pas aux total des montants.

Fabrication de faux documents pour justifier des dépenses

L'OIG a trouvé un grand nombre de preuves montrant que les fonctionnaires du PNLT, du PNLP et de la DAF, individuellement et parfois de concert entre eux, ont créé les fausses pièces justificatives, aussi bien en altérant des documents, tels que des factures d’entreprises existantes ou de leur invention, sur leurs propres ordinateurs, ou par collusion avec certaines entreprises, pour créer l’illusion d'un processus concurrentiel de fourniture et de signatures de contrats authentiques pour l’obtention de marchandises ou de services, alors qu’en fait tel n'était pas le cas. Ces fonctionnaires ont également falsifié des «Ordres de mission» du MoH (ministère de la Santé), des autorisations de voyager pour des formations, des supervisions ou d'autres activités sur leurs ordinateurs.

De plus, ces fonctionnaires ont fabriqué de toutes pièces les fiches journalières qui ont soi-disant recensé le personnel du programme et les participants aux formations, accusant réception d’indemnités journalières, en contrefaisant des signatures. Les fonctionnaires ont authentifié les faux documents faux avec des images scannées de tampons et de signatures ou avec des tampons qui n’auraient pas du se trouver en leur possession, y compris des tampons d’entreprises, du MoH, et des DRS (Directions régionales de la santé). Un grand nombre d'activités des programmes, telles que des formations et des missions de surpervision, ont été dévoyées par la fraude et la corruption, et les paiements pour ces événements, à des participants supposés, ont été effectués sur la base de contrefaçons. En fait, l'OIG a retrouvé les mêmes pratiques pour la plupart des activités et les faux documents y afférents font partie du lot des documents fournis pour justifier ces activités. En conséquence, il y a une forte présomption à conclure que plusieurs de ces activités ont pu ne pas avoir eu lieu du tout.

L'OIG a également constaté que des fonctionnaires des Directions régionales de la Santé, chargés de l'exécution des programmes en dehors de Bamako, la capitale du Mali, aussi bien que des commerçants locaux, qui ont soi-disant fourni des marchandises ou des services, ont activement participé, ou étaient complices sous une forme ou une autre, des arrangements frauduleux. Dans certains cas, des fonds ont été envoyés directement dans les comptes bancaires des DRS par l'intermédiaire des transferts électroniques, mais la documentation justifiant ces soi-disant dépenses a été frauduleusement produite par des fonctionnaires du PNLT à Bamako. Plusieurs fournisseurs ont admis avoir fourni de faux documents aux fonctionnaires, ou leur avoir délivré des modèles vierges de leurs factures.

Surfacturations et détournement des fonds des programmes

L'OIG a également trouvé des preuves que les fournisseurs de marchandises chères, telles que l'équipement médical, le matériel informatique et les motos, les ont surfacturées de manière exorbitante, ou doublement facturées, aux programmes subventionnés par le GF. L’OIG a constaté que 660 000 USD d’équipement médical facturés lors du Round 7 TB ont été attribués anormalement à un fournisseur malien local qui, à son tour, a acquis l'équipement en Europe et en a gonflé le prix de plus de 250%, soit 270 000 USD. La totalité de l'équipement médical acheté s’est avéré impropre, parce que l'achat avait été fait avant le PNLT ne soumette son plan d’achat de matériels et équipements de santé au GF, violant de ce fait l'accord de subvention. L’OIG a également constaté que le Round 7 TB a été surfacturé pour le matériel informatique à 250%, soit 34 000 USD. En outre, l’OIG a constaté que le programme a prétendument acheté les mêmes motos à deux fournisseurs différents et qu'un officiel du PNLT, l’Individu C, en collusion avec l’un des fournisseurs, a revendu certains des véhicules au marché noir. Les autorités maliennes ont arrêté les fournisseurs de l'équipement médical et des motos, mais les fournisseurs de matériel informatique sont censés avoir fui le pays. En plus de ces actions répressives, ces montants devraient être récupérés auprès du PNLT et des fournisseurs mis en cause.

Retraits bancaires sans justificatifs
En plus des fraudes décrites ci-dessus, l’OIG a constaté que 1.7 million USD de retraits en banque n'ont été accompagnés d'aucun document justifiant la dépense. De ce montant, 700 000 USD ont été détournés comme expliqué ci-dessus. Des 1 million USD restants, plus de 70% avait été détournés entre 2 et 5 années avant l’enquête. Le fait de ne pas avoir conservé et produit la documentation montrant que ces fonds ont été employés pour le programme constitue une violation de l'article 13 des Normes et Procédures standard du GF, une infraction à l'accord de subvention, et une perte de fonds qui doivent être récupérés.

Pratiques frauduleuses de passation des marchés
En plus des pratiques frauduleuses déjà décrites, l’OIG a constaté que 600 000 USD additionnels, les principes de transparence, d’équité et de concurrence pour la passation des marchés de fourniture des marchandises et de services, conformes les exigences de l'accord de subvention du GF, n'ont pas été respectés. Dans certains cas, des fournisseurs qui soi-disant s’affrontaient appartenaient à la même famille. Dans d'autres cas, bien que les soumissionnaires ayant obtenu le marché aient affirmé la véracité de leurs factures et services (certification de service fait NDLR), tous les fournisseurs dont les noms apparaissent dans les offres concurrentes ont déclaré que ces documents n'étaient pas authentiques. Comme ces transgressions violent les règles de l’accord de subvention relatives à la passation des marchés, le GF doit chercher à récupérer ces montants auprès du  P.R (Bénéficiaire principal).

Fonds utilisés pour un laboratoire incomplet, inutilisé et inutilisable

L’OIG note également qu'un laboratoire pour lequel le Round 4 TB a dépensé 120 000 en 2008 n’était pas opérationnel à la date, de l'établissement de ce rapport parce qu'il n'est pas conforme aux normes de sûreté de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La structure chargée du suivi des dépenses et de l’exécution du programme dans le pays (le LFA – Local Fund Agent, Agent local du Fonds) et les gestionnaires du portefeuille du GF (FPMs) ont exprimé leurs inquiétudes quant au retard dans la livraison de ce laboratoire, qui pouvait durer jusqu’à la fin de la durée de la subvention. Etant donné l'absence complète de documents d’offres, ce laboratoire n’a pas été obtenu correctement. Bien que l’OIG ait découvert d’autres signaux alarmants en relation avec ce laboratoire, la structure judiciaire du Mali a pris en charge ce dossier qui fait partie de ses investigations criminelles. L'OIG en a donc déféré aux autorités maliennes afin qu’elles mènent l’enquête jusqu’à sa conclusion.

Faiblesses du contrôle fiduciaire

L’OIG a constaté que les programmes de subventions ont souffert de faiblesses de contrôle fiduciaire sérieuses, qui ont empêché les fraudes et autres abus d'être découverts plus tôt. Au Mali, cinq structures: (1) la DAF; (2) les auditeurs externes; (3) l’Agent local du Fonds (LFA); (4) l’organisme national multipartite de coordination (CCM – Country Coordination Mechanism); et (5) le personnel en charge au Secrétariat du GF, y compris les managers des subventions et l'Unité des Finances, ont a constitué le cadre fiduciaire qui devait s’assurer que les fonds été employés aux fins prévues. Cependant, l'examen par l’OIG des documents rédigés par ces structures et les entretiens avec le personnel-clé de celles-ci a montré que - excepté un cabinet d’audit recruté juste avant que les audits de l’OIG ne commencent - ces individus ont failli à mesurer les risques évidents de possibilité de détournement des fonds des fins prévues, de même qu’ils n’ont pas réagi lorsque des indices probants d’élévation du niveau de risque se sont fait jour.

L'OIG note que, a l’issue de concertations avec lui, le Secrétariat du GF a affirmé avoir adopté des mesures de sauvegarde additionnelles en 2010 et 2011, mesures qui répondent, dans une large mesure, à plusieurs des observations faites dans ce rapport. Par conséquent, cette analyse des faiblesses du contrôle fiduciaire peut ne plus s’appliquer nécessairement à l'approche actuelle du GF concernant les fraudes et autres abus.

Ainsi, pour commencer, l’OIG a constaté que la DAF, l'entité la plus directement responsable des aspects fiduciaires des subventions au MoH (ministère de la Santé),   était elle-même impliquée dans les fraudes constatées par l’OIG. L’OIG a appris aussi que le comptable recruté pour superviser les fonds des subventions avait une histoire criminelle financière antérieure. En outre, la DAF n'a pas mis en application les principes de séparation des fonctions ni mis en œuvres les tâches comptables de base. Le comptable de la DAF s’est vu accorder un plein accès aux comptes bancaires, aux chéquiers et aux relevés bancaires, en même temps qu’il était chargé d’effectuer les rapprochements bancaires (ce qui n’a été fait que très rarement, en fait). Le comptable de la DAF a également été impliqué dans la collecte et la conservation des documents relatifs aux dépenses aussi que dans l’insertion des transactions dans le logiciel comptable. Ces rôles, normalement incompatibles, ont constitué une violation claire des normes universellement admises de séparation des fonctions, et ont, de ce fait, augmenté les risques de fraude, qui se sont finalement matérialisés. Bien que le LFA et le personnel en charge au Secrétariat du GF se soient rendus compte que la DAF coupable de légèretés et non transparente avant même l'évaluation de la première subvention (Round 1 Malaria), et, ensuite, au fil des années, cette structure a continué à être chargée de superviser l’exécution des programmes objets des nouvelles subventions, personne n'a identifié les faiblesses systémiques de la DAF comme des indicateurs de fraudes et d'abus possibles.
A suivre…
Ramata Diaouré

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