Hamed Sow: Face à la situation de ni paix ni guerre au Mali / « Le Gouvernement d'union nationale pourrait être pire que l'actuel gouvernement... »

Juillet 16, 2012 - 07:54
Juillet 16, 2012 - 08:01
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« Le Gouvernement d'union nationale pourrait être pire que l'actuel gouvernement... La résolution de la CEDEAO fixe un cap. A nous Maliens d'en donner un contenu positif pour notre pays »,  dixit le Dr. Hamed Sow [caption id="attachment_76943" align="alignleft" width="300"] Ahmed Sow[/caption] La Lettre ouverte adressée au Premier ministre par le Dr. Hamed Sow a fait l'objet de commentaires souvent passionnés au sein de la plupart des salons feutrés de Bamako et probablement dans les capitales régionales  du pays. Des commentaires quasiment positifs dus à la pertinence des solutions proposées par celui que beaucoup considèrent déjà comme « l'homme de demain ». Ses nombreux admirateurs voient déjà en lui un destin national. Mais l'intéressé préfère évoquer d'abord le plan de sortie de crise.  Le Dr. Hamed Sow nous a reçus le jeudi 12 juillet. Avec la franchise qui le caractérise, il nous a d'emblée confié : « Je ne suis pas sûr qu'il soit judicieux de parler encore, mais en même temps, il y a tellement d'enjeux pour le devenir du Mali qu'il devient impossible de se taire. Je ne veux pas trop revenir sur ce que j'ai déjà dit, mais approfondir certains points ». La CEDEAO confirme le régime d'exception D'entrée de jeu, le Dr. Hamed Sow parle de la résolution du Sommet des Chefs d'Etat de la CEDEAO, de la situation du Mali et de la solution pour une sortie définitive de crise du pays. Selon le Docteur, « il convient de saluer les efforts entrepris par la CEDEAO qui a organisé pas moins de six Sommets de Chefs d'Etat sur le Mali depuis le début de la crise intervenue au cours de la dernière décade de mars 2012. Lors de leur dernier Sommet, les Chefs d'Etat de la Communauté ont fixé le cap : celui de la mise en place d'un gouvernement d'union nationale avant le 31 juillet 2012, sous peine de sanction. À cet effet, il est demandé aux partis politiques et aux associations de la société civile d'adresser leurs propositions au Président de la Transition qui, sur cette base, devrait doter le pays d'un gouvernement intégrant les différentes sensibilités. Cette résolution soulève  d'abord un problème d'ordre constitutionnel. En effet, selon la Constitution actuelle du Mali, le Président de la République nomme le Premier ministre. Ce dernier forme le gouvernement  et le soumet à l'approbation du Président de la République. Ensuite, le Président de la République adresse la feuille de route du gouvernement au Premier ministre qui s'en inspire pour préparer sa Déclaration  de Politique Générale qui est soumise et votée ou rejetée par l'Assemblée nationale ». En demandant au Président de la Transition de former le gouvernement, les Chefs d'Etat de la CEDEAO confirment le régime d'exception au Mali. « A mon avis, ils auraient dû demander au Président de la Transition de retourner rapidement dans son pays, de se consulter avec l'ensemble des forces vives du pays et sur cette base, de confirmer l'actuel Premier ministre dans ses fonctions ou de le démettre en choisissant un nouveau Premier ministre. Charge au Premier ministre confirmé ou rentrant d'organiser la Consultation nationale avec les forces vives, d'élaborer la feuille de route de la Transition, de composer le gouvernement d'union nationale et de le soumettre au Président de la République pour aménagement et approbation ». En outre, en faisant du Président l'acteur majeur de la Transition, cela du reste en contradiction avec les pleins pouvoirs donnés précédemment au Premier ministre, la CEDEAO nous ramène à la question de l'absence du « nouvel homme fort » du Mali qui ne peut plus rester hors du pays. Or il se trouve que le retour du Président est lié aux dispositifs sécuritaires devant assurer sa protection, son intégrité physique. Le corps d'unité d'élite qui vient d'être mis en place sous l'autorité directe du Premier ministre est-il de nature à rassurer le Président de la Transition et par ailleurs Chef suprême des Armées? Les 125 Gardes qui viennent d'être affectés à la Présidence de la République par le Centre de coordination des opérations de sécurisation des institutions de la Transition suffiront-ils aux yeux du Président? Espérons que les tout prochains jours, nous apporterons une réponse satisfaisante à ce sujet. Selon le Dr. Hamed Sow, le gouvernement d'union nationale pourrait être pire que l'actuel Exécutif. Supposons  que le Pr. Dioncouda Traoré rentre au Mali au mieux de sa forme. Concernant la suite à donner à la Constitution avant le 31 juillet 2012 et au fameux gouvernement d'union nationale, le Dr. Sow dira qu’un gouvernement est une équipe d'hommes et de femmes chargée de mettre en œuvre une politique dont les orientations sont définies pas le Président de la République. De ce fait, la Constitution d'un gouvernement ne doit aucunement être une fin en soi.  « Raison laquelle nous devons inverser la démarche. Nous devons d'abord élaborer une feuille de route claire pour le gouvernement de la Transition. Tous les acteurs de la vie politique malienne sont d'accord sur les objectifs de cette feuille de route, à savoir : la restauration de l'intégrité du territoire national et l'organisation d'élections libres, transparentes et crédibles auxquelles, j'insiste, pourrait être ajouté un troisième objectif : celui de l'assainissement de la gestion des fonds publics. Il reste à préciser les moyens et les méthodes pour atteindre les objectifs arrêtés, ainsi qu'un chronogramme de réalisation des actions. À mon avis, c'est ce travail préalable qu'il convient de faire sérieusement. À défaut, nous risquons de nous trouver avec un groupe hétéroclite de personnalités, les unes et les autres jouant les partitions propres à leurs formations originelles. Un tel gouvernement sans objectif commun, sans souci de coordination et de solidarité de l'action, risque d'être pire que l'actuel dont nous avons dénoncé l'immobilisme et demandé sa dissolution », a fait savoir le Dr. Sow. La résolution de la CEDEAO fixe un cap, à nous Maliens d'en donner un contenu positif pour notre pays  Comment éviter un tel scénario catastrophique quand on sait ce qui se passe au Nord du Mali? Le Dr. Sow répondra que le gouvernement d'union nationale doit être l'émanation des accords de la Concertation nationale. Et de préciser : « Appeler ça autrement si vous voulez : Conférence, Convention nationale, disons CN par commodité. L'essentiel est que toutes les composantes de la vie sociopolitique du Mali se retrouvent pour analyser la difficile situation du pays, dégager les voies de solutions, trouver les moyens et engager les actions nécessaires pour nous permettre de sortir de cette grave crise. Dans la lettre ouverte adressée au Premier ministre, j'ai proposé une démarche méthodologie pour préparer la concertation nationale. Je ne reviens pas là-dessus. Par contre, la résolution de la CEDEAO est une nouvelle donne qu'il convient d'intégrer pour permettre la réussite de la CN. Je vois quelques conditions majeures qui détermineront la réussite de cette CN. D'abord, celle-ci doit être représentative de toutes composantes des forces vives du pays, sans exclusion, sans anathème à jeter sur qui que se soit. Les représentants des principaux partis et associations, qu'ils aient soutenu ou dénoncé le coup d'Etat, ainsi que les représentants des forces de défense et de sécurité doivent tous prendre part à cette concertation placée sous la présidence du Président de la Transition. Il n'y a rien de plus incertain que de mettre en place  des forces antagoniques sans discussion et négociation préalables. L'expérience montre qu'au moment où l'on convoque ce genre de conférence, la majeure partie des différents sont résolus. Un des facteurs clés de réussite de la CN, mais au delà, disons de toute la Transition, tient à l'entente entre le Président de la Transition et son Premier ministre. Les deux têtes de l'Exécutif sont dans l'obligation de se concerter et d'agir de concert pour le bien supérieur de la Nation. Dans tous les cas, ils n'ont pas d'autres choix s'ils veulent réussir leurs missions respectives et complémentaires. N'étant pas directement concernés par la prochaine élection présidentielle, donc n'étant pas en compétition, leurs intérêts convergents pour agir intelligemment ensemble afin de réussir la Transition. Ils sont suffisamment avisés pour faire attention à leurs entourages respectifs qui sont souvent les fauteurs de division. Il est aussi impératif que la CN aborde la délicate question de la place et du rôle des forces de défense et de sécurité durant la Transition. La mise en place effective et le fonctionnement du Comité consultatif de la réforme de l'Armée, l'évaluation des besoins globaux les conditions de sollicitation des appuis externes en fonction des besoins exprimés, les soutiens indispensables pour galvaniser nos troupes de libération sont autant de questions qui doivent être examinées de façon approfondie et responsable par la CN. Le facteur décisif qui en définitive déterminera la réussite ou non de la CN tient à l'état d'esprit avec lequel les uns et les autres aborderont cette concertation de la dernière chance. Plus que jamais, nous devons nous mettre au dessus de nos divergences partisanes. L'ennemi est à nos portes. Nos familles au Nord souffrent le martyre et sont dans le désarroi. Les criminels et les destructeurs se renforcent de jour en jour grâce à  des apports externes, mais aussi par l'embrigadement de nos jeunes compatriotes des zones occupées. Le temps nous est donc compté. Nous n'avons pas droit à l'échec. Dès lors que nous arriverons à nous mettre d'accord sur les objectifs, les moyens et le calendrier de la Transition, les lignes directrices de la formation du gouvernement d'union nationale pourraient être établies. En principe, un tel gouvernement est composé de  représentants des formations politiques en fonction de leurs poids respectifs à l'Assemblée nationale, d’associations les plus représentatives de la société civile, des forces de défense et de sécurité que le Premier ministre pourrait compléter par quelques technocrates dédiés à certains départements sectoriels. D'ores et déjà, deux critères peuvent faire l'objet d'une entente préalable. D'abord, la crédibilité des membres du gouvernement aux yeux des Maliens et de la Communauté internationale ». Un dicton populaire dit : « Au Mali, sait qui est qui ». Aux dires du Dr. Sow, les grands fossoyeurs de la République sont connus et devraient donc être définitivement mis hors jeu politique. Il ajoute, parlant de compétence : « Les candidats proposés par les divers groupes doivent avoir les profils des postes ministériels visés. Il ne s'agit pas de placer des leaders en fonction de leur influence politique, mais de leur compétence sectorielle. Toutes les grandes formations politiques et associatives ont des cadres valables qu'elles pourraient proposer pour la constitution du gouvernement d'union nationale. Il restera alors au Premier ministre d'en sélectionner les meilleurs pour constituer son équipe gouvernementale et la faire valider par le Président de la Transition. Ainsi devrait aller le Mali de l'entente, de la responsabilité, prêt pour la reconquête de son  intégrité et maître de son destin ». Pour ce qui est du rôle que pourrait jouer, dans ce processus, le Parti travailliste pour le renouveau du Mali en gestation, le Dr. Sow souligne : « Je vous laisse seul juge de cette appellation. Si je n'étais pas très respectueux de la liberté de la presse, je vous aurais demandé de gommer cette question. Je voudrais aujourd'hui parler des voies et moyens de sortie de crise de notre pays. Pour qu'un parti politique puisse exister, encore faudrait-il que nous ayons un pays intégral et stable ».  Dr. Hamed Sow : une personne ressource Selon Dr. Sow, dire que le pays va bien est une sorte de tautologie, vu la situation actuelle. Les derniers actes posés par les bandits armés (destruction des mausolées) sont inadmissibles sur le plan religieux. En plus, ces hommes sans foi ni loi, qui prétendent venir en aide aux populations, l’appauvrissent plutôt car la seule richesse mondialement reconnue au Nord du Mali, c’est le tourisme. Aussi, la question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir : que faut-il  faire pour mettre un terme à la souffrance de nos populations ? S’agissant  de la situation dans le Sud du pays, le Dr. Sow note qu’à cause de la mauvaise pluviométrie de l’année dernière, il existe des difficultés céréalières dans certaines zones. En outre la situation de l’économie malienne est inquiétante. « L’Etat  a du mal à jouer son rôle d’acteur économique majeur. Les marchés publics sont suspendus, ce qui affecte beaucoup d’entreprises. D’une façon générale, le pouvoir d’achat s’est amenuisé. L’argent se faisant rare, les gens ont des difficultés à joindre les deux bouts », a indiqué le Dr. Sow avant de conclure : « Le Mali de demain sera autre chose. Il y aura une recomposition de la classe politique malienne ainsi qu’une exigence de la population car après avoir sillonné le pays, il est aujourd’hui difficile de parler politique aux populations à la base. Ce qui signifie qu’il y a un rejet des hommes politiques par la population. Il y aura une recomposition politique qui demandera assez d’efforts des politiques. Le développement, c’est une question de compétence humaine. Donc demain, il faut des responsables patriotes qui viennent travailler pour le pays plutôt que de se servir car il n’ya pas de magie pour se développer, il faut plutôt travailler et sérieusement : c’est ça le plus important ». Paul N’Guessan

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