Pour assouvir leur désir de savourer les délices du pouvoir, des mutins regroupés au sein du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) ont justifié leur coup de force contre Amadou Toumani Touré par une prétendue mauvaise gestion de la crise du Nord et bien d’autres alibis pour doper la conscience des Maliens toujours attachés aux sujets d’intérêt national. A ce jour, il n’en est rien puisqu’en quelques jours et de mémoire, le Mali n’est jamais tombé aussi bas. Pis, depuis qu’ils sont aux rênes du pouvoir, la situation s’empire et les Maliens ne savent plus à quel saint se vouer. Pour gagner en légitimité, le CNRDRE avait envisagé la tenue d’une « convention nationale ». N’ayant pas eu l’onction de toutes les forces vives de la nation et d’une grande partie de la classe politique, l’événement est reporté aux calendes grecques. Entre temps, Amadou Haya Sanogo et ses ouailles sont devenus clinquants et pimpants.
[caption id="attachment_57764" align="alignleft" width="550" caption="Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, le 30 mars à Bamako - REUTERS"]
![](http://www.maliweb.net/wp-content/news/images/2012/03/libe-sanogo4.jpg)
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Après s’être habités d’une volonté délibérée de saper la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie pour l’avènement de la démocratie au Mali en 1991, Amadou Haya Sanogo et ses sbires ne font rien pour, s’en bombent-ils la poitrine, « redresser la démocratie et restaurer l’autorité de l’Etat ». Ceci d’autant que le cours des évènements prouve à suffisance qu’ils n’ont que faire des aspirations avérées de la majorité qui voudrait qu’ils rejoignent les casernes après avoir déposé Amadou Toumani Touré.
Cela dit, en plus de faire fi des appels répétés de la communauté internationale à quitter le pouvoir, Amadou Haya Sanogo et ses camarades peinent, tout de même, à proposer aux Maliens des solutions de sortie de crise au sens véritable de l’expression. Aussi, pour mal cacher ses limites, le capitaine Sanogo se plait à multiplier ses sorties médiatiques avec son lot de discours vides de substance et d’issues. Pour preuve, dans son allocution, en réponse à l’embargo de la CEDEAO, au lieu d’égrainer un chapelet de mesures pour soulager les consommateurs, le président du CNRDRE s’est seulement résigné à inviter les Maliens à ne pas tomber dans la panique. Comme si on pouvait éternellement se servir du cœur ou de la raison pour endiguer la précarité. A ce niveau, notre cher capitaine, les Maliens ont besoin de pragmatisme.
Par ailleurs, le chef de la junte qui fait montre d’une certaine sérénité n’a jamais été capable de dire aux Maliens qu’il craint, lui aussi, pour son sort, au point de dépêcher une délégation au Nigeria aux fins de négocier une amnistie pour lui et ses camarades. Auparavant, pour gagner en légitimité, la junte a distribué des tracts qui, estime-elle, pourraient l’aider à endoctriner les Maliens et à les pousser à incriminer certains anciens dignitaires, sans preuves palpables. Fort heureusement, les Maliens ne sont pas des moutons de panurge et ont une faculté d’analyse avérée et un esprit critique qui leur permettent de ne pas accepter les choses comme allant de soi.
Pour revenir au fameux prétexte de la gestion de la crise du Nord, les putschistes, à leur arrivée, ont dénoncé l’incapacité et l’incompétence du défunt régime à combattre les rebelles. Une déclaration qui a suscité l’espoir chez certains de nos compatriotes. Très vite, ils vont se rendre à l’évidence que les nouvelles autorités ne valent pas mieux que l’équipe d’ATT. A l’orée du coup de force, des rumeurs faisaient état d’un manque de munitions…Pourtant, nos soldats n’ont pas hésité à défalquer plus de balles entre Kati et Bamako à travers des tirs de sommations et de joie qu’au nord du Mali. La fouge qui devrait les animer sur le front n’a été malheureusement retrouvée qu’entre ses deux villes, créant la psychose chez les pensionnaires de ces localités. Des tirs de joie motivés surtout par la fin de la hantise d’aller défendre la patrie. Pire, depuis l’insurrection du 22 mars dernier, l’armée est désorganisée, il n’y a plus hiérarchie. Cela se fera sentir à travers les piètres prestations de nos forces armées et de sécurité qui se traduit par la démotivation, la démobilisation, le manque de conviction et la peur au ventre d’affronter les rebelles. En un mot, la crainte de perdre sa vie. Pour s’en laver, la junte qualifie la retraite de stratégique. Un déshonneur qui a permis à nos compatriotes vivant sur d’autres cieux et qui n’avaient jamais cessé de vanter le mérite de notre armée d’avaler leurs langues, puisque couverts de honte aux côtés d’autres africains.
Bref, sachons raison garder. Quelque soit la volonté du capitaine Amadou Haya Sanogo qui s’attire déjà les foudres de la communauté internationale, la messe semble être dite sur ses intentions. Lui et ses acolytes doivent savoir que tous les hommes sont périssables. Seuls les pays et les institutions demeureront et la roue de l’histoire tourne. D’ailleurs, le report sine die de la « convention nationale » en dit long sur l’importance de ne plus continuer à amuser la galerie. L’heure n’est plus à l’orgueil ou à un quelconque complexe. Elle est grave avec son corollaire de retard de salaires, de supercherie et nous en oublions volontiers.
Tiéborio