Sanglants affrontements au sein de l'armée malienne: Le syndrome d'Aguelhoc s'est-il propagé à Bamako ?

Peut 7, 2012 - 07:16
Peut 7, 2012 - 07:16
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Traumatisée jusqu'à la psychose par la hantise d'un contre coup d'État - beaucoup plus du reste qu'elle n'est préoccupée par ses tâches régaliennes de libération du territoire occupé par des assaillants -, l'armée malienne continue de se perdre en conjectures et de s'offrir en pitoyable et honteux spectacle. Les errements dans ses rangs se sont ainsi conclus, la semaine dernière, sur un scénario jusque-là incroyable : des affrontements internes dont les proportions de victimes n'ont rien à envier à l'épisode dramatique d'Aguelhoc.   Enclenchée aux environs de 18 heures dans l'après-midi du 30 Mars dernier, la tragédie aura immobilisé les paisibles citoyens dans leurs demeures toute une nuit. Ils y ont été obligés par des tirs nourris d'abord dans les environs de l'ORTM, ensuite aux abords de la caserne militaire de Kati où est installé le QG de la junte putschiste, depuis les événements du 22 Mars dernier. Comme on le saura plus tard, il s'agit d'une très sanglante démêlée entre éléments du CNRDRE et du 33ème Régiment de la Compagnie des Parachutistes. Recoupements faits, il nous est revenu qu'à l'origine du drame se trouve un règlement de compte entre les ténors de la junte putschiste et le chef de l'ancienne garde rapprochée de la présidence de la République, en l'occurrence le Colonel Abdine Guindo. Ce dernier, soupçonné de mijoter un ''coup'', a été objet d'une convocation expresse par les hommes forts de Kati. A en croire du moins des explications concordantes, il avait pour tort de s'être montré assez regardant sur les règles traditionnelles de fonctionnement du commandement militaire en vertu desquelles un officier supérieur ne saurait normalement se plier aux ordres de subalternes. Il aurait donc, de même source, catégoriquement refusé de se rendre à Kati sur convocation de A H. Sanogo et compagnie, pour autant que son interpellation devrait émaner du Ministre de la Défense où même du chef d'Etat-major des armées, quoique ce dernier ait été nommé par acte fondamental. Quoi qu'il en soit, il n'en fallait pas plus pour inspirer à la junte une descente musclée sur le 33ème Régiment de la Compagnie des Parachutistes avec comme objectif de cueillir un officier insoumis aux yeux duquel le CNRDRE ne représente rien dans la hiérarchie militaire normale. Aussi la réaction des hommes du 'Camp Para' ne s'est-elle pas fait attendre. Tout en faisant prisonniers les envoyés de l'Etat-major extraordinaire, ils ont à leur tour déclenché également la contre-offensive de la façon la plus surprenante qui soit : prendre pour cible tous les points stratégiques sous l'emprise du CNRDRE contre tout esprit d'un retour à la normale. La contre-offensive des 'Bérets rouges' a occasionné un carnage humain à des proportions supérieures selon toute évidence aux chiffres officiellement annoncés. Victimes du flot de balles perdues déversées dans cette bataille d'éléphants, les populations civiles en ont massivement fait les frais aux abords de chacun des points convoités par les belligérants. Qu'il s'agisse de l'Aéroport, de Kati ou de l'ORTM, les témoins font par exemple état de corps en décomposition qui se découvrent au fil des commentaires et commérages sur l'événement. Mais le gros des pertes aura été visiblement enregistré de part et d'autre dans les rangs des deux camps adverses. On ne saurait en déterminer le nombre avec exactitude, mais les observateurs sont unanimes sur un fait : la débauche d'énergie et de munitions, pendant la nuit du lundi au mardi et jours suivants, ne pouvait avoir fait des victimes dans les proportions officiellement évoquées sur les antennes publiques. On peut d'ailleurs en juger à tout le moins par le ton inhabituellement désemparé du président du CNRDRE, lequel est apparu abattu et manifestement très affecté au lendemain des affrontements sur les écrans de la télévision nationale. En atteste également l'ardeur des représailles ayant suivi, avec une sanglante chasse à l'homme appelé ratissage qui a consisté à débusquer les 'Bérets rouges' acculés dans leurs derniers retranchements et discrètement soumis pour certains à des règlements de compte de la part de leurs frères d'arme. L'expédition punitive, selon des sources concordantes, aura fait des victimes dans les proportions effroyables, parce certaines parlent de plus de la centaine d'éléments sommairement exécutés. En définitive, l'épisode - toutes proportions gardées des pertes humaines occasionnées à l'armée malienne - ne se distingue point de la tragédie d'Aguelhoc où près d'une centaine de vaillants soldats sont passés par des exécutions collectives sommaires perpétrées par les assaillants rebelles.  Avec plus d'une centaine de victimes, la semaine dernière à Bamako, il s'agit visiblement une réédition d'autant plus gênante qu'Aguelhoc a servi, en son temps, de déclic à la vague ayant précipité le départ de l'ancien pouvoir et de toute la hiérarchie militaire. Mais à la différence d'Aguelhoc, l'ennemi dans l'épisode  bamakoise n'est autre que soi-même, et la série selon toute vraisemblance donne l'air d'avoir de beaux jours devant elle. Au regard notamment des proportions de commandos disparus dans la nature et de l'ampleur des blessures morales laissées par l'allure des vengeances aveugles, elle risque d'engendrer une longue vendetta entre corps de l'armée malienne et, selon la nature et l'étroitesse des liens avec les victimes, de verser même dans les règlements de compte au sein d'un même corps. A.Keïta      

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